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1.2 Propriétés des planètes telluriques

1.2.2 Apport des données sismiques

En l’état actuel des connaissances et des techniques, il est impossible d’étudier des échan-tillons de roches terrestres provenant de profondeurs supérieures à 700 km. Deux sources d’échan-tillons de roches profondes sont possibles : les forages, dont le plus profond ne dépasse pas 12 km de profondeur (forage sg3 de la péninsule de Kola, entre 1970 et 1989) ; et les roches remon-tées par des éruptions volcaniques qui amènent en surface des roches du manteau, dont les plus profondes sont remontées depuis la zone de transition (soit 670-700 km), souvent sous la forme d’inclusions à l’intérieur de diamants (e.g.Pearson et al.(2014)). Le développement de la sis-mologie depuis la fin du XIXème siècle a permis de palier ce manque d’échantillons. En effet, lors des séismes différentes ondes très énergétiques sont émises. Parmi ces ondes, les ondes P (ondes de compressions) et les ondes S (ondes de cisaillement) sont des ondes de volumes qui peuvent traverser l’ensemble de la Terre. Les ondes de Rayleigh et de Love sont quant à elles

Introduction et Problématique Chapitre 1

FIGURE 1.4 – Carte du magnétisme rémanent sur Mars obtenue pendant la mission du Mars Global

Surveyor (1997-2006). Les lignes d’isomagnétisme sont tracées pour les valeurs 10, 20, 50, 100 et 200 nT (en noir pour les valeurs négatives et en blanc pour les valeurs positives). La valeur nulle du champ magnétique dans le cratère Hella démontre l’inactivité du champ magnétique martien passé la période noachienne. D’aprèsConnerney et al.(2001).

des ondes de surface, ne se déplaçant que dans les couches superficielles de la Terre, provo-quant l’essentiel des destructions lors d’un séisme, mais n’apportant pas d’informations provo-quant à la structure interne de la Terre. Il existe des différences de temps d’arrivée des ondes P et S d’un même séisme entre l’hypocentre du séisme et les sismographes. Ces différences de temps d’arrivée sont dues aux phénomènes de réflexion et réfraction des ondes à chaque fois qu’une onde traverse un milieu aux propriétés différentes. Ces différences ont permis de mettre en évi-dence les principales couches composant la Terre, délimitées par des discontinuités sismiques majeures :

i La discontinuité de Mohorovi˘ci´c (Moho), séparant la croûte du manteau dont la profon-deur varie de 0 à 10 km environ pour la croûte océanique, et de 10 à 70 km environ pour la croûte continentale (en moyenne 30 km de profondeur). Cette discontinuité est mise en évidence par la mesure des temps d’arrivée précoces de certaines ondes P, qui ne s’ex-pliquent que par une réfraction sur la discontinuité entre croûte et manteau (Mohoroviˇci´c, 1992).

ii La discontinuité de Gutenberg (Core-Mantle Boundary, séparant le noyau liquide et le manteau, qui est à l’origine de la zone d’ombre des ondes P entre 106 et 142 et la dispa-rition des ondes S (Gutenberg,1914,1960), à 2900 km de profondeur.

iii La discontinuité de Lehman, séparant la noyau liquide de la graine (ou noyau interne) solide, expliquant la réapparition d’ondes S (Lehmann,1934,1937).

A ces trois discontinuités ayant des effets importants sur les ondes sismiques sont associées d’autres discontinuités provoquant des effets moins nets sur les ondes sismiques, qui délimitent des zones internes du manteau pour l’essentiel : par exemple la low velocity zone entre le man-teau lithosphérique et le manman-teau asthénosphérique (120-220 km) ou la transition manman-teau supé-rieur/manteau inférieur à 670 km de profondeur (transition de phase ringwoodite/bridgmanite).

Dans l’ensemble, les observations des temps d’arrivées des ondes P et S (ainsi que de leurs précurseurs, leurs ondes réfléchies ou réfractées), permettent d’établir des profils de vitesse des ondes sismiques en fonction de la profondeur. Ces vitesses sont reliées aux modules de com-pression et de cisaillement du matériau traversé, ainsi qu’à sa densité. Cela a permis à Dzie-wonski et Anderson(1981) de proposer un modèle global d’évolution de la densité en fonction de la profondeur. Ce modèle, dit modèle PREM (Preliminary Reference Earth Model) met en évidence la structuration de la Terre en un noyau (dont un noyau interne solide et un noyau externe liquide) métallique, un manteau inférieur (composé en majorité de bridgmanite) et su-périeur (composé en majorité d’olivine), et une croûte peu épaisse en surface. A l’intérieur de ces structures principales, les roches ou métaux prédominants voient leurs densités respectives augmenter avec la profondeur (Figure 1.5).

Ce modèle, bien que nommé préliminaire, sert toujours de référence plus de trente ans après sa publication, pour la construction de différents modèles d’inversion, notamment la tomographie sismique permettant de mettre en évidence des zones plus ou moins chaudes du manteau. Dans le cadre de notre étude, l’information essentielle apportée par ce modèle est la structuration, au premier ordre, de la Terre en un noyau métallique (liquide et solide), un manteau silicaté et une croûte de faible épaisseur.

La sismologie confirme donc, indépendamment des observations astronomiques, la présence d’un noyau métallique sur Terre. La densité de ce noyau n’est compatible qu’avec un alliage métallique fer-nickel (à 90 %), avec la présence d’éléments plus légers (Birch,1952). La nature

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FIGURE 1.5 – Modèle PREM de variation des vitesses sismiques et de la densité en fonction de la

profondeur. Les lignes violettes sont les vitesses des ondes simiques (ligne continue pour les ondes P, ligne discontinue pour les ondes S), la ligne noire représente la densité. Les différentes couches sont précisée : on note clairement la discontinuité de Gutenberg (2950 km), avec un saut de densité (dû à la nature métallique du noyau) et la disparition des ondes S (due à l’état liquide du noyau) ; ainsi que la discontinuité de Lehman à 5100 km avec la réapparition des ondes S (créées à la réfraction des ondes P lors de leur passage dans le noyau interne solide). Les limites supérieures (Moho, LVZ etc...) dues à des changement de phase ou d’état dans le manteau sont visibles dans les variations plus faibles des vitesses sismiques entre 0 et 1000 km de profondeur. Les pressions équivalentes à la profondeur des principales limites géologiques sont indiquées sur l’axe horizontal supérieur. Image modifiée d’aprèsDziewonski et

Anderson(1981) par la banque d’image de l’UMET (http://umet.univ-lille1.fr, cC. Nisr.)

des éléments légers du noyau et leurs concentrations respectives sont encore mal connues et discutées aujourd’hui. Etant donné les fortes similitudes de densité entre planètes telluriques (Mercure, Venus, Terre et Mars), cette structure terrestre globale (croûte superficielle - manteau silicaté - noyau métallique) peut être extrapolée à toutes les planètes telluriques. Cependant, pour expliquer les différences de tailles, de composition en surface et de densités entre chaque planète tellurique il est nécessaire de nuancer ce modèle global, notamment en déterminant quelles sont les transitions de phases (qui dépendent essentiellement de la pression et de la

tem-pérature) à l’intérieur de chaque planète. De plus, les interprétations du modèle PREM pour la Terre en terme de variations de densité continues et de transitions de phases sont aussi dépen-dantes des connaissances relatives aux transitions de phases et changement d’état des minéraux et métaux qui composent les différentes couches.

1.2.3 Pétrologie expérimentale : interprétations et extrapolations des