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Analyse et correction du verrouillage en tension

3.1 Intra-ply shear locking ou Tension locking .1 Mise en évidence du tension locking

3.1.2 Le verrouillage en tension

Les phénomènes de verrouillage sont de première importance dans les analyses élé-ments finis. Dans des cas particuliers, bien que le calcul converge et donne une solution, celle-ci n’est pas conforme au résultat attendu suite au calcul analytique. C’est alors à l’uti-lisateur de vérifier et sélectionner la formulation élément fini adaptée au cas qu’il désire traiter. Plusieurs types de verrouillages, plus courants que celui abordé ici, ont été ample-ment étudiés.

(a) (b)

Figure 3.1 – Maillage d’une éprouvette de traction de biais à 0/90(a) et à ±45(b)

Figure 3.2 – Forces de traction pour des simulations élément fini dont le maillage est

à reproduire un champ de déformation isochore en tous points pour un champ de dé-placement qui conserve le volume. Dans le cas de lois de comportement incompressible ou quasi incompressible, la dilatation non-nulle en tout point des modes hourglass, qui sont un mode de déformation isochore, provoquera un raidissement du comportement [NAG 74, HUG 80, BEL 86].

Le verrouillage en cisaillement plan apparait lors de sollicitations en flexion pure. Au-cun cisaillement ne doit exister en tous points de l’élément. Cependant, le principal mode de déformation est un mode hourglass. Le cisaillement donné par l’interpolation n’est donc pas nul en tous points, faisant intervenir une résistance en cisaillement. On parle alors de rigidité supplémentaire en cisaillement [BEL 86, BEL 90a].

Il existe aussi le transverse shear locking [HUG 81] pour les plaques et coques minces sollicitées en flexion pure et le membrane locking [STO 82] dans le cas des coques courbées sollicitées par des déformations en flexion [BEL 00]. Ceux-ci étant uniquement réservés aux éléments de type plaque ou coque, ils ne seront pas abordés ici.

Pour en revenir au cas du tension locking, il est intéressant d’étudier un cas précis met-tant en lumière ce phénomène de verrouillage. Prenons le cas du bias extension test, qui a été amplement étudié. Comme cela a été montré par [YU 06], afin de réussir une simu-lation, chaque élément doit être capable de se déformer suivant certains modes. La figure 3.3 montre les quatre modes composants la simulation. L’élément A, localisé dans la zone III, doit reproduire une déformation de treillis uniforme. Dans l’élément B, à cheval sur les zones I et II, et l’élément D, à cheval sur les zones II et III, les fibres selon une direc-tion peuvent être courbées. L’élément C s’étend sur l’ensemble des zones de telle manière que les fibres selon les deux directions subissent de la flexion.

A B C D A B C D A B C D I III II

Figure 3.3 – Modes de déformation pour certaines zones d’un essai de traction de biais

[YU 06]

Les modes de déformations B, C et D sont ceux qui vont poser problème. Modéliser le bias extension test nécessite une continuité

C

0aux frontières entre domaines. Les éléments

finis à intégration complète sont au minimum

C

1 dans leur domaine. Une rotation des fibres à l’intérieur de l’élément, c’est à dire une discontinuité, n’est pas représentable. Le seul moyen de faire apparaitre ces discontinuités est d’aligner les fibres avec les côtés des éléments, le champ de déplacement étant

C

0entre eux. Ainsi, les flexions de mèches sont possibles.

Dans les paragraphes suivant, une explication du verrouillage en tension à partir d’hy-pothèses simplificatrices est donnée. On montrera la présence de déformations parasites non constantes dans la direction des mèches, provoquant des élongations fibreuses numé-riques non désirées.

Approximation du comportement élément fini par γ-projection

Quantitativement, la non-cohérence de ces modes de déformation peut aussi être re-liée à une trop grande rigidité des modes de déformation hourglass due aux très larges rigidités de tension par comparaison aux autres. Cette trop grande rigidité des modes hourglass, générant un champ de déformation non constant dans l’élément, peut elle-même être expliquée par l’existence de déformations parasites dans les directions des mèches. L’évaluation des forces générées par ces déformations parasites conduira au ver-rouillage. Afin de montrer les problèmes numériques soulevés par ces matériaux, la dé-formation dans les directions des mèches (supposées quasi inextensibles) est développée explicitement grâce à l’approximation des Q4 (quadrangle à quatre nœuds) proposée par [BEL 86], repris par [KOH 87] puis [SIM 93b] entre autres. Pour cela, plusieurs hypo-thèses simplificatrices seront faites ici :

