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La médecine dans l’empire romain (146 av J-C 476 ap J-C.)

Dans le document Dimensions psychosociales de la santé (Page 31-35)

Quelques repères historiques

Fondée vers 753 avant J.-C. suite à l'union de villages au bord du Tibre, la cité de Rome a d'abord été gouvernée par des rois, avant de devenir, à partir de 509 av. J.-C, une république dirigée par la classe des patriciens. Dès le IIIème siècle av. J.-C., Rome se rend maîtresse de l'Italie. Deux siècles plus tard, les romains contrôlent presque tout le bassin méditerranéen, y compris le monde grec. A son apogée l'empire romain s'étend de l'Egypte à la Grande Bretagne.

L'unité culturelle imposée par cet empire fut garante de la transmission des arts et du savoir dans des zones jusque là arriérées de l'Europe septentrionale. Son déclin débuta au IIIème siècle de notre ère, et en 395, il se divisa en deux pour former d'une part, l'empire d'Occident avec Rome pour capitale, et d'autre part, l'empire d'Orient avec Byzance pour capitale. Sa disparition correspond à la déposition de Romulus Augustule, dernier empereur romain d’Occident, par le chef barbare Odoacre en 476 de notre ère.

Les grandes périodes de la médecine romaine

La médecine romaine doit beaucoup aux idées du monde grec, auxquelles elle s'est largement abreuvée et qu'elle a su, en quelque sorte, perpétuer.

On peut distinguer, tout au long de l'histoire de la pensée médicale romaine, trois grandes périodes successives:

- la médecine divinatoire,

- la médecine des sectes médicales - la médecine galénique.

a. La médecine divinatoire

A ses premiers balbutiements, Rome, peuplée de bergers et de cultivateurs semble avoir connu une médecine expérimentale, loin de tout système d'idées structuré et ne faisant intervenir qu'exceptionnellement la mythologie. On notera néanmoins, l'influence de la civilisation étrusque, où la médecine reposait principalement sur la divination après examen des viscères.

Mais dès le IIIe siècle av. J.-C, le culte d'Asclépios (Esculape en latin) fait son entrée à Rome. Selon la légende, alors que Rome était la proie d'une grande épidémie de peste, les sages décidèrent d'envoyer des émissaires au temple d'Epidaure, en Grèce, pour y interroger le demi-dieu grec Asclépios. Un serpent jaillit de l'autel où se dressait sa statue pour rejoindre l'embarcation des romains, puis, arrivé à Rome il aurait traversé le Tibre pour s'installer sur l'île Tiberine. On y éleva un Asclepieion à son hommage et aussitôt l'épidémie cessa.

b. La médecine des sectes médicales : d'Alexandrie à Rome

Après la conquête de la Grèce parRome en 146 av. J.-C., un grand nombre de médecins de l'école d'Alexandrie viendront s'installer à Rome, y poursuivant leurs débats théoriques.

DPS – 2013-2014 - Pr. MAIRIAUX - 32 Ainsi, à côté des empiriques et des dogmatiques déjà mentionnés, on verra s’affronter notamment les écoles ou sectes suivantes:

- la secte méthodique, proche des empiriques, prône l'observation des signes apparents de la maladie, mais s'appuie aussi sur une approche théorique basée sur le raisonnement lorsque les symptômes concrets font défaut. Elle rejette par ailleurs les facteurs explicatifs de la maladie avancés par l'école hippocratique (âge, climat, etc.). Dans la pratique, le médecin préconise le jeûne et l'administration de substances dépuratives pour préparer le corps malade; il renforce, par la suite, ses défenses naturelles par des exercices physiques relaxants ou des régimes appropriés, pour lui prescrire, dans un troisième temps un traitement (souvent agressif: saignées, ventouses, vomissements, etc.) ;

- l'école pneumatique, défend une vision globale de la physiologie basée sur l'existence d'un pneuma non visible mais perceptible par le pouls, considéré comme véritable baromètre de l'état de santé du corps ;

- Le courant de pensée anonyme, plus tardif (début du IIème s.) s'appuie sur les théories humorales d'Hippocrate et se situe dans la continuité de l'approche dogmatique, mais intègre parallèlement certains apports des empiriques basés sur l'expérimentation ;

- Quant à l'éclectisme, il rassemblera tous ceux qui n'adhèrent à aucun de ces courants de pensée. Le romain Celse (25 av. J.-C. - 50 ap. J.-C.) en est le porte-parole le plus représentatif. Pour ce savant (qui n'avait malheureusement pas le titre de médecin et qui de surcroît rédigeait en latin et non pas en grec), toutes ces sectes ne différaient que par des détails et il fallait allier expérience et raisonnement.

Il nous a légué un ouvrage majeur, De medicina, riche d'enseignements sur ce qu'était la médecine grecque, la chirurgie alexandrine et la thérapeutique romaine.

c. La médecine galénique

De toutes les grandes figures de la médecine romaine, Galien est sans conteste celui qui imposera ses idées avec le plus de force, balayant tous les autres courants de pensée. Considéré avec Hippocrate comme le plus grand médecin de l’antiquité, il exercera une influence majeure sur la médecine durant 1500 ans.

