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5.3 Le fer dans les roches s´ edimentaires de VRR

5.3.2 Variabilit´ e du fer

Si en moyenne les abondances en fer des roches de VRR restent relativement similaires, la variabilit´e enregistr´ee par ChemCam augmente dans la partie sup´erieure de la ride avec des valeurs extrˆemes plus importantes. Cette variabilit´e est principalement associ´ee `aJura et `a la partie sup´erieure de Pettegrove Point (Figure 5.4.a). Le Tableau 5.2 r´esume les abondances moyennes observ´ees `a Blunts Point et dans les membres de VRR, ainsi que leurs ´ecarts type. Nous constatons que l’´ecart type des abondances en fer enregistr´ees `a Pettegrove Point est ´equivalent `a 1.3 wt.% FeOT, et augmente `a Red Jura (1.7 wt.% FeOT) etGrey Jura(2.2 wt.% FeOT). Cette variabilit´e n’est pas un biais statistique car un nombre comparable de cibles a ´et´e analys´e dans les diff´erents membres de VRR (respectivement 797, 662, et 591 points d’observation).

Membre FeOT moyen (wt.%)

Blunts Point 20.2±1.5

Pettegrove Point 21.0±1.3

Red Jura 20.9±1.7

Grey Jura 21.7±2.2

VRR 21.2±1.8

Tableau 5.2 – Abondance moyenne et ´ecart type mesur´es dans les roches s´edimentaires deBlunts Point

(n=627),Pettegrove Point (n=797),Red Jura (n=662),Grey Jura (n=591), et l’ensemble de VRR.

Une augmentation de la taille des grains serait une hypoth`ese possible permettant d’expliquer l’augmentation de la dispersion des mesures ChemCam. Plus la taille des particules augmente et moins il y a d’effet de m´elange `a l’´echelle d’analyse du faisceau LIBS, ce qui produit une augmentation de la variabilit´e point `a point. Cette observation est d´eriv´ee des exp´eriences de laboratoire du chapitre 3. Cela pourrait s’appliquer `aGrey Jura o`u des particules d’h´ematite grise (>10µm) seraient pr´esentes comme le sugg`erent les donn´ees de r´eflectance multispectrales MastCam (Horganet al., 2020; Jacobet al., 2020) et les spectres passifs ChemCam (L’Haridonet al., 2020). Une variation globale de la taille des grains est ´

egalement attendue dans la partie sup´erieure de VRR d’apr`es les observations MAHLI, qui enregistrent une plus grande abondance desandstones `a grain fin `aJura d’apr`es cet instrument (en comparaison des

mudstones dePettegrove Point).

Cette variabilit´e des abondances en fer est ´egalement observ´ee dans l’histogramme de la Fi-gure 5.4.b, o`u les roches de VRR, et plus particuli`erement les roches grises deJura, montrent un nombre relativement important de cibles avec des abondances comprises entre 22 et 28 wt.% FeOT. En revanche, tr`es peu de roches pr´e-VRR `aBlunts Point dans cette gamme de composition sont observ´ees. Au total, presque 10% des points d’observation ChemCam (202 sur 2050) `a VRR montrent une abondance en fer

sup´erieure `a 23.5 wt.% FeOT. Ce seuil `a 23.5 wt.% FeOT est d´efini comme la teneur moyenne en fer `a VRR, plus le niveau critique Lc de notre mod`ele. Pour rappel, la Lc correspond `a la concentration nette r´eelle la plus faible en fer qui peut ˆetre d´etect´ee de mani`ere fiable par rapport `a un niveau de r´ef´erence en consid´erant les faux positifs (Currie, 1968, 1999). Celle-ci a ´et´e d´efinie pour un exc`es de fer `a partir de nos m´elanges exp´erimentaux (cf. section 4.5.8). Un plus grand nombre de points au-dessus de ce seuil est enregistr´e `aGrey Jura (19.9%, 118 sur 591) compar´e `a Red Jura (5.9%, 39 sur 662) et Pettegrove Point

(5.6%, 45 sur 797). Pour comparaison, seulement 2% (13 sur 627) des points d’observation ChemCam dans les terrains pr´e-VRR `a Blunts Point pr´esentent des concentrations en fer au-dessus de ce seuil. De plus, 9 sur 13 de ces points sont localis´es dans la mˆeme cible pr`es de la base de VRR.

