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2/ 2010 : entre changement réel et « mises en scène » des mutations

Chapitre 2 : Le changement vécu par les institutions

1/ La stabilité des débats des assemblées régionales : 1982-2010

1.2 Une explication par les « trois i » :

1.2.1 La variable idéologique

Dans un premier temps, notre objectif est d’isoler la variable idéologique et de tester sa pertinence à expliquer les phénomènes observés. Certains auteurs font état d’une progressive dépolitisation de l’action publique sur des domaines « lourds » comme la fiscalité (Arnaud, Le Bart, et Pasquier 2007 ; Leroy 2010). Ce constat nous conduit alors à poser deux questions : La variable partisane existe-t-elle encore dans les politiques budgétaires ? Peut-elle expliquer la structuration identique, entre les Régions et dans le temps, du clivage majorité-opposition sur les recettes avant 2010 ?

1.2.1.1 Le clivage gauche-droite sur la fiscalité

La lecture des verbatim concernant la séparation majorité-opposition fait état de la présence importante des enjeux liés aux politiques fiscales.

Les débats budgétaires concernant les recettes se structurent autour d’une démarcation partisane qui fait référence à des matrices idéologiques plus globales. On trouve d’un côté un « néo-keynésianisme » axé sur l’interventionnisme des dépenses publiques, qui justifie la hausse des recettes et de la fiscalité ; on assiste de l’autre à une droite libérale, plus favorable à la limitation des interventions régionales et privilégiant des dépenses d’investissement sur celles de fonctionnement. L’idéologie politique influencerait donc le niveau de dépenses publiques par habitant selon un découpage classique keynésien/libéral (Leroy 2007a, 17). La restitution de quelques éléments de débats démontre ces usages rhétoriques.

Les trois tableaux qui suivent présentent quelques exemples de discours prononcés par des élus de droite. Ces éléments sont associés aux idéologies libérales : la modération fiscale, la bonne gestion financière et la limitation des dépenses de fonctionnement.

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Verbatim majorité alsacienne sur la fiscalité

1985-1986

La pression fiscale doit être maintenue au minimum […]. On est loin derrière les autres Régions, ou devant par ordre décroissant ; nous occupons l'avant-dernière place des

Régions françaises (le président, séance plénièreconsacrée au vote du budget de 1986).

Il faut que nous sachions que nous sommes en dessous de la moyenne nationale des fiscalités locales, départementales et régionales additionnées (UDF, SP consacrée au vote budget de 1986).

1991-1992

Il sera sans doute indispensable de marquer une pause [fiscale] ici ou là, un palier, en attendant des temps meilleurs qui nous permettront, dans le prolongement de la réflexion Alsace 2005, de reprendre notre marche en avant pour accentuer notre avance, et en conséquence de réserver aujourd'hui nos efforts et nos moyens dans les secteurs prioritaires (RPR, SP de mars 1991).

Il faut prévoir dans l'avenir une certaine sélectivité de nos dépenses. Nous ne pouvons continuer à faire ce que nous avons fait jusqu'à présent en rajoutant encore autre chose, sinon la pression fiscale deviendrait telle qu'elle serait insupportable (UDF, SP consacrée aux orientations budgétaires de 1993).

1997-1998

Le bon sens l'emporte avec une progression uniforme des taux pour la fiscalité directe comme indirecte de seulement 1 % (RPR, SP consacrée au vote du budget de 1997). Dans les mois qui viennent, nous devons avoir une discussion de fond sur les moyens futurs : « Sont-ce uniquement les moyens obtenus par une augmentation inconsidérée de la fiscalité, ou pouvons-nous mener une réflexion sur nos interventions en essayant de la resserrer sur nos compétences ? » (RPR, SP consacrée au vote du budget 1998.) Le budget augmente de 4,8 %. Seuls 6 % sont consommés par les frais administratifs, contre 85 % aux interventions de terrain (le président, SP consacrée au vote du budget 1999).

2003-2004

Chacun sait que dans notre maison régionale, nous n'avons jamais, ni depuis huit, ni depuis dix ans, ni avant, proposé d'accordéon fiscal. Nous restons dans la ligne de ce que nous avons toujours fait compte tenu de l'ensemble de nos obligations et de ce que représente en Alsace le fait régional (le président, SP consacrée aux OB 2004).

