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Expériences sur les presses multi-enclumes

1.7 Résumé et présentation du travail de thèse

2.1.2 Expériences sur les presses multi-enclumes

Les expériences de hautes pressions et hautes températures ont été menées sur les presses 1500 tonnes et 1000 tonnes du Laboratoire Magmas et Volcans. La section suivante présentera le choix des matériaux pour l’encapsulement de l’échantillon et les techniques de chauffage, suivie d’une section présentant les détails d’un assemblage haute pression pour presse multi-enclume.

Choix des matériaux

La charge expérimentale comporte deux phases, une silicatée et une métallique. En consé-quence nous avons dû choisir un matériel de capsule qui résiste aux températures de fusion de ces deux phases, et qui ne réagit que très peu avec l’une et l’autre des phases. De plus, le but de notre étude étant de comprendre l’effet de l’eau à haute pression, il nous faut un matériel qui limite la perte d’eau pendant l’expérience.

Dans le cas de notre étude expérimentale, portant sur l’eau, notre choix s’est porté sur des cap-sules de graphite. Ce type de capsule permet de retenir l’eau dans le système sur une période d’expérimentation courte (t 2 minutes) qui correspond à nos expériences. Il nous était en effet impossible d’utiliser des capsules composées d’alliages métalliques, qui réagiraient avec le Fer

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présent dans les deux phases (par exemple les capsules en platine) ou qui fondraient aux tempé-ratures que nous nous proposons d’atteindre (par exemple les capsules en or et or-palladium). Afin de confirmer que les capsules retiennent correctement l’eau pour la période de chauffage des expériences, nous avons comparé nos mesures avec des expériences en double capsules ef-fectuées sur des périodes de temps plus longues (Figure 2.1). Dans la limite des incertitudes inhérentes aux différentes méthodes de mesure, il n’y a pas de perte d’eau pour les capsules en graphite. La capsule (dont un schéma est présenté sur la Figure 2.2) sature le système en carbone, qui a tendance à entrer dans la phase métallique, pour des concentrations pouvant aller jusqu’à 8% poids (Wood, 1993). Ce phénomène est bien connu, et l’effet du carbone sur les coefficients de partage peut être corrigé lors de la paramétrisation des résultats (Dasgupta et al., 2009;Righter,2011;Siebert et al.,2011;Boujibar et al.,2014). Enfin, le graphite se transforme en diamant pour des pressions supérieures à 10 GPa, ce qui n’est pas problématique lors de l’ex-périence, mais conduit à l’adoption d’un protocole de polissage spécifique pour récupérer les échantillons (voir section 2.1.3 du présent chapitre). Le système de chauffage, compte tenu des pressions que nous nous proposons d’atteindre est composé de tube en LaCrO3, stable jusqu’à très haute température.

Détail des assemblages et protocoles des expériences hautes pressions

Les expériences sur multi-enclumes sont menées grâce à des octaèdres en MgO dopés en chrome, de taille d’arêtes 14 et 10 mm selon la pression que l’on veut atteindre. Sont placés à l’intérieur de ces octaèdres un tube en zircone (ZrO2) et deux anneaux en MgO pour isoler thermiquement l’octaèdre et l’échantillon. La zircone et les anneaux en MgO forment un tube à l’intérieur duquel on place le système de chauffage (LaCrO3) qui est lui-même isolé électri-quement de la capsule par des tubes en MgO. Dans les cas où l’on utilise des capsules en MgO monocristallin, la capsule est plus large sans que ne se pose le problème d’isolation électrique. On place alors directement la capsule dans le tube de LaCrO3. La disposition et les tailles rela-tives de ces différentes pièces en fonction des assemblages sont indiquées sur la Figure 2.3. Afin d’atteindre la haute pression, on utilise un système d’enclumes (enclumes dites secon-daires) composé de huit cubes en carbure de tungstène, de 32 mm de côté, dont les sommets sont tronqués, formant ainsi des faces triangulaires équilatérales de côté 8 ou 4 mm. Pour éviter la casse de ces cubes par frottement et faciliter l’obtention d’une pression isotrope à l’intérieur

FIGURE 2.1 – Comparaison des concentrations en eau mesurées dans les verres silicatés avec les

concentrations estimées par le calcul et les mesures des teneurs en aluminium. En noir sont présen-tées les expériences du chapitre 3 et 4, effectuées dans des capsules simples en graphite. En rouge, des expériences à faibles pressions, effectuées en piston cylindre, sur des liquides silicatés, avec des doubles-capsules or-palladium et graphite. Le liquide silicaté se trouve dans la capsule en graphite, qui elle-même se trouve dans la capsule en or-palladium. La ligne noire représente l’égalité entre concen-trations mesurées et estimées, les lignes pointillées un écart-type de 20 %, correspondant à l’erreur maximale sur les deux types de mesures utilisés ici. Dans cette incertitude de 20 %, toutes les mesures se trouvent sur la ligne d’égalité, confirmant d’une part que les capsules en graphite permettent de retenir l’eau dans la charge expérimentale, et d’autre part que l’utilisation de l’aluminium comme proxy pour la concentration en eau est justifiée. Les expériences en double-capsules ont été effectuées par Alessandro Fabbrizzio, pourClesi et al.(2016) (Chapitre 3)

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FIGURE 2.2 – Schéma des capsules en graphite. En noir sont présentées les dimensions pour les

as-semblages 14/8 et en rouge les dimensions pour un assemblage 10/4, les deux asas-semblages étant décrits dans la sous-partie suivante. Toutes les dimensions sont en millimètres.