Les s´equences d’analyse ChemCam (raster) comprennent un ensemble de points d’observation, en g´en´eral compris entre 5 et 10, d’un espacement de l’ordre du millim`etre. Une augmentation de la taille des phases riches en fer est suppos´ee produire une augmentation de la variabilit´e de l’abondance en fer `a l’int´erieur d’une mˆeme s´equence d’analyse. En effet, des grains grossiers de mˆeme nature ne peuvent ˆetre statistiquement analys´es par tous les points de la s´equence suivant la mˆeme proportion de m´elange avec la matrice. En consid´erant uniquement les roches pour lesquelles au moins 5 points d’analyse ont ´et´e effectu´es (apr`es retrait des points localis´es sur des figures diag´en´etiques ou des sols pr´esents dans la s´equence), nous remarquons que ∼66% de l’ensemble des points riches en fer, i.e. sup´erieurs `a 23.5 wt.% FeOT, sont rencontr´es dans des roches pr´esentant au moins la moiti´e de leurs points au-dessus de cette valeur. Autrement dit, les enrichissements en fer ne correspondent pas `a des points distribu´es al´eatoirement, mais les abondances en fer sont spatialement coh´erentes, avec des cibles globalement enrichies en fer et d’autres non.

Figure 5.5 – Image contextuelle RMI (ChemCam) de la cible Beinn Dearg Mhor (sol 2008), et loca-lisation des 10 points d’observation. Le num´ero de tir en fonction de la somme des oxydes majeurs* SiO2+TiO2+Al2O3+MgO+CaO+Na2O+K2O (en wt.%) est ´egalement repr´esent´e, ainsi que ces mˆemes points d’observation en fonction de la concentration en fer mesur´ee par notre mod`ele (en wt.%). Les 10 points de la cible montrent une certaine homog´en´eit´e avec des abondances en fer relativement ´elev´ees.

Un exemple de cette homog´en´eit´e est illustr´e par la Figure 5.5, qui montre les observations r´ealis´ees sur la cible Beinn Dearg Mhor (sol 2008). Sur cette cible, les concentrations en fer relativement importantes sont globalement constantes pour les 10 points d’observation (σ=0.50). Une bonne

anti-corr´elation est par ailleurs observ´ee avec la somme des autres ´el´ements majeurs. L’abondance la plus ´

elev´ee enregistr´ee dans une roche VRR correspond `a la cible Klipfonteinheuwel ccam (sol 1884) avec une moyenne de 26.6±0.85 wt.% FeOT, sur les 7 points d’analyse. Par cons´equent, comme la variabilit´e en fer est principalement observ´ee entre diff´erentes cibles et dans une moindre mesure dans une mˆeme s´equence de points d’analyse, nous pouvons consid´erer que des variations globales de composition des roches se superposent aux effets mineurs de variation de taille des grains dans les mesures ChemCam. La forte variabilit´e observ´ee sur la Figure 5.4.a dans la partie sup´erieure de VRR, traduit ainsi une variabilit´e inters´equentielle (li´ee `a des variations de composition globale des roches) combin´ee `a une variabilit´e in-tras´equentielle mineure (li´ee `a la taille des particules).

Si les roches riches en fer semblent pr´esenter une certaine homog´en´eit´e de composition, elles sont ´

egalement regroup´ees pr´ef´erentiellement dans certaines localit´es. La Figure 5.6 repr´esente une mosa¨ıque HiRISE de VRR (0.25 m.pixel1; Calef et Parker, 2016), sur laquelle la traverse du rover est visible. Celui-ci est entr´e sur la ride par le nord pour ressortir en direction de l’est. L’abondance moyenne en fer pour chaque cible ChemCam contenant au moins 5 points d’analyse est repr´esent´ee sur cette carte. Une zone o`u la concentration en fer apparaˆıt plus importante est localis´ee dans la partie sud-ouest de la traverse. Une zone plus r´eduite mais semblant ´egalement pr´esenter quelques enrichissements apparaˆıt aussi dans la partie nord-est (en particulier `a la limite entre Pettegrove Point et Jura). Des variations plus locales sont ´egalement observ´ees tout le long de la traverse. Dans les roches riches en fer, aucun nodule diag´en´etique n’a ´et´e observ´e dans les images RMI. De plus, les zones riches en fer ne montrent pas de corr´elation avec les zones o`u ces nodules ont ´et´e rencontr´es (fl`eches jaunes sur la Figure 5.6), ce qui permet d’exclure un enrichissement li´e exclusivement `a une contamination de nos points d’analyse par ces figures diag´en´etiques riches en fer. La stratification s´edimentaire de la ride est proche du plan horizontal (Edgar et al., 2020), par cons´equent les variations en fer ne semblent pas suivre cette stratigraphie car des variations lat´erales sont ´egalement observ´ees.

