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Où la topologie des fractals s’interprète de manières variées . 86

2.4 Perspectives de travail : le cas non Pisot

3.1.1 Où la topologie des fractals s’interprète de manières variées . 86

Comme mentionné dans le premier chapitre d’introduction, le succès des frac-tals de Rauzy vient de leur utilisation dans une variété de domaines. En fait, dès qu’un objet mathématique est auto-induit (au sens où il se contient lui-même), et que le “ratio” d’induction est un nombre de Pisot, ce phénomène d’induction peut se traduire par une substitution et se représenter par un fractal de Rauzy. De ma-nière moins évidente, les propriétés de l’objet mathématique considéré au départ se traduisent souvent en des propriétés topologiques des fractals.

– En théorie des nombres, des propriétés diophantiennes (recherche des meilleu-res approximations simultanées de vecteurs pour certains nombmeilleu-res) se dédui-sent de la largeur de la plus grande boule centrée en zéro et incluse dans le fractal.

Par ailleurs, le fait que 0 est point intérieur du fractal signifie que les écritures de nombres dans une numération en base β sont toutes finies pour les éléments dans l’anneau R[1/β] [AS05]. De plus, le fractal de Rauzy permet de carac-tériser les rationnels dont le développement est purement périodique [IR05]. Nous reviendrons longuement sur ces deux derniers points dans la section 3.2, en discutant des travaux (publié ou en cours de rédaction) en collaboration avec V. Berthé, S. Akiyama, G. Barat, B. Adamczewski, C. Frougny et W. Steiner ((Monas. Math., 2008),(JNT, 2007)).

– Comme nous l’avons aussi déjà mentionné, le fractal de Rauzy permet de construire une partition de Markov pour certains automorphismes d’un tore [IO93, Pra99]. La connexité du fractal est un élément important pour décider si cette partition de Markov est génératrice [Adl98].

– En géométrie discrète, les fractals de Rauzy sont très liés à des procédés d’en-gendrement de plans discrets [ABI02]. La forme des pièces générés lors de ce procédé est contrôlée par la topologie du fractal. Nous discuterons cette question en détails dans la section 3.3, en discutant des travaux en collabora-tion avec P. Arnoux, V. Berthé et J. Bourdon ((TCS,2004), (Jour. Montoises, 2006), (Integers, 2005)).

– En géométrie, les fractals de Rauzy permettent de représenter des flots pour des espaces de pavages. Certaines propriétés topologiques (comme l’existence de points de coupure) sont de bons candidats pour des invariants par conjugai-son par un automorphisme de groupe libre : nous discuterons ce point dans la section 3.4, en s’appuyant sur des travaux (publiés ou en cours de rédaction) en collaboration avec P. Arnoux, V. Berthé et A. Hilion (Ann. Inst. Fourier, 2006).

Il existe plusieurs résultats disséminés dans la littérature concernant la topologie des fractals. Par exemple, le fractal de Rauzy pour la substitution de Tribonacci est connu pour être homéomorphe à un disque [Mes00], mais des choses assez sur-prenantes arrivent pour d’autres fractals : ils peuvent ne pas être connexes, ne pas

être simplement connexes, 0 peut ne pas être point intérieur [Aki02]. Les méthodes utilisées pour mettre en évidence des phénomènes sont très peu généralisables et concernent des exemples fixés.

3.1.2 Graphes de pavages et propriétés topologiques

Comme nous l’avons déjà mentionné, les travaux sur les graphes de frontière décrits dans la section 2.3.3 permettent, en plus de donner une condition de pavage pour les fractals de Rauzy, d’identifier explicitement les triplets et quadruplets de tuiles qui s’intersectent dans un pavage. Dans la même monographie en cours de soumission (Monographie S. & T., 2008), nous exploitons cette connaissance sur les points doubles, triples et quadruple pour donner des conditions algorithmiques pour de nombreuses propriétés de fractals. Les démonstrations sont assez variées, nous encourageons donc le lecteur à lire les détails dans (Monographie S. & T., 2008). Nous allons ici simplement rappeler les principales propriétés topologiques que nous caractérisons et discuter des apports des graphes de frontière par rapport aux résultats existant.

1. Mesure de la dimension de la frontière Des exemples de calculs de di-mension de la frontière apparaissent dans [FFIW06, IK91, Mes00, Thu06]. Puisque les graphes de pavages fournissent une description par GIFS de la frontière du fractal, on en déduit directement une mesure de la dimension par boites (ou box-dimension) de cette frontière, qui dépend des valeurs propres de la matrice d’incidence du graphe de la frontière. La principale limitation de ces méthodes est qu’elles ne sont valables que dans le cas irréductible, puisqu’elles s’appuient sur un procédé d’approximation de la frontière par des polygones. Une autre limitation (sauf pour [Thu06]) est aussi l’absence d’algorithme pour calculer la dimension. Au contraire, nous proposons dans (Monographie S. & T., 2008) une méthode pour calculer la dimension par boites, qui est entiè-rement automatique puisqu’elle s’appuie sur un algorithme pour calculer les graphes de frontière. Cette méthode est utilisable pour toutes les substitutions Pisot unitaire, cas réductible compris.

