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Simulation macroscopique des renforts tissés épais

2.2 Approche continue hyperélastique du comportement des renforts épaisdes renforts épais

2.2.1 Cinématique des grandes transformations

Le développement de lois de comportement formulées en grande transformation né-cessite une description étendue des mouvements particulaires au sein du milieu. Les hy-pothèses simplificatrices de la théorie des petites perturbations ne peuvent plus être ap-pliquées. Cette partie évoque les principales grandeurs utilisées en mécanique des grandes transformations pour les milieux respectant les hypothèses de Cauchy.

2.2.1.1 Description du mouvement

Le mouvement d’un solide est décrit par la fonction bijective Φ :

x = Φ (X,t) (2.1)

X = Φ−1(x,t)

qui donne le vecteur position x à l’instant t de la particule qui occupait précédemment la position X. Pour un instant t fixé, cette fonction définit la déformation en tout point d’un solide entre une configuration de référence C0 et une configuration actuelle C (t), figure 2.15. En mécanique des solides, la configuration de référence C0 est généralement associée à l’état initial du solide non déformé, ce qui permet d’associer les deux confi-gurations dans le même système d’axe. Les coordonnées dans la configuration C0 sont alors nommées coordonnées lagrangiennes ou matérielles, tandis que celles associées à la configuration courante C (t) sont appelées coordonnées eulériennes ou spatiales. Les dif-férentes quantités présentées dans la suite seront écrites par rapport à l’un ou l’autre de ces référentiels. Par abus de langage la dépendance au temps t sera omise dans la suite en supposant t > 0.

Pour décrire la cinématique au voisinage d’un point X donné, l’équation 2.1 est diffé-rentiée, ce qui permet d’introduire F :

dx = ∂Φ

∂X · dX = F · dX (2.2)

Le tenseur gradient de la transformation F , également appelé application linéaire tangente, est une application qui transforme un vecteur matériel élémentaire donné dX

C0 Ct X1 X2 X3 E3 E2 E1 dX x3 x2 x1 e2 e1 e3 dx

Figure 2.15 – Configuration initiale C0et configuration actuelle déformée C (t)

en sa contrepartie eulérienne dx. F donne une description locale, au premier ordre, de la transformation solide.

On définit aussi la transformation d’un élément de volume élémentaire. Soit un élé-ment de volume dans la configuration de référence, dΩ0∈ C0. Sa contrepartie déformée dans la configuration courante, dΩ ∈ C, est donnée par le déterminant de la matrice jaco-bienne du tenseur gradient de la transformation, appelé jacobien :

dΩ = jdΩ0 tel que j = det (F ) (2.3)

L’application Φ étant bijective, le jacobien j est toujours strictement positif. Physi-quement, il serait incohérent de trouver un volume élémentaire nul ou négatif. On définit aussi la transformation d’un élément de surface dA de normale N en configuration ini-tiale en un élément de surface da de normale n à l’aide de la formule de Nanson :

da = jF−T· dA (2.4)

2.2.1.2 Mesures des déformations

Afin de compléter la description du mouvement local, il est nécessaire de caractériser les changements de forme, c’est-à-dire les variations de longueurs et d’angles. Ce sont en fait les variations des produits scalaires de vecteurs matériels dX et δX, devenant dx et δx après transformation. On exprime le produit scalaire des vecteurs matériels déformés :

dx · δx = dxiδxi= Fi jFikdXjδXk=dX · C · δX (2.5)

où C est le tenseur de Cauchy-Green droit, ou tenseur des dilatations, pouvant s’exprimer sous la forme :

Pour obtenir les déformations, on observe la variation de ces produits scalaires :

dx · δx − dX · δX = dX · C · δX − dX · δX =dX · (C − I2) · δX =dX · 2E · δX

(2.7)

où I2 est le tenseur identité d’ordre 2 et E est le tenseur des déformations de Green-Lagrange donné par :

E = 1

2(C − I2) (2.8)

En petites déformations, ce tenseur se confond avec le tenseur des déformations linéa-risées ε. Les tenseurs C et E sont définis par rapport à la configuration initiale et à des va-riations de vecteurs matériels élémentaires. À ce titre, ils sont qualifiés de lagrangiens. En reprenant le même processus, en exprimant dX · δX puis la variation des produits scalaires dans la base spatiale, on obtient leurs équivalents eulériens en configuration courante :

B = F · FT (2.9)

e =1

2 C − B

−1

(2.10)

avec B tenseur de Cauchy-Green gauche et e le tenseur des déformations d’Euler-Almansi.