Je voudrais rappeler la sagesse de nos dépenses de fonctionnement. Nous sommes à des taux de coûts de structures de fonctionnement inférieurs à la moyenne des Régions […]. Il faut saluer la forte hausse des dépenses d'investissement qui sont réalisées avec un recours faible aux impôts et grâce à une augmentation des emprunts que nous pouvons nous permettre puisque nous sommes passés par un niveau d'endettement bas en 2002 (le président, SP consacrée aux OB 2004).

La pression fiscale modérée fait notre fierté ici en Alsace (UMP, SP consacrée au vote du budget 2004).

Tableau n° 27 : Verbatim de la majorité sur la fiscalité en Région Alsace entre 1986 et 2004, source :

Retranscriptions des débats en séance plénière en Alsace (1986-2004)

Les élus issus de la majorité en Alsace se félicitent donc de la faible pression fiscale et de la limitation des dépenses de fonctionnement qu’ils décident. Cette position est

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également revendiquée par ceux de l’opposition de droite ou de centre-droit en Limousin et en Nord-Pas-de-Calais.

Verbatim opposition sur la fiscalité en Limousin et en Nord-Pas-de-Calais

Limousin Nord-Pas-de-Calais

1985-1986

Notre groupe n'est pas d’accord pour couvrir les annuités de l’emprunt par un alourdissement de la fiscalité : les économies étaient possibles (RPR, SP consacrée au CA de 1987).

1991-1992

On aurait pu penser que ces 26 millions de francs permettraient en priorité d'éviter une nouvelle aggravation de la pression fiscale. Eh bien non, il n'en est rien|...]. Le Limousin a augmenté la pression fiscale régionale entre 1986 et 1992 de 174 %. Elle est en tête de toutes les Régions [...]. Les taux pratiqués dans le Limousin sont les premiers de France (RPR, SP consacrée au vote du budget 1993).

La minorité socialiste qui a gouverné l’exécutif avec l’appui de la minorité communiste a nettement accru l’effort fiscal demandé au nom de la Région […]. L'augmentation est supérieure au taux de l’inflation (RPR, SP consacrée aux OB 1992).

Depuis de nombreuses années […], la Région Limousin impose une pression fiscale supérieure à 250 francs par habitant. Faut-il rappeler que cette pression fiscale est la plus importante sur les 22 Régions ? Nous assistons à une dérive regrettable et il est grand temps, je crois, de la maîtriser (RPR, SP consacrée au vote du budget 1992).

Il faut une maîtrise de la fiscalité et une

maîtrise du fonctionnement pour

accentuer l’investissement régional

(Génération écologie, SP consacrée au vote du budget 1992).

1997-1998

C'est un état d'esprit avec à la clé un accroissement continu de la pression fiscale, notamment de la fiscalité directe sur les contribuables limousins (UDF, SP consacrée au vote du budget 1998).

En matière fiscale, vous avez surestimé l’augmentation des bases de la TP […]

alors que 1996 fut une année

catastrophique pour les entreprises

(Groupe Borloo, SP consacrée au vote du budget 1998).

Nous avons, Monsieur le Président, l’intime conviction que si les dépenses avaient été mieux ajustées, la fiscalité directe aurait pu être stabilisée, peut-être même baissée. C'est un triste refrain que nous lisons souvent dans la presse : le Limousin bat les records de fiscalité directe. Je reprends ce refrain qui, je sais, vous fâche en espérant qu'il devienne rapidement obsolète dans la mandature actuelle. Tous les ans sans exception votre majorité vote les taux d'imposition en augmentation [...]. La seule explication, c'est que la majorité de gauche ne peut pas imaginer l'espace d'un instant la réduction des dépenses. Nous refusons ce qui n'est ni tolérable ni raisonnable (RPR, SP consacrée au vote du budget 1998).

Nous avons été au cours de cette élection mandatés, nous nous sommes engagés sur une fiscalité zéro, nous avons également dit que nous allions recentrer les priorités régionales sur les compétences régionales et sur l’efficacité des dépenses que nous jugeons utiles (UDF, SP consacrée au vote du budget 1999).

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2003-2004

Tout d'abord, je voudrais dénoncer la volonté de la majorité de gauche de dépenser toujours plus en prélevant toujours plus d'impôts. C’est consubstantiel au socialisme, si vous préférez, c'est pathologique ! […] La première décision de la nouvelle assemblée en avril 2004 a consisté à accroître de 3 % les taux de fiscalité directe, et ce sans aucune nécessité puisque les annulations d'opérations suffisaient à couvrir les besoins. C'est un acharnement fiscal (UMP, SP consacrée au vote des OB 2004).