— Des éléments surfaciques sont considérés. Cette hypothèse permet d’alléger les cal-culs théoriques. Ceux-ci peuvent aussi être réalisés en volumique mais trois modes hourglass supplémentaires apparaissent dans chaque direction, alourdissant les no-tations. Pour le développement associé aux cas tridimensionnels, on s’appuiera par exemple sur [BEL 93] ;

— Les perturbations sont supposées petites. Cette simplification est aussi faite dans un souci de compréhension. L’extension des résultats aux cas non linéaires pourrait être réalisée simplement en considérant une loi en taux et en travaillant avec les vi-tesses en lieu des déplacements (voir [BEL 84]). Cependant, gardons en tête que les lois en taux sont difficilement applicables à nos matériaux, à causes de néces-saires différenciations des champs de tenseur appelées dérivées de Lie. Ces dérivées complexes permettent de garantir le cumul objectif des contraintes. L’extension au cas géométriquement non linéaire sera réalisée d’une manière différente, adaptée aux lois en déplacement total, dans les sections 3.3, 3.4 et l’annexe E.

Afin de mettre en évidence le verrouillage en tension pour un élément, l’introduc-tion de nol’introduc-tions liées aux γ-projecl’introduc-tions est nécessaire. Les problématiques soulevées par l’utilisation de lois élément fini classiques peuvent alors être abordées : les déformations parasites dans la direction des mèches et l’énergie de déformation erronée qui en découle. Les coordonnées x = x (X,t) dont les composantes matérielles sont x = (x1, x2, x3)T transforment les particules étiquetées X des coordonnées de la configuration C0 dans la

configuration courante au temps t. Les déplacements totaux à partir de la configuration de référence seront notés u. Dans le cas des éléments finis isoparamétriques les fonctions de forme lagrangiennes sont les plus couramment utilisées :

xi= 4

A=1 NA(ξ) xAi avec NA= 1 4  1 + ξ1ξA1   1 + ξ2ξA2  (3.1)

où ξξξ = (ξ1, ξ2)T = (ξ, η)T sont les coordonnées isoparamétriques, les ξξξA = ξA1, ξA2T sont les vecteurs contenant les coordonnées des sommets du carré bi-unitaire2 et xA

i est

la ièmecoordonnée du nœud A. En développant l’équation 3.1, on obtient une description vectorielle des fonctions de forme composée d’une famille orthogonale de vecteurs :

N (ξ) = 1

4(s + ξξξξ1+ ηξξξ2+ h (ξ)h) (3.2) de telle manière que :

xi=N (ξ) xi avec xTi = x1i, x2i, x3i, x4iT

(3.3) où s est le vecteur de translation, les ξξξisont les vecteurs sommets du carré biunitaire et h est le vecteur hourglass :

s = (+1, +1, +1, +1)T ξξξ1= (−1, +1, +1, −1)T ξξξ2= (−1, −1, +1, +1)T h = (+1, −1, +1, −1)T (3.4) Et h (ξ) la fonction Hourglass : h= ξη (3.5)

Les quatre vecteurs donnés équation 3.4 forment une base sur laquelle peuvent être projetés les champs de déplacement suivant chaque direction. L’ensemble des modes de déformations d’un quadrangle peut alors être décomposé selon huit modes, dont la moitié sont donnés figure 3.4. Les quatre autres modes peuvent être trouvés en transposant les quatre premiers dans la direction verticale. De ces modes de déplacement, le dernier est intéressant : c’est le seul où la déformation est non constante en tout point de l’élément. Ce mode est appelé mode hourglass.

Afin de facilement découpler les composantes dues aux modes hourglass, le champ de déplacement suivant pour l’élément isoparamétrique à quatre nœuds est utilisé :

a b c d

Figure 3.4 – Modes de déplacement de corps rigide (a), de dilatation (b), de cisaillement

(c) et hourglass (d) pour le quadrangle suivant la direction horizontale

où : ∆ =1 4 h t −tTxbxtTyby i (3.7) γγγ = 1 4 h h −hTxbxhTyby i (3.8) tT= [+1, +1, +1, +1] (3.9) hT= [+1, −1, +1, −1] (3.10) bx= 1 2A[y24, y31, y42, y13] (3.11) by= 1 2A[x42, x13, x24, x31] (3.12) yi j= yi− yj, xi j = xi− xj (3.13) h= ξη (3.14)

avec x et y les vecteurs des coordonnées nodales, ux et uy les vecteurs des déplacements nodaux, uT =huTx,uTxi et (ξ, η) les coordonnées dans le repère isoparamétrique (carré bi-unitaire tel que ξ ∈ [−1, +1] et η ∈ [−1, +1], figure 3.5). γγγ est appelé le vecteur anti-hourglass : son produit scalaire avec le vecteur anti-hourglass h est unitaire, ces deux vecteurs sont donc orthogonaux. Le gradient symétrisé du champ de déplacement est obtenu en prenant les dérivées de 3.6.

