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Fabrication et comportement des composites à renforts tissés

1.2 De la fibre à la pièce finale

1.3.3 Échelle macroscopique : le renfort

1.3.3.8 Comportement en flexion

Comme vu à l’échelle mésoscopique section 1.3.2.4, il existe une rigidité locale de flexion pour chaque mèche constituant le renfort tissé. Cette rigidité locale est encore accentuée à l’échelle macroscopique par l’existence d’une armure. Cette présence de ré-sistance locale à la courbure a notamment été mise en évidence par le développement de plis lors d’essais de mise en forme [HAM 07, BOI 11]. Plusieurs dispositifs expérimen-taux, détaillés dans les paragraphes suivants, permettent de caractériser cette rigidité de courbure.

La flexion simple

Le comportement en flexion des tissés (ou mèches) est caractérisé à l’aide du dispositif de Peirce [PEI 30], qui est un test de type cantilever. Le dispositif utilisé est une machine de Taber Industries (figure 1.33a). Une éprouvette est positionnée sur un plateau horizon-tal. Pour déterminer la rigidité de flexion, l’éprouvette est glissée et placée en porte-à-faux jusqu’à ce que, soumise à son propre poids, son extrémité atteigne le plan incliné à 41.5. Le module de flexion Gmest alors défini par [BIL 08, SZA 03] :

Gm=l

3cos(θ/2)

8 tan(θ) q où q = mg

l (1.8)

où q est le poids par unité de surface, l la longueur de surplomb, m la masse de la mèche en surplomb, g l’accélération de la pesanteur et θ l’angle de test. L’angle θ = 41.5 est utilisé de telle manière que le calcul de Gmsoit simplifié (figure 1.33). Le rapport suivant est alors approximé :

cos(θ/2)

tan(θ) = 1.05 ≈ 1 (1.9) Cet essai est devenu un standard ASTM D1388-96. Sa mise en œuvre repose sur l’hypothèse de linéarité entre moment de flexion et courbure. Or, il a été mon-tré que le comportement en flexion des renforts tissés peut être fortement non linéaire [LIV 64, KAW 80, BIL 10]. Les rigidités mesurées ainsi ne donnent alors qu’une esti-mation globale de la rigidité du matériau.

D’autres méthodes de mesure ont été mises au point tel que le dispositif de flexion KES (Kawabata Evaluation System for fabrics). Il permet de réaliser une flexion pure sur une fine éprouvette de tissu. Ce dispositif a été initialement développé pour des tests sur des textiles d’habillement dont la rigidité en flexion est bien moindre que celle des ren-forts tissés de composites. De plus les résultats obtenus sur la taille réduite de l’éprouvette nécessaire, proche de celle d’un volume élémentaire représentatif, sont difficilement géné-ralisables au comportement global car impactés par des phénomènes locaux (flambements par exemple).

De Bilbao a développé un dispositif spécialement adapté aux renforts tissé de com-poste [BIL 10]. Il ressemble au dispositif ASTM excepté le fait qu’aucun angle de flexion

(a) Taber Fabric Stiffness Tester (b) Détermination de Gm

Figure 1.33 – Identification de la rigidité des mèches

n’est à atteindre. Le tissu repose sur des lames qui sont retirées progressivement, illustré figure 1.34, entrainant la flexion de l’éprouvette sous son propre poids. A l’aide d’une me-sure optique et d’un traitement d’images, le profil est obtenu pour une série discrète de longueurs d’échantillon. Après dépouillement, le moment de flexion est tracé en fonction de la courbure puis une loi non linéaire peut être identifiée.

Figure 1.34 – Dispositif de flexion de de Bilbao [BIL 10]

Malgré cela, la transposition aux tissés épais est difficile. L’épaisseur du tissage inter-lock induit une rigidité de flexion supérieure et donc l’utilisation d’éprouvettes de flexion très longues (jusqu’à 50 cm). L’essai est alors moins simple à interpréter. Pour certains tissés haute performance étudiés durant ce travail de thèse, il est même impossible de dis-poser d’éprouvettes aux dimensions adaptées. L’utilisation de la flexion trois points lui a été préférée dans certains cas.

La flexion trois points

Les travaux de Orliac [ORL 12] ont mis en évidence certains aspects du comporte-ment en flexion trois points des matériaux tissés épais. Le protocole expéricomporte-mental utilisé consiste à poser une plaque de tissé épais sur deux appuis puis à faire descendre un troi-sième poinçon pour imposer la flèche désirée. Le principe expérimental est visible figure 1.35.

(a) État initial (b) Flèche de 40mm

Figure 1.35 – Essai de flexion trois points sur tissé épais

La ligne moyenne et les variations des sections initialement perpendiculaires à celle-ci sont utilisées pour caractériser le comportement en flexion. Au cours de l’essai de flexion, en se basant sur l’observation de sections initialement droites, l’éprouvette est principa-lement soumise à du cisailprincipa-lement transverse. Des sections, marquées de trais verticaux, restent quasi verticales aux cours de la flexion, indiquant que des plans de mèches glissent les uns par rapport aux autres. Les matériaux fibreux épais se rapprochent alors, si on les assimile à des plaques, de la théorie de Mindlin-Reissner plutôt que de celle de Kirchhoff-Love, où les sections restent normales à la fibre moyenne. Cette déformation particulière est bien entendu liée aux larges rigidités en traction des mèches, qui contraignent chaque couche à garder une longueur constante.

1.4 Bilan du chapitre 1

Ce premier chapitre a été l’occasion de balayer une grande partie des composites exis-tants et, de manière plus détaillée, de nous recentrer sur le sujet de l’étude : les renforts tissés épais de composites en fibres de carbone ou de céramique, ainsi que leur mise en forme et la pyrolyse après cuisson. Les spécificités liées à la structure multiéchelle fibre/mèche/renfort ont été évoquées à travers les étapes de fabrication des matériaux à matrices organique et céramique. Cette étude de la gamme de fabrication nous a conduit aux deux étapes ayant des enjeux industriels importants : l’obtention de pièces par procédé RTM et la consolidation des composites à matrice céramique.

Les essais mécaniques associés aux divers modes de déformation des renforts ont été évoqués et seront utilisés dans la suite du manuscrit pour les étapes de caractérisa-tion/identification des comportements matériaux : les tractions uniaxiale et biaxiale, le bias extension test et le picture frame, le cisaillement transverse, la compression transverse et la flexion trois points.

Maintenant que les caractéristiques principales des renforts épais ont été analysées et que des hypothèses ont été avancées (non-glissement des réseaux l’un par rapport à l’autre, milieu continu), une approche de modélisation doit être sélectionnée, développée

et identifiée pour retranscrire le plus justement possible le comportement des renforts tissés durant leur formage.

Simulation macroscopique des renforts