L’écriture du principe des puissances virtuelles, ainsi que certaines loi de comporte-ment (hypoélastiques, viscoélastiques), nécessitent de définir la notion de vitesse de dé-formation. En différentiant l’équation 2.2 par rapport au temps, on obtient :

d ˙x = ˙F ·dX = ˙F · F−1· dx = L · dx (2.11) où L = ˙F · F−1est appelé tenseur gradient de vitesse. Sa décomposition en deux parties symétrique et antisymétrique permet de définir les tenseurs taux de déformation D et taux de rotation ω : L = D + ω D = 1 2  L + LT (2.12) ω = 1 2  L − LT  (2.13)

Le taux de déformation décrit la vitesse de déformation du solide considéré. Cette mesure est associée à la configuration actuelle. Pour que cette vitesse de déformation soit mesurée dans la configuration initiale, D est transporté :

˙

E = FT· D · F (2.14)

où ˙Eest la vitesse de déformation lagrangienne.

2.2.1.3 Mesures des contraintes

On considère un solide virtuellement coupé en deux sous-domaines, avant et après dé-formation, figure 2.16. L’équilibre de ces deux sous-domaines, dans chaque configuration, impose l’existence de forces internes appliquées aux zones frontières. Soit un élément de surface ds dans la configuration eulérienne soumis à un effort df . Le vecteur contrainte t est défini dans la configuration actuelle :

t = df ds (2.15) F dS N dF ds n df

Figure 2.16 – Définition du vecteur contrainte

Selon le postulat effectué par Cauchy, le vecteur contrainte reste inchangé pour toute surface passant par le même point matériel et ayant la même normale. Pour une surface élémentaire, seule la normale n est donc influente, et non sa courbure. Il existe alors un tenseur d’ordre deux, nommé tenseur des contraintes de Cauchy σ, tel que :

t = σ · n (2.16)

soit :

df = σ · n ds (2.17)

Le raisonnement classique de la mécanique des milieux continus est donc eulérien et définit un tenseur eulérien des contraintes, σ, symétrique. De même que pour les dif-férentes mesures de déformations, il est possible de transporter ce tenseur pour définir d’autres mesures des contraintes. En notant dF , dS et N l’effort, la surface élémentaire

et la normale à cette surface dans la configuration initiale, les trois tenseurs suivants sont définis : df = P · N dS dF = τ · n ds dF = S · N dS (2.18)

Ces tenseurs sont nommés tenseur de Piola-Kirchhoff P , tenseur de Kirchhoff τ et second tenseur de Piola-Kirchhoff S. Ils lient surfaces et efforts élémentaires entre les configurations initiales et actuelles. On obtient facilement des formules permettant de les lier grâce aux transformations matérielles définies :

τ = jσ = P · FT= F · S · FT (2.19) En reprenant les définitions précédentes des adjectifs lagrangien et eulérien en fonc-tion des configurafonc-tions auxquelles sont associés les tenseurs, le tenseur de Cauchy σ sera dit eulérien tandis que le second tenseur de Piola-Kirchhoff S sera dit lagrangien. Les tenseurs de Piola-Kirchhoff P et de Kirchhoff τ , ni eulériens ni lagrangiens, seront dits bipoints. Du point de vue physique, seuls les tenseurs σ et P ont une signification directe car ils caractérisent les efforts appliqués.

