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Variations de l’état de santé selon la position sociale

Dans le document Dimensions psychosociales de la santé (Page 142-145)

B. Evolution de la mortalité sociale entre 1955 et 1980

4.3. Variations de l’état de santé selon la position sociale

4.3.1. Modèle de classement de l'hétérogénéité de l'état de santé des

populations

Evans et ses collaborateurs (1996) ont voulu conceptualiser un modèle qui permettrait de comprendre les inégalités sociales en matière de santé. Après de nombreuses observations, ces auteurs ont mis en évidence le fait que les caractéristiques biologiques et psychologiques d'une population ne suffisent pas à expliquer l'état de santé de celle-ci.

La difficulté majeure dans la compréhension des inégalités sociales de santé est que les relations causales sont souvent reliées entre elles et qu'il est difficile de distinguer parfaitement leurs effets spécifiques. Le modèle d'Evans propose de représenter les variations (ou l'hétérogénéité) de l'état de santé des populations en fonction de trois axes.

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Philipps D.W. et al., « Prenatal growth and subsequent marital status: longitudinal study », BMJ, volume 322, mars 2001: 771.

DPS – 2011-2012 - Pr. MAIRIAUX Page 143 Tableau IV.10 : L'hétérogénéité de l'état de santé des populations

STADES DU CYCLE DE VIE CARACTÉRISTIQUES DE RÉPARTITION

ORIGINE DE L'HÉTÉROGÉNÉITÉ

1. Période périnatale :

avant la naissance et jusqu'à 1 an.

2. Période des accidents : entre 1 et 44 ans. 3. Maladies chroniques :

entre 45 et 74 ans.

4. Sénescence : 75 ans et plus

1. Catégorie socio- économique. 2. Ethnicité et migrations. 3. Géographiques. 4. Sexe. 5. Populations spécifiques 1. Causalité inversée.

2. Variations dans la vulnérabilité. 3. Mode de vie individuel.

4. Environnement physique. 5. Environnement social.

6. Inégalités d'accès aux services de santé.

Evans et al. (1996) : 83.

Chacune de ces trois dimensions est divisée en plusieurs niveaux pour former un ensemble de petites "boîtes" à l'intérieur d'un parallélépipède (Figure IV.8). Chacune de ces "boîtes" représente une combinaison de variables spécifiques permettant d'expliquer l'état de santé d'une population cible. Ce modèle permet donc d'indiquer une ou plusieurs mesures de la santé qui peuvent être calculées pour chaque sous-population, à chaque stade du cycle de vie.

FIGURE IV.8:L'HÉTÉROGÉNÉITÉ DE L'ÉTAT DE SANTÉ DES POPULATIONS

Evans et al. (1996) : 83.

Par exemple, on peut s'efforcer d'expliquer l'état de santé d'une population cible composée d'individus de 45 à 74 ans (l'âge d'expression des maladies chroniques) (1), en fonction du sexe (2) et au moyen de l'hypothèse de l'environnement physique (3).

A partir de ce modèle, on peut considérer que cinq catégories d'hypothèses ont été émises pour expliquer les inégalités sociales de santé :

1. la causalité inversée ou sélection par la santé 2. l'environnement physique

3. la culture, les comportements et les modes de vie individuels 4. l'environnement psychosocial

DPS – 2011-2012 - Pr. MAIRIAUX Page 144 Ces hypothèses seront développées une à une dans le point 3 de cette section. Mais avant de les approfondir, essayons de mieux cerner la notion de "position sociale".

4.3.2. Le caractère multidimensionnel de la position sociale

Si de nombreuses études parlent d'inégalités sociales en matière de santé, il faut souligner qu'elles n'utilisent pas toutes le même indicateur de position sociale. En effet, ce concept peut recouvrir des dimensions fort diverses telles que le revenu, le niveau d'éducation, la catégorie socioprofessionnelle, le mode de vie, les croyances et les valeurs, la culture,... La sociologie a tenté de définir de manière plus précise la notion de classe sociale mais les théories élaborées à ce sujet sont parfois fort différentes dans leur manière de penser la position sociale.