Quelques mots sur Galien (131 - 201 après JC.)

Médecin et philosophe grec, né à Pergame (près de la côte de l’Asie Mineure, Turquie actuelle), Claude Galien, sera formé à Smyrne (Izmir actuelle), Corinthe et surtout Alexandrie où il pratique des dissections animales (singe et cochon) qui renforceront ses connaissances anatomiques et physiologiques. De retour à Pergame en 157, il devient médecin des gladiateurs, une fonction qui lui permet d’acquérir une expérience utile en matière de chirurgie. Cinq années plus tard, il s’installe à Rome où il prend le nom de Claudius Galienus. À l’heure où dogmatiques, empiristes et méthodistes s’affrontaient, il connaît déjà un grand succès. Et très vite il gagne la confiance de l’empereur Marc Aurèle et devient archiatros ou médecin officiel agréé par la cour. En 193, il regagne sa terre natale pour y finir ses jours.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages de philosophie, de logique, de grammaire et surtout de médecine. Son oeuvre aurait compté près de 200 titres, mais moins de la moitié nous est parvenue, une grande partie de ses manuscrits ayant été perdue suite à un incendie en 192. Parmi ses oeuvres

DPS – 2013-2014 - Pr. MAIRIAUX - 33 les plus importantes, on peut citer Du meilleur médecin et philosophe, Des éléments selon Hippocrate, Les os, De la dissection des muscles, Des dogmes d'Hippocrate et de Platon, Du pronostic par le pouls, L'art médical.

Ses traités d'anatomie, de physiologie, de pathologie et de thérapeutique ont connu une très large diffusion. Ecrits en grec, ils ont été traduits en syriaque, hébreu, arabe et latin, et feront référence jusqu'au Moyen Age et au-delà (jusqu’au 18e siècle dans certains cas !).

Fondements des principaux concepts galéniques

En fidèle successeur d'Hippocrate, Galien adopte les concepts hippocratiques, et en l'occurrence les théories humorales, mais approfondit la réflexion en s'appuyant non seulement sur l'observation, mais aussi sur ses expérimentations personnelles en matière de dissection animale qui le mènent à intégrer dans le raisonnement organes et fonctions organiques. Ainsi pour Galien, il n'y a plus une maladie générale due au déséquilibre des humeurs, mais des maladies spécifiquement liées au désordre d'un organe ou d'une fonction organique.

De plus, selon la théorie galénique (De morborum causis), outre les humeurs, interviennent des facultés ou vertus (dynameis). La force « attractive » attire l’élément convenable ; la force « rétensive » le conserve ; la force « altérative » le transforme ; la force « expulsive » élimine les déchets.

En outre il élargit la doctrine hippocratique en y faisant correspondre les tempéraments. Pour lui, la diversité des tempéraments s’explique du fait qu’une humeur donnée a un caractère plus marquant (le nom latin temperies équivaut au grec krasis, c’est-à-dire mélange). Ainsi, le "sanguin", en bonne santé sera un bon vivant, jovial; l'excès de bile jaune (le bilieux) se traduira par un tempérament anxieux; "l'atrabilaire" sera mélancolique; et le "flegmatique" aura tendance à être lent et lymphatique.

De l'héritage de Platon et d'Aristote, Galien retient le concept des trois pneumas avec l'idée de circulation de fluides vitaux. Ainsi, la physiologie humaine selon Galien était sous l'influence de trois pneumas ou "esprits":

- le pneuma psychique qui règle les fonctions du cerveau et du système nerveux, - le pneuma vital qui contrôle le coeur et les artères,

- le pneuma naturel qui régit le foie et les veines.

Mais contrairement à ceux-ci, il rejette le principe selon lequel le coeur serait l'organe d'où partiraient les nerfs et le désigne plutôt comme siège de départ des artères. Néanmoins, le foie demeurait, selon lui, le centre végétatif du corps, d'où partaient les veines.

Conception de la maladie selon Galien

Fort de ces anciens concepts revus et réadaptés en fonction de ses nouvelles connaissances physiologiques et anatomiques, Galien considère que la maladie est le fruit de l'atteinte locale d'un organe.

DPS – 2013-2014 - Pr. MAIRIAUX - 34 Elle se déclare en cas de rupture de l'équilibre dans le fonctionnement des organes. Et le dysfonctionnement ou l'arrêt d'une fonction est vu comme la conséquence de la lésion de l'organe qui en est le siège ou en fournit la matière.

Les facteurs déclenchant la rupture de cet équilibre peuvent être le froid, la chaleur, les traumatismes, la putridité des humeurs ou la pléthore (due à une élimination incomplète des impuretés de l'organisme).

