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Les éléments volatils dans le contexte d’accrétion

1.6 L’origine des éléments volatils sur la Terre et sur Mars

1.6.3 Les éléments volatils dans le contexte d’accrétion

Puisqu’il est très probable que les éléments volatils se soient accrétés pendant la phase prin-cipale d’accrétion, il est aussi probable qu’ils aient eu un impact sur la formation du noyau. Les éléments volatils peuvent avoir une influence sur le comportement des éléments sidérophiles, permettant d’augmenter ou de diminuer leur coefficients de partage, ou devenir eux-mêmes si-dérophiles, i.e. être incorporés dans la phase métallique et devenir des éléments légers du noyau.

Partage du carbone entre métal et silicate

Le carbone est un élément important qui, bien que volatil, a aussi une composante sidéro-phile. En effet, le carbone s’éloigne, dans la composition classique présentée sur la Figure 1.16, de l’effet de la volatilité (son abondance est faible compte tenu de sa température de conden-sation). Le comportement sidérophile du carbone est bien établi par plusieurs études, qu’elles soient basées sur le calcul (Wood, 1993) ou sur des expériences de partage métal-silicate à hautes pressions (Jana et Walker,1997;Malavergne et al.,2008;Hirschmann et Dasgupta,2009; Chi et al.,2014). Les études expérimentales mettent en évidence que le carbone tend à diminuer les coefficients de partage de certains éléments modérément sidérophiles. Cette diminution est due à la compétition des atomes de carbone avec les atomes d’autres éléments sidérophiles pour

l’occupation de l’espace dans le liquide métallique (par exemple pour l’hydrogène voirOgawa, 2010, et les références qui y sont citées pour la théorie thermodynamique). Cela explique par exemple les études contradictoire des effets du carbone sur le partage du nickel :Jana et Walker (1997) observent une légère diminution du coefficient de partage du nickel ( variation de 239 à 140 pour une pression de 80 kb dans les deux cas et une concentration en cabrone dans le métal de 0 et 8,5 % pds., respectivement), tandis queChi et al. (2014) observent une diminution de la solubilité du carbone lorsque du nickel est présent : les concentration en carbone variant de

∼ 6,5 % à ∼ 4,5 % pds. pour des concentraiton en nickel de variant de ∼ 5 % pds. à ∼ 7 %

pds., respectivement. La différence de conclusion entre les deux études s’explique par le fait que l’alliage initial dans l’étude de Jana et Walker (1997) contient du carbone en saturation, tandis que celui deChi et al.(2014) contient du nickel initialement. Cela souligne l’importance de la composition initiale du métal dans les expériences menées en laboratoire. Les chondrites contenant du nickel en plus grande quantité dans leurs phases métalliques, il est probable que la présence de nickel ou d’autres éléments (S, Co, Si) dans la phase métallique empêche le carbone de se dissoudre dans le noyau : on observe ainsi une anti-corrélation entre les concentrations en carbone et en silicium dans le métal (e.g. Bouchard et Bale, 1995; Dasgupta et Walker, 2008). Néanmoins, les coefficients de partage du carbone sont très élevés lorsqu’il est présent en phase saturante (le graphite principalement), impliquant une concentration non négligeable du carbone dans le noyau malgré sa volatilité (Hirschmann et Dasgupta,2009;Chi et al.,2014; Righter,2015).

Pour l’instant, aucune étude expérimentale n’étudie l’effet du carbone présent sous forme de CO2 ou CH4 seuls lors du partage des éléments, ce qui permettrait d’élargir le champ de re-cherche à l’effet de la spéciation du carbone sur le partage métal-silicate des éléments. Les études contenant du CO2 contiennent également d’autres éléments volatils, par exemple H2O (Jana et Walker,1999;Chi et al.,2014), ou des formes différentes de carbone (telles que CH4) coexistant avec la forme oxydée (Dasgupta et al., 2013;Chi et al., 2014). La spéciation et la concentration initiale du carbone dans les briques élémentaires sont donc des éléments cruciaux pour la compréhension de l’effet de cet élément sur la formation des noyaux planétaires, ainsi que sur l’évolution de l’océan magmatique (Hirschmann et Withers,2008).