Il nous faut faire des priorités, des redéploiements de crédits. Nous allons vous proposer un certain nombre de réductions de dépenses en investissement et en fonctionnement (UMP, SP consacrée au vote du budget 2004).

Contrairement à ce qu’on a voulu nous laisser penser tout au long de ces trois jours, cette hausse massive de la fiscalité de 15 % ne nous paraît pas indolore. Elle nous paraît, je le répète, insupportable. Nous étions déjà largement en tête, en tout cas dans la tête des Régions pour le taux de taxe professionnelle, nous sommes

en train d’en devenir les

champions (UMP, SP consacrée au vote du budget 2004).

Tableau n° 28 : Verbatim de l’opposition sur la fiscalité en Régions Limousin et Nord-Pas-de-Calais entre 1986 et 2004, source : Retranscriptions des débats en séance plénière en Limousin et en Nord-Pas-de-Calais

(1986-2004)

Les discours des élus de droite sont donc basés sur la modération fiscale, sur le resserrement des dépenses et sur la bonne gestion.

À gauche, en revanche, les augmentations fiscales sont justifiées par un argumentaire autour de l’interventionnisme des dépenses publiques. Les deux tableaux ci-dessous font alors état des arguments des élus de gauche qui siègent dans les majorités.

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Verbatim de la majorité limousine

1985-1986

Ce rappel [de la fiscalité] n'était peut-être pas inutile pour mieux situer l'enjeu d'un débat sur la recette fiscale : le discuter serait renoncer à avoir des ambitions pour la Région. Ce n'est pas la perspective des socialistes, pour qui la rigueur de la gestion et l'ambition des objectifs doivent aller de pair (le président, SP consacrée au vote du budget 1985).

1991-1992

Ici, la fiscalité n'a pas été soumise, comme dans beaucoup d'autres Régions, au « yo-yo » électoral : on a eu le courage de demander aux citoyens le prix des politiques régionales sans les renvoyer à plus tard (le président, SP consacrée au vote du budget 1993).

C'est vrai, l'effort fiscal demandé par la Région Limousin est important parce que nos bases sont inférieures à celles qu'elles sont dans un certain nombre de Régions ; mais il est vrai aussi que si nous sommes pour certains taux en tête, la moyenne d'augmentation de nos impôts pendant les six dernières années de notre dernière mandature a été égale à la moyenne des augmentations de l'ensemble des Régions (PS, SP consacrée au vote du CA 1991).

En six ans, le budget régional peut se prévaloir d'une progression importante des actions programmées. C'est la preuve d'un dynamisme de bon aloi, loin des chemins de la résignation. Confrontées à des besoins nouveaux et accrus des populations, les collectivités territoriales ont dû faire le choix de réduire parfois leurs interventions ou parfois augmenter la pression fiscale. Le Limousin n'a pas échappé à cette situation. Face à un potentiel parmi les plus faibles de France, face au désengagement de l'État, nous avons été contraints ces dernières années à augmenter la pression fiscale (PC, SP consacrée au vote du budget 1998).

2003-2004

Je vous propose une hausse très modérée (plus 1,8 %, après l'inflation) des taux de fiscalité directe et le maintien des tarifs de la fiscalité indirecte [...]. Cette augmentation représente 2,25 euros par foyer fiscal, moins d'un euro par habitant. Elle nous permet de ne pas dégrader nos soldes de gestion et de dégager un autofinancement équivalent à 2004 pour investir dans les infrastructures dont nous avons besoin. Et cela nous permet de faire face à nos dépenses récurrentes, d'assumer la gratuité des livres scolaires que nous avons instaurée pour nos lycéens, de financer des centaines d'emplois dans le secteur associatif. Cela, me semble-t-il, en vaut bien la peine (le président, SP consacrée au vote du budget 2004).

La fiscalité, c'est un débat important, légitime, je voudrais m'en tenir à une ou deux réflexions essentielles, fondamentales […]. L'augmentation des impôts directs qui nous est proposée relève, me semble-t-il, d'une attitude à la fois de prudence, prudence à l'égard du contexte économique, fiscal, national dans lequel nous baignons, mais aussi répond à une volonté d'offensive politique, notamment au plan social, correspondant aux engagements qui ont été approuvés, comme on le sait avec quelque élan, dans cette Région du Limousin, propositions de notre majorité que nous sommes aujourd'hui tenus de mettre en œuvre (PC, SP consacrée au vote du budget 2004).

