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Modèles planétaires d’après la géochimie isotopique : concept des briques

1.3 Compositions chimiques des planètes : cosmochimie et géochimie

1.3.4 Modèles planétaires d’après la géochimie isotopique : concept des briques

briques élémentaires

Les modèles de compositions des planètes qui donnent chacun des compositions relative-ment similaires, en tout cas comparables en tenant compte des erreurs analytiques, qu’ils soient basés sur les chondrites CI, les chondrites EH ou d’autres méthodes : par exempleMcDonough et Sun(1995) donnent une concentration de 8% pds de FeO dans le manteau terrestre, alors que Javoy(1995) estime la concentration à 6% pds de FeO. De plus, les teneurs en silicium dans le noyau sont comparables dans les deux modèles (de l’ordre de 1 à 5 % pds.). De ce fait, on peut comparer les compositions de la Terre ou de Mars obtenues en mélangeant différents matériels de départ.

Un des moyens les plus utilisés pour déterminer les proportions de briques élémentaires est la comparaison des corrélations isotopiques et les modèles de mélange que l’on peut construire à partir des droites de fractionnement. La Figure 1.19 montre les différentes droites de fractionne-ment pour une série de corps planétaires et de météorites. Les pentes 12 sont caractéristiques des processus d’évolution des corps planétaires qui fractionnent les isotopes de masses différentes (Albarède,2009). Pour chaque corps, même si la pente est la même, l’ordonnée à l’origine est différente (sauf pour le système Terre-Lune). Cela montre que chaque corps a évolué depuis un corps parent ayant une signature isotopique propre.

A partir du diagramme de la Figure 1.19, on peut construire des droites de mélange partant des lignes de fractionnement des chondrites, qui coupent les lignes de fractionnement de la Terre ou de Mars (Figure 1.20). Ces droites de mélange sont définies à partir d’un autre paramètre (rapport Mg/Si, conservation de la masse, etc.), et permettent de définir les planètes en fonction de la proportion de briques élémentaires qui les auraient formées.

Plusieurs modèles basés sur l’isotopie ont été construits, soit par mélange de deux compo-sants (e.g. pour MarsSanloup et al.,1999), soit par mélange de trois ou plus composants (par exemple, pour Mars également Lodders et Fegley, 1997). Dans ces modèles, les briques

élé-Introduction et Problématique Chapitre 1

FIGURE 1.19 – Fractionnement isotopique entre l’isotope 17 et l’isotope 18 de l’oxygène. Les valeurs

δ17O et δ18O sont les déviations de la concentrations de ces isotopes normalisée par la concentration des isotopes 16 de l’oxygène, par rapport au standard SMOW (Standard Mean Ocean Water), et sont

données parδxO =

x

O/16Omesure)

(xO/16O)SMOW )− 1. Le diagramme du bas est un zoom sur la zone délimitée par

des pointillés dans le diagramme du haut. On remargue la proximité des lignes de fractionnement de la Terre et de Mars avec celles des chondrites EH, H , L, LL et CM, alors que la ligne de fractionnement des chondrites CI est beaucoup plus éloignée. D’aprèsRighter et O’Brien(2011).

mentaires ne sont plus majoritairement des chondrites carbonées CI comme dans les modèles de McDonough et Sun (1995) (pour la Terre) ou Wänke et Dreibus (1988) pour Mars. Les chondrites majoritaires deviennent alors les chondrites ordinaires et les chondrites à enstatites :

- Pour Mars, les isotopes de l’oxygène permettent d’obtenir EH et H en proportion 45 et 55 % respectivement (Sanloup et al.,1999), ou CV, H et CI en proportion 85, 11 et 4 % respectivement (Lodders et Fegley, 1997). Les isotopes d’autres éléments (50Ti, 62Ni et 92Mo par exemple) donnent des modèles de mélange différents, par exemple un mélange d’APB (Angrite Parent Body), CI et H en proportion 55, 9 et 36 % respectivement, en contraignant le modèle par les rapports Ca/Mg (Fitoussi et al.,2016).

- Pour la Terre, on obtient par exemple un mélange EH et CO si on étudie les isotopes stables du calcium (Valdes et al.,2014), mais un mélange EH, H, CI en proportion 91, 7 et 2 % respectivement, si on contraint le modèle par les isotopes48Ca, 17O, 50Ti,62Ni et 92Mo (Dauphas et al.,2014). De même, en mélangeant des chondrites à partir des données isotopiques contraintes par les rapports Mg/Si et Al/Si du manteau terrestre (Burbine et O’Brien,2004) on obtient des proportions de briques élémentaires de 55.36 % EL, 6.30 % H, 10.40 % L, 9.13 % LL, 4.50 % EH et de 15 % de chondrites carbonées (CI, CV et CM).

Les comparaisons des briques élémentaires qui précédent permettent de mettre en évidence que la composition du matériel primitif ayant servi de base à la formation des planètes est dé-pendante du modèle utilisé, ainsi que des données météoritiques disponibles.Drake et Righter (2002) ont montré qu’il est difficile de construire des modèles d’assemblage des planètes à partir des données chondritiques et de réussir à prendre en compte toutes les contraintes isotopiques ou chimiques de la Terre. Par exemple, avec le matériel chondritique que l’on connait aujourd’hui, il est impossible d’obtenir un mélange cohérent de briques élémentaires qui permettent d’expli-quer les rapports isotopiques17/16O et187/188Os avec les rapports Mg/Si. Ces auteurs proposent donc qu’il est possible que nous n’ayons aucun échantillon représentatif du matériel primitif ayant pu former la Terre, de même queCarlson et al.(2014) dans une review plus complète et plus récente.

Néanmoins, on peut souligner l’importance dans tous les modèles des chondrites à enstatites et chondrites carbonées dans la formation des planètes. De ce fait, une part du travail présenté dans cette thèse est la construction de modèles d’accrétion de la Terre et de Mars basés sur le mélange de ces deux types de chondrites.

Introduction et Problématique Chapitre 1

FIGURE 1.20 – Modèles de mélange isotopique de l’oxygène pour la détermination des briques

élé-mentaires de Mars, par Sanloup et al. (1999). En utilisant H et EH comme composantes extrêmes du mélange, on obtient un rapport EH :H de 70 :30 en utilisant uniquement la droite de fractionnement des SNC, et un rapport EH :H de 45 :55 si on utilise la valeur moyenne deδ17O et de δ18O des SNC. Cette dernière valeur est considérée comme la plus probable, car elle permet d’obtenir un noyau à la bonne taille, ainsi qu’une concentration de souffre dans ce dernier proche de la réalité (16 % pds). D’après

Sanloup et al.(1999).