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Variations de la fugacité d’oxygène : conditions d’oxydo-réduction lors

1.5 Accrétion et différenciation : l’océan magmatique

1.5.2 Variations de la fugacité d’oxygène : conditions d’oxydo-réduction lors

lors de l’accrétion

Comme précisé précédemment, l’augmentation de la pression et de la température dans un océan magmatique profond permet d’expliquer totalement la surabondance relative des élé-ments modérément sidérophiles dans les manteau planétaires, et une partie de celle des éléélé-ments hautement sidérophiles sur Terre. Cependant, les abondances de certains éléments très modéré-ment sidérophiles (par exemple V, Cr ou Mn) ne peuvent pas être entièremodéré-ment expliquées par un équilibre à haute pression et haute température. Un autre paramètre, la fugacité d’oxygène, doit être pris en considération pour expliquer les abondances relatives de certains éléments (Wade et Wood, 2005;Corgne et al., 2008a;Tuff et al., 2011). En effet, des changements dans l’état d’oxydation du milieu entraîne des changements de spéciation et de valence des éléments (e.g. Cartier et al.,2015), ce qui peut induire un changement d’affinité des éléments pour les phases métalliques ou silicatées. L’étude des changements des coefficients de partage des éléments en fonction de la fugacité d’oxygène, en comparaison avec les modèles dynamiques d’accrétion planétaire, permet de contraindre les conditions d’oxydo-réduction qui prévalaient lors de la ségrégation noyau/manteau (e.g.Rubie et al.,2015).

De manière générale, la majorité de ces études (Wade et Wood, 2005; Boujibar et al., 2014; Cartier et al., 2014; Rubie et al., 2015) favorisent une accrétion en milieu réduit (logfO2 −5ΔIW), puis une oxydation en fin d’accrétion avec l’apport d’éléments oxydés (logfO2 −2ΔIW) riches en éléments volatils et/ou en soufre. Bien que des modèles concurrents

favo-risant une accrétion depuis un matériel oxydé vers un matériel réduit existent (Siebert et al., 2013;Badro et al., 2014), nous avons construit (cf. Chapitre 3) des modèles de formation des planètes par accrétion dans un premier temps d’éléments réduits, puis dans un second temps d’éléments oxydés ; ce type de modèle étant le plus compatible avec les résultats obtenus dans le cadre de cette étude.

Fugacité d’oxygène en fin de ségrégation noyau/manteau

La fugacité d’oxygène est définie par rapport à un tampon, qui est la réaction impliquant l’O2 qui prédomine sur toutes les autres et dont l’équilibre (ou déséquilibre) détermine l’état

d’oxydation du milieu. Dans le cas des planètes telluriques, du fait de la présence d’un noyau composé essentiellement de fer, la réaction qui fixe la fugacité d’oxygène est la suivante :

2F e + O2 → 2F eO (1.1)

La réaction (1.1) est la réaction tampon dite Fer-Wüstite (Iron-Wüstite en anglais, abrégé en IW), par rapport à laquelle on définit la fugacité d’oxygène des planètes. En effet, la fuga-cité d’oxygène est, au premier ordre, une estimation de l’activité de l’oxygène dans un milieu. On définit la fugacité d’oxygène relative à un tampon par [logfO2]relative = [logfO2]milieu

[logfO2]tampon; où [logfO2]tampon est définie par l’équilibre de la réaction tampon. Dans notre cas il s’agit de l’activité de l’oxygène lorsque la réaction 1.1 est à l’équilibre. Pour une planète, on définit une fugacité d’oxygène par :

[logfO2]relative = 2log  aF eO aF e   2log [F eO] manteau [F e]noyau  (1.2)

Dans l’équation (1.2), on fait l’hypothèse que les activités du FeO et du Fe sont égales à la concentration, i.e. que le coefficient d’activité γ est égal à 1 pour les deux éléments. Cette ap-proximation est justifiée par le fait que l’erreur sur la concentration est plus grande que l’erreur induite par l’approximation γ = 1. De ce fait, en utilisant les concentrations terrestres ( McDo-nough et Sun, 1995) et martiennes (Taylor, 2013) et l’équation (1.2), on obtient des fugacités relatives de ∼ −2ΔIW et ∼ −1.5ΔIW pour la Terre et pour Mars, respectivement, qui

cor-respondent à la fugacité d’oxygène terminale lors du processus de ségrégation du noyau par rapport au manteau.

Variations de DMet/Sil par rapport aux variations de fO2

Pour les valeurs de fugacité d’oxygène sus-citées, certains éléments ont un caractère litho-phile, par exemple V, Cr, Nb, Ta ou Mn (e.g. Wood et al., 2008; Gessmann et Rubie, 2000; Cartier et al., 2014). Le coefficient de partage de ces éléments, déterminé empiriquement à basse pression (Gaetani et Grove,1997) ou haute pression (Wood et al.,2008) pour des fugaci-tés d’oxygène de -2 à -1.5 ΔIW est inférieur à 1, indiquant un comportement lithophile, mais également inférieur au coefficient de partage calculé à partir des compositions primitives des manteaux et noyaux de la Terre et de Mars (Figure 1.27). Il est donc nécessaire d’expliquer cette différence, qui ne peut pas s’expliquer par une augmentation de la pression, et pas entiè-rement par des variations de température (Gessmann et Rubie, 1998, 2000). Cependant, pour

Introduction et Problématique Chapitre 1







FIGURE1.27 – Evolution du logarithme coefficient de partage métal-silicate (logDmet/silx ) de V (a), Cr (b) et Mn (c) en fonction de la fugacité d’oxygène. En rouge les valeurs probables de fugacité d’oxygène pour la Terre et pour Mars (-2 à -1.5 ΔIW ), en bleu les valeurs probables de logDmet/sil

x pour la Terre d’après McDonough & Sun (1995). Pour les valeurs actuelles de fugacité d’oxygène, on ne peut pas expliquer le partage de ces éléments entre le noyau et le manteau. Plus de détails sur cette figure dans le Chapitre 3.

des fugacités d’oxygène plus faibles, de l’ordre de - 5 ΔIW, ces éléments ont un comportement sidérophile (Tuff et al.,2011;Cartier et al., 2014). Ce comportement est dû à une variation de l’état de valence de ces éléments, qui, en milieu réduit (logfO2  −5ΔIW), passent d’une

va-lence élevée (par exemple +5 pour Nb et Ta) à une vava-lence plus faible (+2 pour Nb, et +3 pour Ta d’aprèsCartier et al.(2015)).

De ce fait, il est possible d’expliquer l’abondance de ces éléments sur Terre (et sur Mars, bien qu’il existe moins d’études spécifiques à ce sujet), par une accrétion se faisant en partie en conditions réduites. La plupart des modèles de ce type favorisent une accrétion réduite au début du processus de formation planétaire, complétée ensuite par l’accrétion de matériel oxydé (e.g. Wade et Wood,2005; Rubie et al., 2015), ce qui est compatible avec les modèles numériques de formation du système solaire (cf. Figure 1.22 et Chambers,2004;Raymond et al.,2004). Cette explication fonctionne bien pour certains éléments, mais ne permet pas, par exemple, d’expliquer les abondances des éléments hautement sidérophiles, qui sont peu affectés par la fugacité d’oxygène sauf dans des états très oxydés incompatibles avec les états d’oxydation des planètes aujourd’hui (O’Neill et al., 1995), ce qui nécessite un vernis tardif pour expliquer l’abondance de ces éléments dans le manteau primitif (Laurenz et al.,2016).