Tableau n° 29 : Verbatim autour de l’association entre hausse de la fiscalité et interventionnisme politique en Limousin entre 1986 et 2004, source : Retranscriptions des débats en séance plénière en Limousin (1986-2004)

En Nord-Pas-de-Calais, la question fiscale a été très présente dans les discussions budgétaires qui se sont déroulées entre 1992-1998 lors du mandat dirigé par une présidente

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écologiste. Elles seront présentées dans une section spécifique de ce volet, dédiée à la gouvernance dans des majorités plurielles. Les débats que nous pouvons présenter ici sont notamment ceux qui se sont déroulés lors des séances plénières pré et post-électorales de 2003-2004.

Verbatim majorité Nord-Pas-de-Calais

2003-2004

Autant la Région doit être soucieuse de la manière dont elle gère les deniers publics, autant elle doit être capable de décider si, dans un certain nombre de domaines qui nous semblent aujourd’hui une nécessité ou une priorité, nous devons nous investir. C’est la “Région volonté” dont parle Daniel Percheron. La volonté, finalement, c’est la politique, c’est le refus du fatalisme, c’est aussi la construction de l’avenir (PS, SP consacrée au vote du budget 2004).

Deux mots sur la fiscalité enfin. Nous refusons de nous livrer au double langage pratiqué par ceux qui veulent moins d’impôt mais plus de service public. Pour nous, l’impôt n’est pas une maladie honteuse, c’est aussi et d’abord un outil de redistribution des richesses (Les Verts, SP consacrée au vote du budget 2004). C’est pourquoi nous devons avoir le courage et l’honnêteté d’expliquer que, dans un contexte politique d’abandon par le Gouvernement du principe de solidarité nationale, et tout en maîtrisant ses dépenses de fonctionnement, la Région n’a guère d’autre choix que d’entamer une réflexion sur la fiscalité si elle veut poursuivre son action, son ambition, et continuer à aller de l’avant (PS, SP consacrée au vote du budget 2004).

Je termine sur la fiscalité. Daniel Percheron vient de le dire, mais je veux le redire presque solennellement devant vous : notre fiscalité, notre décision fiscale pèsera sur les entreprises, point à la ligne (PS, SP consacrée au vote du budget 2004). Je dirais même que la fiscalité, c’est un outil de gauche, me semble-t-il, et que quand on plaide du 0 %, quelque part je trouve qu’on est en contradiction avec cette volonté de redistribution (Les Verts, SP consacrée au vote du budget 2004). Bien entendu, le Budget est un temps très fort de la vie démocratique et il a été dominé essentiellement par le débat fiscal [...]. Quant aux nouvelles priorités, qui sont au cœur du débat fiscal, je vous rappelle qu’elles sont à la fois le fruit de la situation régionale mais aussi de décisions d’urgence, de mouvements que nous n’avions pas maîtrisés avant l’été (le président, SP consacrée au vote du budget 2005).

Tableau n° 30 : Verbatim autour de l’association entre hausse de la fiscalité et interventionnisme politique en Calais en 2003-2004, source : Retranscriptions des débats en séance plénière en

Nord-Pas-de-Calais (2003-2004)

Enfin, le tableau ci-dessous présente les propos des groupes de gauche, situés dans l’opposition, en Région Alsace.

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Verbatim opposition alsacienne de gauche

1985-1986

L'Alsace semble être très fière de faire partie des Régions les moins endettées de France [...]. N'oublions pas que ce sont aussi les collectivités locales les moins endettées qui, faute de dynamisme, se meurent (PS, SP consacrée aux OB 1986).

1991-1992

Depuis le début, nous avons dit qu'il ne pouvait être question d'accepter pour la Région un rôle d'accompagnateur passif et sans ardeur. Cela implique nécessairement une pression fiscale à la mesure des enjeux (PS, SP consacrée aux OB de mars 1991).