de l’octaèdre, des joints en pyrophillite sont placés sur quatre de ces cubes. Ces joints vont fluer lors de la compression empêchant ainsi le frottement entre cubes qui pourrait créer une ani-sotropie à l’intérieur du système. Les joints permettent aussi de limiter le fluage de l’octaèdre vers l’extérieur du système. Les huit cubes sont placés autour de l’octaèdre (une troncature pour chaque face de l’octaèdre), formant ainsi un cube de 64 mm de côté, maintenu en place par des plaques d’époxy collées sur chaque face. Ces plaques d’époxy servent aussi à empêcher le frot-tement entre les enclumes secondaires et les enclumes primaires (celles de la presse proprement dite), protégeant ainsi les deux jeux d’enclumes lors de l’expérience. Le détail de la disposition des assemblages est présenté sur les Figures 2.3 et 2.4.

L’assemblage ainsi formé est placé dans la presse, et est compressé grâce à un système de pres-sion hydraulique. Chaque taille d’assemblage a préalablement subi une calibration permettant d’associer une pression en bar d’huile sur la presse à une pression en GPa à l’intérieur de la capsule. Les expériences de calibration sont détaillées, pour la presse 1000 t, dans Hammouda

(2003) et, pour la presse 1500t, dansBoujibar et al. (2014). Les courbes de calibration résul-tantes sont présentées dans la figure 2.5. On atteint la pression en un minimum de 4 heures (∼1

bar/min maximum) pour préserver les cubes et le thermocouple. Le profil de pression pour une expérience en 14/8 sur les presses 1000 tonnes et 1500 tonnes est présenté sur la figure 2.6.

La température est augmentée par chauffage électrique résistif à travers tout l’assemblage, selon le principe de Joule et la loi d’Ohm. Après quelques expériences où la température est contrôlée par thermocouple, nous pouvons utiliser des calibrations pour chaque pression de

(a)

(b)

FIGURE 2.3 –(a). Schéma de coupe des assemblages utilisés et schéma de la disposition d’un assem-blage ocatédrique dans les enclumes secondaires . En haut, un assemassem-blage 14 mm avec thermocouple ; en bas un assemblage 10 mm, conçu pour les très hautes pressions (expériences où P 15 GPa). Source

des illustrations :Cartier(2014).(b). Schéma simplifié de la disposition des octaèdres par rapport aux enclumes secondaires.

type Température = f(Puissance), qui permettent de contrôler la température dans le cas où le thermocouple se casse lors de la compression. Ces calibrations sont présentées dans la figure 2.7. La température est maintenue à un seuil pendant 2 minutes, puis on trempe l’expérience simplement en coupant le courant. La température baisse alors brutalement en quelques se-condes, la diminution de température se faisant à une vitesse de l’ordre de 800.s−1 jusqu’à la température de 100C, température seuil à laquelle la diminution jusqu’à température ambiante se fait plus lentement (une heure environ). Après la trempe, on lance la décompression pour un

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(a) Octaèdre avant mise en place (b) Mise en place des cubes

(c) Assemblage dans la presse (d) Octaèdre après compression

FIGURE 2.4 – Photographies de la disposition d’un assemblage ocatédrique dans les enclumes

secon-daires composées de cubes en carbure de tungstène.(a). Octaèdre avant la mise en place du deuxième rang des enclumes secondaires. (b). Octaèdre vu de haut pendant la mise en place du deuxième rang d’enclumes secondaires.(c). Assemblage complet (octaèdre et enclumes secondaires), maintenu par des plaques d’epoxy (en jaune), en cours de mise en place dans la presse 1000 tonnes du Laboratoire Mag-mas et Volcans. Le thermocouple est branché puis protégé par une bande adhésive isolante (en jaune et vert sur la photo).(d). Octaèdre récupéré après expérience (compression et chauffage). on y distingue nettement la variation d’épaisseur et le fluage des joints dû à la compression.

temps minimum de 15 heures, afin de laisser les cubes en carbure de tungstène le temps de se réajuster à des pressions plus faibles et de limiter ainsi les risques de casse.

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FIGURE 2.5 – Courbes de calibration des presses 1000 tonnes et 1500 tonnes pour les assemblages

14/8 et 10/4. Sont portées en abcisses les valeurs nominales de pression d’huile de chaque presse, et en ordonnées les pressions atteintes dans la capsule. L’équivalent en tonnes de la pression hydraulique est obtenu par les facteurs de conversion (K) : pour la presse 1000 tonnes K = 1 ; pour la presse 1500 tonnes, K =2.3346.

FIGURE 2.6 – Profil de pression (pression nominale en bars d’huile en fonction du temps) pour une

expérience en assemblage 14/8 et une pression plateau à l’intérieur de la capsule de 5 GPa. La va-leur plateau est obtenue grâce aux calibrations (cf Figure 2.5). La différence de vava-leurs en bars pour chaque presse reflète la différence du facteur de conversion. La compression se fait ici en 4 h 30 et la décompression en 15 h.

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FIGURE 2.7 – Calibrations des températures à différentes pressions (5, 10, 15 et 20 GPa) pour un

sys-tème de chauffage en LaCrO3. Les conditions d’utilisation de ces calibrations dépendent de la stabilité du système de chauffage, la résistance du LaCrO3 pouvant varier fortement, surtout à haute pression (d’où les deux courbes pour les pressions de 20 GPa). Dans ce cas, l’incertitude sur la température est plus grande, mais reste de l’ordre de la centaine de degrés.