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Synthèse

Dans le document Dimensions psychosociales de la santé (Page 68-70)

L’image du corps se révèle être une porte d’entrée intéressante pour une première approche à la perspective du système de référence profane.29 Autrement dit, cette notion permet de prendre conscience de l’existence d’une série de représentations propres à divers groupes sociaux et culturels inscrits dans un temps et un espace déterminés. Ces différentes représentations peuvent se résumer de la manière suivante :

29 Le sociologue américain Eliot Freidson dans un article publié en 1960 (Client control and medical practice,

The American journal of sociology, vol. 65, n°4, 1960, pp. 374-382) définit le système de référence profane

comme une culture profane variable et un réseau d’influence personnelle à l’intérieur desquels le patient entame son parcours qui le mènera ensuite au praticien. Ce système s’oppose au système de référence professionnelle des institutions et de la culture médicale.

Etude de cas : médicalisation et enfants dans la société Nord américaine

L’été a passé à s’habituer à la vaste gamme de médicaments qui étaient administrés aux enfants (stimulants, stabilisateurs d’humeur, antidépresseur Lexapro, Adderall pour l’hyperactivité ou le déficit d’attention, et divers anticonvulsifs et antipsychotiques avaient été prescrits).

[…]

Ces parents étaient des scientifiques et ils n’élevaient pas leurs enfants instinctivement – chacun avaient lu un livre ou vu une vidéo ou surfé sur le Net pour se faire une idée de ce qu’il fallait faire. J’ai entendu le mot « portail » utilisé métaphoriquement pour « école maternelle » et il y avait des enfants de cinq ans qui avaient des gardes du corps (la fille d’Adam Gardner). Il y avait des enfants au bord de l’évanouissement à cause de la pression subie en cours élémentaires et qui suivaient des thérapies parallèles, et il y avait des enfants de dix ans qui souffraient de désordres alimentaires provoqués par des représentations irréalistes de leur corps. Il y avait des listes d’attentes remplies de nom d’enfants de neuf ans pour des scéances d’acupuncture du Dr. Wolper. J’ai découvert qu’un des enfants de la classe de Robby avait avalé le contenu d’une bouteille de Clorox. Et puis on a parlé de supprimer les pâtes dans les menus des déjeuners à la cantine, du nutritionniste qui avait fait office de traiteur pour la bar-mitva, et des cours de Pilates pour les enfants de deux ans, la petite fille de huit ans qui a besoin d’un soutien-gorge de sport, le petit garçon qui tire sur la jupe de sa mère dans le supermarché de luxe pour demander, « il y a des hydrates de carbone dedans ? » Une conversation a démarré sur le lien entre la difficulté de respirer et les produits laitiers.

DPS – 2013-2014 - Pr. MAIRIAUX - 69 - les représentations sur la taille et la forme nous rappellent que l’image du corps est en lien tant avec le corps biologique qu’avec le corps social et que, dans certains cas (par exemple les standards de beauté), corps social et corps biologique sont très imbriqués ;

- les représentations sur les frontières du corps attirent notre attention sur le fait que dans les interactions entre personnes, il y a des distances physiques qu’il convient de respecter au risque de paraître trop intrusif ;

- les représentations sur les structures internes du corps nous enseignent que la connaissance de l’emplacement des organes du corps varie tant en intensité qu’en exactitude ;

- les représentations sur le fonctionnement du corps nous introduisent aux différentes explications et analogies qui sont véhiculées sur la manière de se représenter l’image du corps à travers les âges et les régions géographiques ;

- les temporalités sociales (professionnelle, étudiante, religieuse,…) dans lesquelles nous sommes immergés mobilisent non seulement des représentations et des perceptions spécifiques mais aussi des comportements correspondants.

- enfin, le corps déficient nous incite à relativiser ce que la notion handicap signifie. En effet, celle-ci fluctue grandement d’un groupe social et culturel à l’autre, d’un espace géographique à l’autre et d’un moment historique à un autre.

En ce début du 21e siècle, on assiste à une médicalisation accrue du corps. Aujourd’hui, les cycles de vie perdent leur caractère de « naturalité » pour s’engouffrer de plein pied dans le registre médical du normal et de l’anormal.30 Plus que jamais, l’image du corps qui prédomine dans la société occidentale est celle du corps médicalisé.

I.

Utilité pour le futur professionnel

Dans la relation qui lie le patient au professionnel de santé, il est important pour ce dernier de percevoir le premier comme un être humain à la fois physique et social. Tous les éléments qui viennent d’être passés en revue convergent vers ce même enseignement : il est primordial que le futur professionnel de la santé soit capable d’appréhender l’être humain dans sa globalité et soit en condition d’être à l’écoute du savoir que le patient a de son propre corps, des représentations acquises par son inscription à un groupe social et culturel précis. Formulé autrement, le futur professionnel de santé doit faire attention à ce qui parait évident et familier. Cela ne relève pas uniquement de l’humanité dont tout un chacun doit faire preuve mais aussi de la qualité et de l’efficacité des soins que le professionnel de santé pourra ou non délivrer à la personne en souffrance.

30

Concernant l’assimilation de la vieillesse à un état pathologique, voir Marie Garrau, Alice Le Goff, Care, justice et dépendance. Introduction aux théories du care, Paris, Presse Universitaire de France, 2010, pp. 21-26.

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2.1.2. Qu’est-ce que la maladie ?

« De part son enracinement dans un corps souffrant, et parce qu’elle menace l’intégrité et la pérennité tant de la personne que du corps social, la maladie est un évènement qui a la particularité de mobiliser une forte charge affective et d’activer des processus sociaux souvent complexes».31

Dans le document Dimensions psychosociales de la santé (Page 68-70)