Il y a eu un doublement de la contribution fiscale des Alsaciens pour le conseil régional. Ce doublement n'est ni inadmissible, ni scandaleux. La vraie question est celle du rapport qualité/prix. Car doubler la fiscalité pouvait se justifier avec une collectivité territoriale neuve qui cherche sa place (PS, SP consacrée au vote du budget 1992).

Il est certain que d'avoir une assemblée sans marge de manœuvre, c'est absurde ! Il faut qu'il y ait une marge de manœuvre. Pour cette marge de manœuvre, il faut une dose d'augmentation de la fiscalité, c'est indispensable […]. Il faut avoir le courage d'expliquer aux électeurs que les impôts directs vont augmenter (PS, SP consacrée aux OB 1993).

1997-1998 Cette Région est une Ferrari qui roule en première (PS, SP consacrée au vote du

budget 1998).

2003-2004

Le budget proposé n'est pas à la hauteur des défis auxquels l'Alsace est confrontée.

L'augmentation de la pression fiscale n'est pas significative […]. Le CESA69 interroge

le conseil régional pour savoir si les marges de manœuvre fiscales ne peuvent pas être exploitées plus efficacement pour accroître ses capacités d'autofinancement et éviter de faire peser sur les générations futures la charge du remboursement des emprunts contractés aujourd'hui (PS, SP consacrée au vote du budget 2004).

Tableau n° 31 : Verbatim autour de l’association entre hausse de la fiscalité et interventionnisme politique en Alsace en 2003-2004, source : Retranscriptions des débats en séance plénière en Alsace (1986-2004)

Les discours qui encadrent la fiscalité s’inscrivent dans un cadre cognitif plus global : celui des théories économiques de l’offre, qui privilégient une intervention minime de la puissance publique pour assurer le maintien de l’équilibre budgétaire, et celui des analyses néo-keynésiennes autour de la demande. L’analyse des verbatim des débats en séance plénière nous permet de fournir une réponse affirmative à notre première interrogation : la variable idéologique existe dans les finances locales et se mobilise, jusqu’en 2010, principalement autour de la fiscalité.

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1.2.1.2 Une variable insuffisante pour comprendre les logiques d’opposition

Cependant, elle ne suffit pas à comprendre la récurrence du clivage entre majorité et opposition en raison de deux éléments.

La faible pertinence de la fiscalité locale dans la démarcation partisane

L’analyse cognitive des politiques fiscales fait traditionnellement référence aux différentes fonctions de l’impôt, au degré de justice fiscale perçu par les citoyens, ainsi qu’aux aspects sociologiques du consentement à l’impôt70 (Lalumière et Demichel 1986 ; Leroy 2010 ; Leroy 2010 ; Théret 1991). Elle oppose le plus souvent une conception libérale marquée par la proportionnalité de l’impôt à une conception démocratique, qui s’exprime en termes de justice « redistributive » et de progressivité de l’impôt. Or deux phénomènes rendent difficile l’analyse de la fiscalité locale par cette démarcation partisane.

Le premier est le « brouillage » global de la frontière idéologique. À partir des années 1980, le tournant néolibéral d’une partie de la gauche conduit certains auteurs à étudier la politique fiscale selon la pluralité des néolibéralismes qui le constituent plutôt qu’à travers un clivage libéral (droite) / keynésien (gauche) (Théret 1991). Les fonctions sociologiques de l’impôt, les aspects de redistribution et de justice sociale sont moins prégnants sur l’agenda des décideurs politiques (Leroy 2007b), y compris dans le cas de l’impôt sur le revenu71. Dans son observation des politiques fiscales dans les années 1980, Bruno Théret soutient la thèse de la standardisation de la doctrine néolibérale, qu’il explique par la domination des représentations des énarques dans les idées partisanes (Théret 1991). Pour Marc Leroy, cette démonstration est incomplète car l’imparfaite corrélation gauche-droite sur la fiscalité est antérieure à la Ve République. Pour ce dernier, c’est plutôt le glissement de l’État fiscal à l’État-providence qui est responsable de l’évolution des déterminants de la politique fiscale. L’opposition keynésianisme-néolibéralisme de l’impôt est alors remplacée par l’attachement

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Des impôts « indolores » (fiscalité indirecte) aux « impôts-contraintes » (où le contribuable a le sentiment de ne pouvoir faire autrement que de payer) en passant par les impôts considérés comme légitimes (utilisés pour des dépenses d’intérêt collectif) et des « impôts-bénéfices » (où l’individu paye en fonction des biens et des