s=   uxx uyy ux,y+ uy,x  =   bx+ h,xγγγT 0 0 by+ h,yγγγT by+ h,yγγγT bx+ h,xγγγT   ux uy  =Bu (3.15)

Les différents vecteurs qui apparaissent dans 3.6 satisfont par définition les conditions d’orthogonalité suivantes :

Figure 3.5 – Domaines parent (isoparamétrique) et physique pour le quadrilatère à quatre nœuds Q4 bTi xj= δi j (3.16) hTγγγ = 1 (3.17) bTi h = bTi s = 0 (3.18) hTi s = 0 (3.19)

Il est aussi important de noter que l’intégrale des dérivées de la fonction hourglass sur le volume de l’élément s’annule, retranscrivant la non-homogénéité de ces modes de défor-mations : Z Ωe h,xdΩ = Z Ωe h,ydΩ = 0 (3.20)

Application au verrouillage en tension

Définissons une matrice de comportement simplifiée pour l’élément, qui sera utilisée dans ce chapitre. Deux réseaux de fibres orthogonaux sont considérés. Les fibres sont orientées d’un angle θ par rapport au repère local à l’élément, le cœfficient de Poisson est pris nul dans une hypothèse de découplage classique des modes de déformation des milieux fibreux, ce qui amène à la matrice de rigidité Cθ en notations de Voigt :

Cθ=   C11θ C12θ C13θ C12θ C22θ C23θ C13θ C23θ C33θ   (3.21) où :

C11θ = E1cos (θ)4+ E2sin(θ)4+ 4G cos(θ)2sin(θ)2

C12θ = E1cos(θ)2sin(θ)2+ E2sin(θ)2cos(θ)2− 4G cos(θ)2sin(θ)2

C13θ = E1cos(θ)3sin(θ) − E2sin(θ)3cos(θ) − 2G cos(θ) sin(θ)(cos(θ)2− sin(θ)2)

C22θ = E1sin(θ)4+ E2cos(θ)4+ 4G cos(θ)2sin(θ)2

C23θ = E1sin(θ)3cos(θ) − E2cos(θ)3sin(θ) + 2G cos(θ) sin(θ)(cos(θ)2− sin(θ)2)

C33θ = E1cos(θ)2sin(θ)2+ E2sin(θ)2cos(θ)2+ G12(cos(θ)2− sin(θ)2)2

où E1et E2sont les rigidités de tension des mèches selon la première et la seconde direc-tion, G12étant le module de cisaillement plan. Soit pour θ = 0:

C0=   E1 0 0 0 E2 0 0 0 G12   (3.22) Et pour θ = 45: C45 =1 4   (E1+ E2) + G12 (E1+ E2) − G12 (E1− E2) (E1+ E2) − G12 (E1+ E2) + G12 (E1− E2) (E1− E2) (E1− E2) (E1+ E2)   (3.23)

Comme vu précédemment, les modes de déformation posant des problèmes sont ceux faisant intervenir des modes de déformations hourglass où les directions de mèches ne sont pas alignées avec les côtés des éléments. Ces modes de déformation hourglass n’ap-paraissent, dans le cas problématique du bias extension test, que lorsque le maillage est orienté selon la largeur et longueur de l’échantillon. Si celui-ci est orienté à ±45, seuls les modes de déformations en dilatation et cisaillement simple apparaissent, ou du moins dominent le champ de déformation.

Une propriété fondamentale des renforts tissés est la très grande rigidité le long des directions de fibre. Une condition de quasi-inextensibilité peut alors être formulée, signi-fiant que la déformation dans la direction des mèches doit être très faible, voire nulle (si la rigidité en tension est infinie). Il apparait, comme souligné précédemment, que les modes de déformation hourglass vont provoquer une déformation non nulle de la mèche lors de l’essai de traction de biais. Intuitivement, il apparait dans le cas simple où les éléments sont carrés et les mèches orientées selon les diagonales de l’élément (figure 3.6), que la déformation dans la direction des mèches doit être nulle pour une sollicitation hourglass pure. En écrivant le champ de déplacement en fonction de la décomposition effectuée pré-cédemment avec les vecteurs de translations, nodaux et hourglass, on obtient en utilisant l’équation 3.6 :

ux= α0xs + α1xx + α2xy + α3xh (3.24)