Dans le cas où les conjugués de Galois de la valeur propre dominante de la substitution sont de même norme, on obtient un calcul de la dimension de Haussdorf de la frontière.

2. Le point 0 est un point intérieur du fractal Dans le cas des systèmes de numération, nous savons avec [Aki02] que 0 est un point intérieur du fractal de Rauzy si et seulement si les écritures des éléments de Z[1/β] sont toutes finies. Avec une approche géométrique, nous prouvons dans (Monographie S. & T., 2008) que ce résultat est vrai pour toute substitution Pisot unitaire si on considère le système de numération de Dumont-Thomas associé ([DT93], voir aussi (Integers, 2005)).

3. Connexité En généralisant les critères donnés dans [Can03, Rau82], nous donnons dans (Monographie S. & T., 2008) une condition nécessaire et suffi-sante pour que les pièces du fractals soient connexes. Cette condition étant liée aux graphes de frontières, elle est vérifiable par l’application d’un algorithme.

4. Homéomorphisme à un disque Des exemples de fractals homéomorphes à un disque ont été étudiés dans [Luo02, Mes00, Mes06] : il s’agissait d’exemples où une seule tuile permet de décomposer le fractal. Dans (Monographie S. & T., 2008), nous proposons une condition en terme de graphes de frontière et de points triples qui est suffisante pour qu’un fractal de Rauzy soit homéomorphe à un disque, lorsque le coefficient de dilatation de la substitution est un nombre de Pisot de degré 3. Comme pour les précédentes propriétés topologiques, on vérifie cette condition de manière algorithmique.

Notre approche est générale : en fait, nous proposons un critère pour que la solution d’un GIFS soit une courbe de Jordan. Nous nous sommes inspirés d’une approche utilisée dans [LZ04] pour étudier des systèmes de numération dans l’anneau des entiers gaussiens. Cependant, dans notre cas, la présence de plusieurs pièces dans le GIFS empêche de déduire l’homéomorphisme à un disque à partir de la connexité de l’intérieur [LRT02]. Nous avons donc utilisé plusieurs résultats sur la topologie du plan pour aboutir à nos critères. En guise d’exemple, nous détaillerons la condition d’homéomorphisme à un disque dans la section 3.1.3.

5. Simple connexité et groupe fondamental non libre Dans le cas où le fractal n’est pas homéomorphe à un disque, nous proposons dans (Monogra-phie S. & T., 2008) un critère pour montrer que ce fractal contient un grand nombre de trous. Plus précisément, notre critère permet de montrer que le groupe fondamental de certains fractals non seulement n’est pas libre, mais n’est même pas dénombrable. Ainsi, topologiquement, certains fractals sont de la même nature que le tapis de Sierpinski. En particulier, puisque le groupe fondamental n’est pas dénombrable, l’intérieur de ces fractals n’est pas sim-plement connexe.

Tous les critères proposés s’appuient sur les graphes de frontière, et sur la combina-toire de la substitution. Ils sont donnés par des algorithmes qui ont été implémentés dans le programme de calcul formel MuPad, accessible sur demande.

En illustration, on pourra considérer la figure 3.1 qui propose différents exemples de fractals ; la croix blanche y désigne le point 0.

σ1 Cette substitution est définie par σ1(1) = 12, σ1(2) = 3, σ1(3) = 4, σ1(4) = 5, σ1(5) = 1. Elle est réductible, sa valeur propre dominante vérifie β3= β − 1. Le fractal et toutes ses sous-tuiles sont homéomorphes à un disque et 0 est un point intérieur.

σ2 Cette substitution est définie par σ2(1) = 2, σ2(2) = 3, σ2(3) = 12. Elle est irréductible, son polynôme minimal est le même que celui de σ1. Le fractal et toutes ses sous-tuiles sont connexes, mais leur groupe fondamental est non-dénombrable. Le point 0 se trouve sur la frontière du fractal.

σ3 Cette substitution est définie par σ3(1) = 3, σ3(2) = 23, σ3(3) = 31223. Son fractal n’est pas connexe et 0 est sur la frontière du fractal.

σ4 Cette substitution est définie par σ4(1) = 11112, σ4(2) = 11113, σ4(3) = 1. Elle est irréductible et le groupe fondamental de son fractal est non trivial (la

Fig.3.1 – Différents fractals de Rauzy pour les substitutions σ1, σ2, σ3, σ4, σ5 et σ6 définies dans le texte. Les sous-tuiles sont indiquées par des couleurs distinctes. La croix blanche indique la position de l’origine 0. Les propriétés topologiques de ces fractals sont obtenues à partir des graphes de frontières, elles sont décrites dans le texte.

frontière n’est pas une courbe de Jordan). Par contre, 0 est point intérieur du fractal.

σ5 Cette substitution est définie par σ5(1) = 123, σ5(2) = 1, σ5(3) = 31. Le groupe fondamental du fractal est non dénombrable. 0 se trouve sur la frontière du fractal : même si cela est peu visible sur le dessin, il existe en fait un isthme très fin qui part de l’extérieur du fractal et se termine en 0.

σ6 Cette substitution est définie par σ6(1) = 12, σ6(2) = 31, σ6(3) = 1. Le groupe fondamental du fractal est non dénombrable. 0 se trouve sur la frontière du fractal.