Voici une description simplifiée de quelques indicateurs de la position sociale qui constituent des variables pertinentes pour comprendre les écarts de santé. Certains d'entre eux feront l'objet d'un approfondissement au cours du point suivant.

- Le niveau de revenu :

Quand on compare les niveaux de revenu des ménages et leur état de santé, on peut constater qu'il existe une forte relation inverse : plus le revenu est faible, plus l'état de santé se dégrade. Si la première explication semble être l'accessibilité à des soins de qualité, il y a en fait aussi toute une série d'interactions avec d'autres variables comme le lieu d'habitation, le type de travail, les comportements alimentaires,...

- Le niveau d'éducation :

Plusieurs études sociologiques ont mis en évidence une relation entre le niveau d'éducation et l'état de santé d'un individu : plus le niveau de scolarisation est faible, plus l'état de santé se dégrade. Pourquoi? En réalité, un niveau plus élevé d'éducation permet à l'individu de mieux comprendre la maladie et donc aussi les comportements à adopter afin de la prévenir ou de la guérir. En outre, les personnes n'ayant pas fait d'études montrent une certaine réticence à consulter un médecin en cas de problème parce qu'ils ne partagent pas les mêmes représentations de la maladie.

- La catégorie socioprofessionnelle :

Au début de ce chapitre, les exemples présentés concernant l'état de santé en fonction de la catégorie socioprofessionnelle montrent que, selon les pays, cette variable ne recouvre pas les mêmes catégories : en Angleterre, les études ventilent la population en 5 catégories mais l'INSEE (France) structure ses données en une vingtaine de classes socioprofessionnelles. Ces classifications sont donc ajustées pour être représentatives de la structure sociale propre à chaque société.

Si toutes les études attestent de la relation entre la variable socioprofessionnelle et l'état de santé, il n'est pas toujours aisé de distinguer les facteurs influençant l'état de santé que ces catégorisations mettent en évidence : le niveau de revenu, le type de travail (manuel / non manuel), la position dans la structure hiérarchique dans l'organisation, le lieu de travail,...

DPS – 2011-2012 - Pr. MAIRIAUX Page 145 Mais aussi d'autres facteurs culturels et psychosociaux ont été avancés : mode de vie, stress,... De nombreuses interactions sont donc bien à l'origine de l'état de santé mais il est difficile de les séparer dans les modèles explicatifs.

- Les comportements et modes de vie :

La position que l'on occupe dans une société peut être associée à l'adoption de certains comportements. Par exemple, la consommation de tabac est plus importante dans le bas de l'échelle sociale et influence donc l'état de santé de ces groupes. Cette observation peut aussi s'appliquer à l'activité physique, à la qualité du régime alimentaire,... Toutefois, ces données ne sont pas toujours convergentes ; il faut donc garder une certaine réserve quant à leur interprétation.

- La culture et les représentations :

Les chapitres 2 et 3 de ce cours ont mis en évidence la multiplicité des représentations sociales et culturelles dont la maladie fait l'objet. Cette dimension culturelle pourrait ainsi constituer un indicateur de la position sociale d'un individu et expliquer au moins en partie les inégalités de santé. La culture influence en effet les modes de vies et les comportements ; elle modèle les valeurs et les aspirations en matière de santé.

4.3.3. Les variations de santé en fonction de la position sociale : cinq hypothèses

Cette section reprend une à une les cinq hypothèses d'explication du modèle de classement de l'hétérogénéité de l'état de santé cité plus haut. Ces explications ne sont pas mutuellement exclusives mais elles sont plutôt reliées entre elles par des mécanismes complexes et encore assez mal compris. L'objectif de cette section est de montrer que l'état de santé d'une population doit avant tout faire l'objet d'une approche globale, prenant en compte la diversité des déterminants de santé.

A. La causalité inversée ou la sélection par la santé

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