Hourglass

Figure 3.6 – Pas de déformation des mèches reliant les angles opposés lors de modes

hourglass

Où les αixet αiysont des constantes dépendantes de l’amplitude de la déformation pour chaque composante de la base précédemment décrite. En utilisant 3.15 et les conditions d’orthogonalités induites par la décomposition :

∇us=   ux,x uy,y ux,y+ uy,x  =   α1x+ α3xh,x α2y+ α3yh,y α2x+ α3xh,y+ α1y+ α3yh,x   (3.26)

La déformation dans une direction θ par rapport au repère local choisi est alors donnée par :

εθf = cos (θ)2ux,x+ 2 cos (θ) sin (θ) (ux,y+ uy,x) + sin (θ)2uy,y (3.27)

Si on se place dans le cas du maillage orienté à ±45, les modes de déformation observés sont le cisaillement simple et l’élongation (α3xet α3ysont nuls). Les mèches sont orientées selon les côtés des éléments. Les déformations sont exprimées dans un repère local orienté selon ces mêmes côtés (figure 3.7). Les déformations dans les directions des mèches dans ce repère (soit 0/90ici) sont :

ε0f = α1x (3.28) ε90f = α2y (3.29) Cela signifie que seule la sollicitation dans la direction des vecteurs des coordonnées nodales x et y, c’est à dire une élongation dans les directions locales orientées selon les mèches, provoque une déformation homogène de l’élément dans le sens de la mèche, ce qui est cohérent.

Figure 3.7 – Repère local pour des éléments orientés à 45

Dans le cas du maillage à 0/90 maintenant, tous les modes de déformations sont sollicités, et plus particulièrement les modes de déformation hourglass. En considérant seulement ces modes de déformations (α1xet α2ysont nuls) et une orientation à ±45des mèches (repère local figure 3.8) :

ε45f = 1 2(α3xh,x+ 2 (α3xh,y+ α3yh,x) + α3yh,y) (3.30) ε−45f = 1 2(α3xh,x− 2 (α3xh,y+ α3yh,x) + α3yh,y) (3.31)

x

y

Figure 3.8 – Repère local pour des éléments orientés à 0/90

En remarquant que h,x et h,y sont nuls uniquement à l’origine du domaine isopara-métrique, les déformations ε45f et ε−45f ne sont nulles qu’en ce point précis. Cela signifie que toute déformation hourglass provoque une déformation dans la direction des mèches en tout point de celle-ci excepté à l’origine même si la longueur globale de la mèche est conservée. Par conséquent, des efforts parasites additionnels rendus important par le mo-dule de rigidité en tension vont apparaitre. Il est alors évident que le verrouillage provient de l’incapacité de l’élément fini à représenter une déformation nulle dans la direction de la mèche en tout point de cette mèche lors de la présence de modes de déplacement hour-glass. Le principe majeur suivant peut alors en être tiré :

Le champ de déformation dans la direction des mèches doit être nul pour tout champ de déplacement qui préserve la longueur des mèches. En particu-lier pour le cas du quadrilatère, il doit disparaitre pour les modes hourglass.

L’énergie de déformation peut aussi être calculée pour des combinaisons de modes de déformations hourglass afin de confirmer le phénomène. Les déplacements nodaux suivants sont considérés :

ux= α3xh (3.32) uy= α3yh (3.33) donnant ainsi Uθ=1 2 Z ε ε εTCθεεεdΩ (3.34)

Pour simplification, on écrit seulement pour θ = 45:

U45=E1 4 (α3x+ α3y)2(Hxx+ 2Hxy+ Hyy) +E2 4 (α3x− α3y)2(Hxx− 2Hxy+ Hyy) + G12 α23xHxx− 2α3xα3yHxy+ α23yHyy (3.35) où Hi j = Z h,ih, jdΩ (3.36)

L’énergie de déformation associée à toutes les combinaisons des modes hourglass contient toujours les modules de rigidité longitudinaux des mèches E1 et E2. A cause de la présence des termes (α3x+ α3y)et (α3x− α3y), aucune combinaison de ces modes ne peux être trouvée annulant la contribution des modules de rigidité des mèches à l’éner-gie de déformation. Si l’on revient à la condition d’inextensibilité des mèches postulée précédemment, ces modules tendent vers l’infini, et donc l’énergie aussi. L’énergie de déformation développée par des déformations hourglass, qui sont nécessaires à la bonne représentativité de la simulation de bias extension test, tend vers l’infini. Les efforts relevés numériquement ne peuvent donc être que trop importants.