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La notion de santé

Dans le document Dimensions psychosociales de la santé (Page 56-59)

Le mot "santé" est un mot d'usage courant dont la présence dans un certain nombre de proverbes ou d'aphorismes souvent utilisés indique l'importance implicite: "tant qu'on a la santé…", "le travail c'est la santé! », … Il est significatif également que lors d'événements festifs, les convives lèvent leur verre en disant "santé!". Ces usages courants révèlent le caractère positif et important de la santé mais ne donnent guère d'information sur la signification profonde accordée à ce terme.

Aussi n'est-il pas inutile de consulter les définitions données par quelques dictionnaires:

 "L'état de celui dont l'organisme fonctionne normalement en l'absence de maladie" (Petit Larousse illustré)

 "Bon état physiologique, fonctionnement régulier et harmonieux d'un être vivant,…" (Robert méthodique)

 "…la capacité prolongée de faire face à son environnement physiquement, émotionnellement, mentalement et socialement (Britannica Micropaedia)

Il faut également mentionner la définition restée célèbre d'un médecin français de la première moitié du 20e siècle, Leriche, disant:

"la santé, c'est la vie dans le silence des organes".

L'énoncé de ces quelques définitions montre que la santé peut être définie, de façon schématique, selon deux axes: soit de façon négative, par l'absence de maladie, ou de façon plus positive en tant que capacités ou ressources de l'individu. Au cours du 20e siècle, il y a eu une évolution très perceptible de l'usage d'une définition négative vers l'usage d'une définition positive. Cette évolution des esprits et des mentalités a contribué notamment au contenu de la définition adoptée le 22 juillet 1946 par la Conférence internationale de la Santé dans le cadre de la rédaction de la constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Voici un extrait du texte adopté lors de la fondation de l'OMS:

"Les Etats parties à cette Constitution déclarent, en accord avec la Charte des Nations Unies, que les principes suivants sont à la base du bonheur des peuples, de leurs relations harmonieuses et de leur sécurité:

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La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.

La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale.

La santé de tous les peuples est une condition fondamentale de la paix du monde et de la sécurité; elle dépend de la coopération la plus étroite des individus et des Etats.

 …"

La définition adoptée par l'OMS en 1946 est célèbre encore aujourd'hui à la fois en raison du caractère novateur des idées qu'elle voulait exprimer, et à la fois en raison de son caractère quelque peu utopique. Il faut souligner que l'OMS introduit dans la définition de la santé la notion de bien- être, c'est-à-dire une notion essentiellement perceptive et subjective propre à l'individu lui-même. Elle a aussi pour originalité d'utiliser trois qualificatifs pour le bien-être: physique, mental et social. Ce dernier qualificatif était le plus novateur à l'époque et a résulté en fait d'un conflit idéologique entre les deux blocs politiques issus de la seconde guerre mondiale, le bloc occidental ("le monde libre") d'une part et le bloc socialiste d'autre part. Ce dernier voulait absolument que les idées socialistes puissent être répercutées dans la définition. Il faut souligner que l'adjectif "social", d'inspiration très politique au départ, s'est avéré a posteriori prémonitoire, lorsque l'on considère les recherches scientifiques relatives aux déterminants de la santé qui ont montré toute l'importance des facteurs sociaux.

En résumé, cette définition présente incontestablement un certain nombre d'aspects positifs:

 l'absence de références à une norme pour définir la santé,

 l'introduction d'une vision pluridimensionnelle,

 le choix de la santé perceptive, celle ressentie par la personne elle-même.

Depuis, la définition a été modifiée par la charte de Bangkok (1985). La santé inclut aussi une dimension spirituelle controversée.

« La promotion de la santé repose sur ce droit de l’homme essentiel et offre un concept positif et complet de santé comme déterminant de la qualité de la vie, qui recouvre également le bien-être mental et spirituel. » (Bangkok, 2005)

Il faut reconnaître néanmoins que la définition présente, pour une partie des raisons qui en font l'attrait, certaines limitations: les spécialistes de la santé publique ont argumenté à bon droit que le bien-être est une notion difficilement mesurable et d'autres ont conclu à raison que la personne humaine était très rarement dans un état de complet bien-être tant physique que mental et que social. De ce point de vue, la définition n'est pas vraiment opérationnelle et les définitions plus récentes et plus modernes de la santé se sont efforcées de rencontrer ces critiques.

De très nombreux auteurs ont proposé durant la seconde moitié du 20e siècle leur définition de la santé et il serait fastidieux, et sans grand intérêt, de revoir l'ensemble de ces définitions. Elles peuvent être regroupées d'une certaine manière selon trois points de vue adoptés sur la santé (Goldberg, 1979):

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 un point de vue perceptuel: la santé est vue alors en tant que sensation de bien-être ou de mal être;

 un point de vue fonctionnel, la santé étant la capacité qu'a la personne d'accomplir les rôles et les tâches qu'on attend d'elle dans la société;

 un point de vue adaptatif: la santé est présente aussi longtemps qu'elle permet à l'organisme de s'ajuster de façon harmonieuse à son environnement.

Dans la vision moderne et contemporaine de la santé, on considère donc volontiers qu'elle peut représenter pour l'individu, selon les moments,

 une situation d'équilibre et d'harmonie entre les possibilités de la personne et son environnement, situation qui permet notamment de satisfaire les besoins fondamentaux de la personne humaine;

 une sensation de plénitude de vie, c'est-à-dire la possibilité que l'individu trouve dans son existence de développer au maximum ses potentialités personnelles;

 la notion d'une force, d'une ressource en réserve, qui permettra le cas échéant de faire face avec succès aux agressions tant physiques que psychiques de la vie quotidienne.

Pour clarifier le concept de santé, certains spécialistes de santé publique ont représenté celui-ci sur un axe arbitraire qui concernerait dans sa portion positive la santé et dans sa portion négative la maladie (Voir figure II-1).

Figure II.1 : Le concept de santé (d'après Hjort 1996)

Un tel schéma permet notamment de mettre en évidence une des limites de la définition choisie par l'OMS en 1946: la vie quotidienne montre en effet que beaucoup de personnes peuvent ressentir un état de bien-être et se dire en bonne santé (au sens de la définition de l'OMS) alors qu'elles présentent par ailleurs certains handicaps ou certaines maladies. Une telle observation peut être faite tant pour des personnes handicapées de naissance que pour des personnes qui acquièrent avec l'âge certaines limitations fonctionnelles (rhumatismes, perte de vision ou d'audition).

Le même type de schéma permet également de montrer quels sont les deux axes essentiels des politiques modernes de promotion de la santé. Afin de limiter au maximum l'existence d'un pôle

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Santé Maladie 0 - Bien portant - pas de maladie (OMS)

En bonne santé en dépit de certaines maladies

DPS – 2013-2014 - Pr. MAIRIAUX - 59 négatif, celui de la maladie ou du handicap, les stratégies utilisées visent à lutter contre les facteurs de risque de ces maladies et de ces handicaps; afin par ailleurs de renforcer le pôle positif, celui de la santé lui-même, il s'agit de donner aux personnes des ressources positives pour la santé.

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