Les donn´ees APXS montrent ´egalement que la composition en fer des roches de VRR est en moyenne globalement assez similaire aux roches des terrains pr´e-VRR (Thompson et al., 2020). Elles r´ev`elent ´egalement que les roches de VRR (∼60 m en ´el´evation) pr´esentent autant de variabilit´e en fer que l’ensemble du reste de la formation deMurray(∼250 m en ´el´evation). Plusieurs cibles APXS ont enre-gistr´e des concentrations sup´erieures `a la moyenne avec 23-26 wt.% FeOT principalement dansPettegrove Point (Thompsonet al., 2020). `A noter cependant que pour APXS, une tendance d´ecroissante de l’abon-dance en fer est observ´ee `aJura, ce qui n’est pas le cas avec les donn´ees ChemCam (quel que soit le mod`ele de quantification du fer). Cette diff´erence pourrait s’expliquer en partie par un ´echantillonnage diff´erent entre les deux instruments (161 cibles pour APXS contre 371 pour ChemCam), ou `a une diff´erence du champ d’analyse (350-550µm pour ChemCam, Mauriceet al., 2012 ; 1.6 cm pour APXS, Campbellet al., 2012) qui rend la contamination par des figures diag´en´etiques (concr´etions ou veines de sulfate de cal-cium et poussi`eres) plus importante pour APXS. Bien que des corrections soient appliqu´ees (Schmidt

et al., 2018), celles-ci peuvent introduire des biais. Comme discut´e dans la section 4.6.1.3, ChemCam est moins sensible `a ces contributions du fait de sa plus faible taille d’analyse, d’une bonne documentation des zones analys´ees grˆace aux images RMI et de l’onde de choc du laser qui disperse la poussi`ere apr`es plusieurs tirs. Sur le site de forage deStoer par exemple, APXS enregistre une importante variation entre la mesure faite sur la roche bross´ee avec l’instrument DRT (Dust Remove Tool) et la poudre issue de ce mˆeme forage avec respectivement 18 wt.% FeOT et 22 wt.% FeOT (Thompsonet al., 2020).

Figure 5.6 – Abondance moyenne en fer d’apr`es ChemCam dans les roches s´edimentaires (minimum 5 points d’observation par cible) observ´ee le long de la traverse du rover `a VRR. Le fond de carte correspond `a une mosa¨ıque HiRISE (d’apr`es Calef et Parker, 2016). Le code couleur indique des variations de concentrations en fer, depuis de faibles valeurs (en bleu) vers de hautes concentrations (en rouge). Les fl`eches jaunes correspondent aux localit´es o`u les figures diag´en´etiques riches en fer de Jura ont ´et´e observ´ees. Les fl`eches plus grosses correspondent aux sites d’´echantillonnages de CheMin.

Par ailleurs, plusieurs analyses ont ´et´e effectu´ees avec l’instrument DAN (Dynamic of Albedo Neutrons; Litvak et al., 2008) `a VRR. Cet instrument est sensible `a l’hydrog`ene ainsi qu’aux ´el´ements absorbeurs de neutrons. La r´esolution spatiale de cet instrument est moins importante que ChemCam ou mˆeme qu’APXS, avec une surface de mesure de l’ordre de ∼1 m et une profondeur d’analyse de

∼45-75 cm (Gabriel et al., 2018). Parmi les 16 zones de mesure le long de la ride, une augmentation de la variabilit´e de concentration des ´el´ements absorbeurs de neutrons est enregistr´ee par l’instrument dans la partie sup´erieure de VRR, principalement `a Jura. Sur Mars, les ´el´ements absorbeurs de neutrons sont essentiellement le fer et le chlore (Hardgrove et al., 2011), bien que d’autres ´el´ements (Ni, Ti, Mn) puissent contribuer `a cette absorption (Fraeman et al., 2020a). En effet, la seule contribution du fer comme ´el´ement absorbeur reviendrait `a une variation absolue de l’ordre de∼25 wt.% FeOT `aJura pour expliquer les r´esultats DAN (Fraemanet al., 2020a). Une telle variation de l’abondance en fer repr´esente plus du double de la variabilit´e observ´ee dans les donn´ees ChemCam et APXS (Thompsonet al., 2020). En cons´equence, le fer n’est pas responsable `a lui seul de la variabilit´e observ´ee dans les mesures DAN mais pourrait tout de mˆeme y contribuer fortement, et ainsi ˆetre compatible avec nos propres observations de variabilit´e en fer.