2.2.1.4 Dualité contrainte-déformation

La dualité entre les mesures de déformation et de contraintes introduites précédem-ment joue un rôle très important dans la formulation des énergies internes des corps dé-formables. Toutes les mesures de contrainte définies section 2.2.1.3 peuvent être utilisées afin d’exprimer l’énergie interne d’un corps. Cependant, si une certaine mesure de défor-mation est choisie, le tenseur contrainte associé ne peut être sélectionné arbitrairement. Toute mesure de contrainte est reliée à travers le taux d’énergie interne, donc la puissance interne, à une mesure de déformation bien définie. Les mesures de déformation et de contrainte possédant ces propriétés sont dits énergétiquement conjuguées. En définissant le taux d’énergie interne par unité de volume ρ ˙ψ, les densités massiques initiale et cou-rante ρ0et ρ, et le taux de densité massique d’énergie interne ˙ψ, on obtient les conjugués suivants :

ρ0ψ˙ = P : ˙F = S : ˙E En description matérielle ρ ˙ψ = σ : D = 1

jτ : D En description spatiale (2.20)

2.2.1.5 Loi de comportement, anisotropie et objectivité

La loi de comportement relie les contraintes aux déformations subies par le matériau. C’est elle qui traduit son comportement physique. En correspondance avec la diversité

des comportements observables, il existe tout autant de modèles disponibles. On peut distinguer trois types de lois de comportement [SID 82] :

— Les lois hypoélastiques où une vitesse de déformation est liée à un taux de contrainte. Ces lois sont fréquemment utilisées pour des matériaux à la réponse peu anisotrope. Elles sont faciles à mettre en place et adaptées aux résolutions réactualisées. Les contraintes et énergies de déformation peuvent ne pas être indé-pendantes de l’historique de déformation ;

— Les lois élastiques (ou Cauchy élastique) où une mesure de la déformation est liée à une mesure de la contrainte. Les contraintes sont indépendantes de l’historique de déformation tandis que l’énergie de déformation peut ne pas l’être. Ces formu-lations sont très faiblement utilisées dans le cadre des grandes transformations ; — Les lois hyperélastiques où une densité d’énergie de déformation est définie

comme étant un potentiel des contraintes. Les contraintes et énergies de défor-mation sont indépendantes de l’historique de défordéfor-mation.

En cinématique des grandes transformations, le mouvement peut être décomposé en une rotation de corps rigide et une déformation. La rotation du milieu continu, négli-geable en petites perturbations, ne l’est plus. Cependant, seule la déformation du milieu est intéressante dans l’établissement de la loi de comportement. Une loi de comportement doit alors vérifier le principe d’indifférence matérielle, c’est-à-dire qu’elle doit être indé-pendante du repère dans lequel elle est appliquée. Elle devra donc s’exprimer comme une relation entre des quantités objectives, indépendantes de l’observateur. Cette objectivité n’est pas aisée à obtenir pour toutes ces lois, notamment les lois hypoélastiques. Ce sont les plus touchées par cette problématique car la dérivée par rapport au temps d’un tenseur objectif n’est pas forcément objective. Pour résoudre ces problèmes, des dérivées objectives ont été construites afin d’éliminer les rotations parasites en décrivant le tenseur à dériver dans un repère plus ou moins lié à la matière.

La plupart des modélisations décrites section 2.1 utilisent des lois de comportement hypoélastiques pour décrire le comportement des mèches ou des renforts. Cependant, les travaux de Hagège [HAG 04] ont permis de montrer que l’utilisation de dérivées objec-tives classiques, telles que celles de Green-Naghdi et Jaumann, ne garantit pas le suivi des directions d’anisotropie et donc l’objectivité de la loi de comportement. Les repères asso-ciés à ces dérivées tournent selon des rotations moyennes de la matière et ne suivent pas précisément la transformation des directions d’anisotropie. Ces travaux introduisent une nouvelle dérivée objective, propre aux mèches, appliquée aux renforts tricotés [HAG 04] puis étendue aux tissés [BAD 08c]. Cependant, bien qu’utilisable lors du suivi d’une seule direction comme dans le cas des mèches, l’extension au suivi simultané de plusieurs di-rections d’anisotropie reste très complexe. Ce formalisme, évoqué dans [HAG 04], uti-lise des concepts mathématiques lourds, telles que les dérivées de Lie, compliquant leur développement. Ces modèles hypoélastiques posent un autre problème : les calculs des contraintes et de l’énergie de déformation ne sont pas forcément indépendants de l’his-torique de déformation. Il est alors possible de dissiper de l’énergie lors d’un chargement cyclique. L’utilisation d’une loi hyperélastique adaptée aux renforts épais de composite lui sera préférée [CHA 12, ORL 12].