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La Verfremdung entre Phi et a

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 158-162)

G) Le sujet du désir

4) La Verfremdung entre Phi et a

Comme nous l'avons expliqué précédemment le sujet occupe une place dans le Symbolique. De cette place, singulière pour chacun(e), le sujet peut-être délogé.

Nous supposons que le poinçon du fantasme fondamental représente cette distanciation (du sujet d'avec son objet dans l’aliénation au langage). Nous supposons également que cette distance qui détermine la place du sujet dans le Symbolique peut subir un certain effet, une certaine distorsion, à la manière du focus dans le domaine de l'optique. Nous supposons pour finir qu'un défaut dans la focalisation puisse produire un sentiment d’inquiétante étrangeté, signe caractéristique de la dépersonnalisation et de la déréalisation.

Cette distorsion nous la supposons possible entre grand phi et petit a. Entre Symbolique et Réel. Celle-ci produisant ce sentiment d'étrangeté et cette perte d'unité d'avec lui-même que ressent le dépersonnalisé. Mouvement symbolique procédant, suite à un désaccord dans la distance entre phi et petit a, à une mise en relief de la dimension constitutive du moi. Nous avançons même que l'effet de la distanciation renvoie au temps primitif de la constitution du moi, un temps peut-être même à la limite de l'expérience du miroir, un temps non-imagé. L'inquiétante étrangeté étant le signe de cette primitivité. La distanciation (verfremdung) est donc une opération symbolique ! Et les distorsions qu'elle peut subir produisent l'inquiétante étrangeté, ressenti imaginaire. Le sujet ne doit plus être le lieu de

l'illusion mais celui de la prise de conscience. La dépersonnalisation, plus qu'une éthique est une esthétique (montrez que vous montrez, Brecht).

Verfremdungseffekt dans l'identification au corps. Cet effondrement de l’imaginaire ayant encore le pouvoir de rendre le monde et les autres irréels. Le sentiment d'irréel, qui est parent du sentiment d'inquiétante étrangeté est la seule perception que nous ayons du Réel, la seule façon que nous ayons de le subjectiver, puisque le Réel nous est inaccessible 135.

Mais c'est dans cette répétition de la déformation de soi qui s'installe dans le devenir du je et qui se manifeste par la possibilité même de se désigner comme dessaisi de soi, que nous pouvons déjà repérer un espace, un lieu, où je peut advenir.

Le verfremdungseffekt implique comme un retour ou avènement de l’épreuve cruciale d’un qui suis-je ? portée au champ de l’Autre, révélant le coût de ce qui a été perdu, de ce sur quoi l’être a cédé. Il met à mal le présupposé philosophique ou religieux d’une unité première et originaire. La dépersonnalisation, effet de la distanciation, ouvre à la dimension de l’altérité et à l’épreuve du Je est un autre.

Comme le soulignait Lacan : Enfin, le symbolique, à se diriger vers le réel, nous démontre la vraie nature de l’objet a. Si je l’ai tout à l’heure qualifié de semblant d’être, c’est parce qu’il semble nous donner le support de l’être 136.

C'est lorsque ce support prend consistance par les effets du Symbolique que les dimensions du Réel et de l'Imaginaire peuvent se différencier et qu’une représentation suffisamment stable de nous-même, qui permette l’instauration d’une nouvelle forme corporelle investissable, peut commencer de s’élaborer.

135 Jean-Claude Razavet, Du roc de la castration au roc de la structure, éd. De Boeck, 2ème édition, 2002, p. 174.

Le verfremdungseffekt n'est pas la défaillance du phallus : lorsqu'il y a verfremdungseffekt il n'y a pas traumatisme. Même si le sujet parle d'une place inconfortable quelque chose se verbalise, il n'y a pas de sidération. Les effets de la distanciation nous évoquent la fonction d'un mécanisme de défense contre le traumatisme, protecteur de la confrontation au Réel.

Cet effet peut aussi être entendu comme une mise à distance du désir par le dévoilement de l'objet qui le cause (suite à une overdose de lathouse). Il fait entrevoir au sujet sa propre castration , il entame l’identité narcissique et creuse l’écart entre le moi idéal et l’Idéal du moi : qui suis-je ? Qu’ai-je été ? Une fois la béance entr’aperçue, le manque inscrit et révélé reste irréductible et appelle une autre forme de résolution.

Le moi se subjective et devient élément signifiant et c'est en tant que tel que nous pourrons repérer un effet de distanciation, un défaut dans la signifiance. C'est également ce qui nous permet de distinguer le sentiment de dépersonnalisation qui se situe du côté de la psychose, sur un versant imaginaire (moi imaginaire d'un temps où le sujet était le phallus de la mère) et celui que nous relevons du côté de la névrose qui s'exprime dans le registre du symbolique (temps où le sujet a le phallus, élevé au rang de signifiant, et se situe comme désirant).

Distanciation et fantasme fondamental

Avec l'avancée théorique que Lacan réalise en formalisant l'objet a et son corollaire qu'il n'y a pas d'Autre de l'Autre, la fonction paternelle semble perdre de sa valeur et avec elle le phallus en tant que signifiant d'exception.

Faut-il pour autant balayer du revers de la main la fonction de ce signifiant ? Celui-ci devient-il caduque ?

Nous ne le pensons pas, si nous sommes d'accord avec le fait que le passage du Nom du Père au Père du Nom soit une avancée importante dans la théorie lacanienne et qu'elle offre un repérage plus conforme à ce qui se joue dans la clinique nous considérons également que cette fonction de nomination assume toujours le même rôle : celui de mettre en place un signifiant qui, d'une place d'exception, ordonne toujours la chaîne signifiante et la corrèle à la jouissance (à l'objet a).

Distanciation avons nous dit -Verfremdung, pour Brecht- et fantasme fondamental.

Comment articuler cet effet que nous pensons repérer pour la dépersonnalisation avec ce qui fixe le cadre de notre réalité ? Où situer la Verfremdung dans le fantasme ?

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 158-162)