Introduction et Problématique Chapitre 1

FIGURE1.32 – Coefficients de partage corrigés de la fugacité d’oxygène et de l’effet de la composition

du liquide silicaté pour Ni, Co, W, Mo et P en fonction de la concentration en eau dans le liquide silicaté. Lorsque tous les paramètres sont pris en compte l’eau n’a pas d’effet sur le partage de ces éléments. D’aprèsRighter et Drake(1999).

Eau et coefficient de partage métal/silicate

Tout comme pour le carbone, il existe peu d’étude de partage métal/silicate en présence d’eau. Soit l’eau est présente en même temps que le carbone (Jana et Walker,1999;Chi et al., 2014), soit les pressions atteintes sont relativement faibles, de l’ordre de 1 GPa (Righter et Drake, 1999;Jana et Walker, 1999). Ces études ont montré un effet de l’eau quasi nul sur les éléments modérément sidérophiles (Figure 1.32) lorsque l’on prend en compte toute les va-riables. Cependant, l’eau a un effet sur la structure du liquide silicaté et la fugacité d’oxygène, ce qui diminue indirectement les coefficients de partage des éléments sidérophiles (Righter et Drake,1999). Ces effets sont réétudiés pour de plus hautes pressions (jusqu’à 20 GPa) dans le chapitre 3.

Comme pour le carbone, il est possible pour l’hydrogène d’être intégré au noyau lors de la ségrégation noyau/manteau. En effet, des études à 1 bar sous atmosphère saturée en dihydro-gène ont mis en évidence une solubilité de l’hydrodihydro-gène dans les alliages métalliques de l’ordre de quelques dizaines de ppm (e.g. Boorstein et Pehlke (1974) ;Lob et al. (2011)). L’augmen-tation de la pression et de la température permet d’augmenter la solubilité de l’hydrogène dans les alliages métalliques (e.g.Yagi et Hishinuma(1995) ; Figure 1.33). Dans un contexte de réac-tion métal/silicate, l’étude d’Okuchi(1997) a montré la possibilité pour l’hydrogène d’avoir un comportement sidérophile (DH> 1), avec des concentrations d’hydrogène dans le métal pouvant

aller jusqu’à 1000 ppm. Cela mène l’auteur, dans cette étude, à proposer l’hydrogène comme un élément léger important du noyau. Cependant, la phase métallique est composée de fer pur, ce qui néglige l’effet de la compétition de l’hydrogène avec d’autres éléments (Ni, C, Si) pour l’intégration dans la phase métallique. De plus, la pression partielle en hydrogène est très élevée (de l’ordre de 7 GPa), l’eau étant ajoutée directement en tant qu’élément liquide à côté de la phase silicatée, et non pas comme élément intégré dans le liquide silicaté, comme cela est le cas dans l’étude de Righter et Drake(1999). Cette possibilité d’intégration de l’hydrogène dans le noyau lors de la ségrégation noyau/manteau dans un océan magmatique profond et hydraté est ré-évaluée dans le Chapitre 4, en partant de conditions plus réalistes, notamment des pressions partielles en hydrogène plus faibles durant les expériences, et des compositions du métal plus complexes (alliages dans le système Fe-Ni-Co-C ainsi que Fe-Ni-Co-C-Si et Fe-Ni-Co-C-S).

Introduction et Problématique Chapitre 1

FIGURE 1.33 – Evolution de la solubilité de l’hydrogène sous la forme d’hydrure de Fer (FeHx) en fonction de la pression et de la température. Cercles : données pour P = 2.2 GPa ; triangles : données pour P = 2.9 GPa et carrés : données pour P = 4.9 GPa. L’augmentation de la température permet d’incorporer plus facilement de l’hydrogène dans le métal à une pression donnée. L’effet de la pression s’inverse au dela de 900 : en-deçà de cette température, l’hydrogène devient moins sidérophile avec l’augmentation de la pression ; au-delà l’hydrogène devient plus sidérophile avec l’augmentation de la pression. D’aprèsYagi et Hishinuma(1995).