Conception de la santé selon Galien

La bonne santé est définie comme un état de non-souffrance, un état qui n'empêche pas de vaquer à ses propres affaires ou encore, comme la capacité de faire usage de ses membres sans gêne. Elle est maintenue par le bon équilibre dans le fonctionnement des organes.

Pour Galien, "la santé idéale n'est pas de ce monde, la vraie santé se traduit par la beauté, une bonne constitution et l'intégrité" (De la bonne constitution).

La santé est désignée initialement par le mot grec "euexia", autrement dit, la "bonne constitution" ou "bon état". Ce terme sera par la suite utilisé pour signifier la parfaite santé, soit "un rapport parfait entre les solides et les fluides"

Principaux apports galéniques

L'apport de Galien résume à lui seul les acquis de la médecine romaine, héritière de la médecine grecque. Galien a en effet réussi la synthèse des apports hippocratiques et des acquis de la dissection alexandrine.

Il pratique la dissection animale pour compléter ses connaissances anatomiques. Et au-delà de la seule observation, il instaure l'expérimentation en médecine. Avant lui les médecins observaient les signes cliniques présents chez les malades pour poser un pronostic.

Galien, quant à lui, les observe et les analyse en vue d'un véritable diagnostic, recherchant le lien entre les signes pathologiques et leurs causes.

Parmi les principales avancées qui lui sont attribuées, on pourra citer, l'identification du muscle cardiaque, la distinction entre veines et artères (même s'il prétendait à tort, que les artères aspiraient le sang des veines et le pneuma de l'air environnant), la compréhension des systèmes respiratoire et digestif. Par ailleurs, il développe la théorie de la "double semence" mâle et femelle; il reconnaît dans l'oeil et le cristallin le principe de réflexion de l'image et explique le fonctionnement de la vue. Et contribue avec ses disciples, à expliquer également l'ouïe et l'odorat (certes, avec de nombreuses erreurs).

En dehors de la compilation et surtout de l'approfondissement des connaissances héritées des grecs, la médecine romaine contribue en outre à deux innovations majeures:

d'une part, le développement d'une hygiène publique et la mise en place de mesures de salubrité

collectives (système d'alimentation en eau par viaduc, fontaines publiques, évacuation des eaux usées en dehors des cités) et

 d'autre part, le début de soins de santé organisés : des veuves, des matrones et des femmes célibataires de la bonne société ont commencé à assurer des soins aux malades. Ces activités,

DPS – 2013-2014 - Pr. MAIRIAUX - 35 précurseurs de l'activité d'infirmière, ont été favorisées par l’implantation progressive du christianisme qui les considérait comme un acte de charité et de dévotion envers son prochain. Pratiques médicales

 Contrairement à ce qui prévalait en Grèce, la fonction de médecin était peu valorisée voire méprisée. Il était même jugé dégradant pour un citoyen romain d’exercer ce métier. Aussi les Romains faisaient-ils appel à des esclaves grecs ou à des citoyens venant d’Asie mineure ou de Grèce.

Pour préserver, voire restaurer la santé, la médecine galénique fait appel à quatre sortes de

facteurs :

- Ta prospheromeina : l’ensemble des choses que l’on ingère (aliments, remèdes) ; - Ta leipomena : les évacuations (sueur, excréments, crachats, urine) ;

- Ta exôthen prospiptonta : ces « choses qui proviennent du dehors », soit, l’eau, l’air, la mer, l’huile, etc.;

- Ta poioumena : gymnastique, veille, sommeil, toilette, et activité sexuelle. Cette classification inaugurée sous Galien fera autorité jusqu’au 18e siècle.

 Selon ce que nous a rapporté Celse, les médecins romains préconisaient deux types d'approches thérapeutiques :

La première consistait à vider le corps des substances nocives qui s'y sont accumulées. Il

était d'usage alors, de recourir à la saignée (très largement pratiquée pour combattre la

pléthore), aux ventouses (réservées spécifiquement aux affections locales) ou aux purges

(souvent par vomissement, pour combattre la putridité des humeurs). L'usage de sangsues,

quoique courant, n'accompagnait pas toujours la saignée.

La seconde reposait sur la prescription de remèdes destinés à pallier une carence. Recettes

de tisanes, lotions, emplâtres ou cataplasmes étaient alors appliquées.

Et Celse de préciser: "Tout agent thérapeutique, a pour effet de retrancher ou d'ajouter, d'attirer ou de repousser, de réchauffer ou de refroidir, de durcir ou de ramollir"(De Re medicina, II).

Sur le plan chirurgical, des trousses chirurgicales intactes, retrouvées notamment au cours des

fouilles archéologiques de Pompéi, font état de l'usage d'instruments de petite chirurgie, d'ophtalmologie et de dentisterie, tels que des pinces, des sondes ou des scalpels d'une précision étonnante.

Mais les pratiques chirurgicales sont restées, à l'époque romaine, sommaires et souvent cantonnées aux cas d'urgences: réduction de fractures, amputations, extraction de flèches et trépanations.

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