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Évolution de la notion de fantasme

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 162-166)

G) Le sujet du désir

1) Évolution de la notion de fantasme

Le fantasme est ainsi ce qui supporte le monde de la représentation, du semblant et soutient le désir comme manque : C’est donc en tant que représentant de la représentation dans le fantasme, c’est-à-dire comme sujet originairement refoulé, que le S, S barré du désir, supporte ici le champ de la réalité, et celui-ci ne se soutient que de l’extraction de l’objet a qui pourtant lui donne son cadre 137.

Il est important de rappeler que dans notre raisonnement avec la formule du fantasme ce que nous entendons par sujet divisé : c'est le sujet divisé par le signifiant et c'est ce sujet divisé par le signifiant qui se supporte de la perte de l'objet a dans le fantasme. Lacan précise à propos de ce sujet barré et de l'objet a : Je rappelle ce que signifie le S, le S barré représente, tient lieu, dans cette formule de ce dont il retourne concernant la division du sujet qui se trouve au principe de toute la découverte freudienne et qui consiste en ceci que le sujet est, pour une part, barré de ce qui le constitue proprement en tant que fonction de l’inconscient. Puis : Cette formule établit quelque chose qui est un lien, une connexion entre ce sujet en tant qu’ainsi constitué et quelque chose d’autre qui s’appelle petit(a) 138.

137 Jacques Lacan, Écrits, éd. Seuil, 1966, p. 554.

138 Jacques Lacan, La logique du fantasme, Inédit, leçon du 16 Novembre 1966.

Et le Je doit se loger dans sa logique comme a pu le souligner Lacan 139. Dans la logique du fantasme Lacan nous expose bien deux manques qui se correspondent : au niveau de l'être (je ne suis pas), l'objet a et au niveau du signifiant (je ne pense pas), S(barré).

Lacan nous représentera le phallus comme le : signifiant [qui] donne la raison du désir, dans l’acception où le terme est employé comme moyenne et extrême raison de la division harmonique 140. Ce problème mathématique est connu depuis les Grecs. Il consiste en la division d’un tout en deux parties telles que ce tout soit à la plus grande de ses parties comme celle-ci est à la plus petite. En termes mathématiques : Soit AB un segment de droite. Soit C un point de ce segment, tel que AC soit plus grand que CB. C divise AB en moyenne et extrême raison si AB/AC = AC/BC. Le développement en fraction continu laisse apparaître une suite de répétitions affectées de la même raison 141.

Lacan part de quelque chose qui se présente comme incommensurable et qu’il s’agit néanmoins de mesurer, à savoir l’effet de perte, autrement dit de a en tant qu’objet perdu. C’est du fait de cette perte que le phallus se présente comme raison du désir. Lacan explique en reprenant la répétition dans l'acte sexuel ce qu'il en est de l'unité (du couple) en tant que recherche de fusion avec la mère, falsification de l'unité, du Un comme unité unifiante et de la place du phallus dans cette opération mathématique.

1 - phi est donc la différence (et la soustraction) entre le phi et l’unité que représente l’union primordiale à la mère, on pourrait dire l’union primordiale de la mère et de l’enfant auquel est soustrait le signifiant phallique. Comme le précise Lacan : ceci s'appelle la fonction de la castration en tant que signifiante. Le sujet

139 Jacques Lacan, La logique du fantasme, Inédit, leçon du 26 avril 1967.

140 Jacques Lacan, Écrits, éditions du Seuil, 1966, p. 693.

n'est confronté à cet incommensurable que par le phallus qui lui donne sa raison.

Le fantasme est structure produisant un arrangement signifiant qui met aux prises l’objet a et le sujet (réduit à une phrase). Le fantasme est l'axiome du sujet.

La dépersonnalisation permet au sujet, malgré lui, de percevoir de quoi son fantasme est fait. C'est quand le sujet rencontre l'objet de son fantasme que la dépersonnalisation peut surgir.

Ce que nous illustre de manière parfaite la dépersonnalisation puisqu'elle laisse apparaître, pour le sujet, une disjonction entre un ressenti subjectif et un savoir sur la réalité. Quand la perception que le sujet a de lui-même est altérée, au sens où altérée signifie précisément devenue autre, ne pouvons nous pas relever là la marque de cette exclusion de son origine qui est le fait de tout parlêtre ? La proximité du point d'évanouissement du sujet...

Lacan amène cette division comme un fait de structure : la division subjective, en fait la refente du sujet, y est instaurée du fait même qu’il soit un être parlant.

Mais la dépersonnalisation c'est aussi la chance à chaque fois de revenir

" comme " au temps de la première rencontre, d'écouter " comme " au premier jour, de revenir " comme " au moment du nouage, c'est à dire de donner une autre chance à la première frappe signifiante d'où le fantasme a pris origine 142.

J'ai l'impression de vivre comme dans un rêve, je ne suis pas sûr de ma propre existence et je doute de la réalité du monde qui m'entoure 143.

142 Josée Lapeyrère, Du bon usage de la dépersonnalisation, Journal Français de Psychiatrie, n°4, Seuil, 1996.

143 Joshua.

Cette expression, paradigmatique de la dépersonnalisation, résume régulièrement le ressenti des sujets que nous rencontrons. Dans les mots de Joshua nous retenons réalité et entendons, aussi, identité (ou, plus justement : identification) dans son doute d'exister.

Le fantasme doit être perçu comme une structure de l'intentionnalité pulsionnelle.

Suzanne Issacs les désignera comme le contenu primaire des processus psychiques inconscients 144. Le fantasme est l'expression psychique de la pulsion.

La prise du fantasme dans le corps l'enracine dans le Réel et l'Imaginaire (le spéculaire) et son articulation au langage dans son rapport à l'Autre l'assigne au Symbolique.

Le fantasme plus que d'obturer le réel y plonge ses racines dans l'articulation du sujet à l'objet a. L'unheimlich n'est pas due à la défaillance du fantasme mais au fait que le phallus ne protège plus efficacement le sujet de l'objet a. L'objet du fantasme ne change pas c'est la relation avec lui qui peut être modifiée.

Pour nous, il n'est pas possible de traverser le fantasme mais il est possible de faire l'assomption de la castration et de prendre conscience de l'action protectrice et organisatrice de la signification établie par le phallus, une traversée du phallus. Derrière le phallus il n'y a rien (comme derrière le fantasme dont Lacan attendait une traversée), que le vide, vide qui pourtant donne sa consistance au fantasme qui alimente le symptôme. Ce qui protège le sujet de sa division c'est la symbolisation de la perte de l'objet a soit le phallus. C'est le phallus dans le fantasme qui permet au sujet de vivre la jouissance du côté du plaisir plutôt que du côté de la douleur de l'angoisse. C’est d'ailleurs par le biais du masochisme que Freud a approché ça puisque le masochiste nous montre comment avec de la douleur faire du plaisir. Le fantasme n'est pas accomplissement d'un désir mais lieu d'expression d'un désir, c'est la différence que nous faisons entre les

fantasmes et le fantasme fondamental.

C'est dans les dires des patients que nous percevons le déploiement fantasmagorique, le thérapeute -et son désir- venant prendre une place dans ce déploiement. Le poinçon marquant aussi bien l’aliénation que la séparation du sujet à son objet. Le fantasme est le lieu ou s'inscrit la coupure, avec la distance qu'elle implique, sans laquelle il n'y a pas de sujet.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 162-166)