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5.4.1 Origine de la variabilit´e en fer `a VRR : un processus diag´en´etique

La composition chimique des roches s´edimentaires peut ˆetre influenc´ee par diff´erents facteurs. Une fluctuation des sources `a l’origine des s´ediments par exemple peut conduire `a des changements de composition (e.g., Harrold et Moore, 1975; Girty et al., 1988; Johnsson, 1990). L’´etude de Cousinet al.

(2017b) a identifi´e au moins 5 types de roches ign´ees diff´erents dans le crat`ereGale`a partir defloat rocks

dont l’origine est incertaine, qui correspondent `a autant de sources s´edimentaires diff´erentes possibles, bien que les s´ediments dans leur ensemble proviennent des flancs du crat`ere (Grotzingeret al., 2014). De la mˆeme mani`ere, Mangoldet al.(2016b) d´eterminent la pr´esence de plusieurs r´egions sources `a l’origine des conglom´erats identifi´es dans la r´egion de Bradbury (incluant les formations de Yellowknife Bay et

Kimberley). Une variation de degr´e d’alt´eration chimique (variation du rapport eau/roche) durant le transport et le d´epˆot des s´ediments (e.g., Suttneret al., 1981; Mangoldet al., 2019), ou un tri physique suivant la taille des particules (e.g., Johnssonet al., 1991) influencent ´egalement la composition des roches s´edimentaires. Finalement, les conditions du d´epˆot (e.g., pH et redox du lac du crat`ere) et de la diag´en`ese (e.g., Boles, 1984; Bjørlykkeet al., 1992; Hurowitzet al., 2017) sont ´egalement des param`etres importants. Dans le cas d’une s´edimentation dans un lac avec un niveau stable comme il a ´et´e propos´e pour les d´epˆots s´edimentaires de Murray (Fedo et al., 2019), tous ces processus sont susceptibles de produire des variations de composition chimique. Cependant, except´e pour les ´episodes diag´en´etiques, de tels processus sont suppos´es produire des variations chimiques en lien avec la stratigraphie. Mais les enrichissements en fer observ´es `a VRR ne sont pas coh´erents avec la stratigraphie puisque des variations lat´erales de composition sont pr´esentes. En cons´equence, mˆeme si une partie des phases min´erales riches en fer peuvent ˆetre d´etritiques ou authig´eniques et form´ees par pr´ecipitation directe depuis les eaux du lac, des fluides diag´en´etiques sont n´ecessaires pour former une telle variabilit´e en fer. En effet, durant la diag´en`ese, l’abondance du fer peut changer (augmenter ou d´ecroˆıtre), et le fer peut ´egalement changer d’´etat de valence (2+ ou 3+), ce qui contrˆole sa mobilit´e (e.g., M¨ucke, 1994; Vigliottiet al., 1999; Bowen

et al., 2008). Par cons´equent, l’augmentation de la variabilit´e dans les roches de la partie sup´erieure de VRR pourrait indiquer que cette zone a subi une alt´eration plus avanc´ee et/ou avec des fluides diff´erents du reste de la ride.

5.4.2 Origine de la variabilit´e en fer `a VRR : un processus redox

Nous avons montr´e que les points d’observation ChemCam montrant une augmentation de la concentration en fer n’´etaient pas al´eatoirement distribu´es dans l’espace. Par cons´equent, ils ne corres-pondent pas `a l’analyse ponctuelle de phases plus grossi`eres, mais `a des roches qui sont plus enrichies en fer dans leur ensemble. Cette propri´et´e est mise au jour car les points d’observation enrichis en fer sont majoritairement pr´esents dans les mˆemes s´equences de points d’analyse (cf. section 5.3.2). Par cons´equent, l’abondance en fer pour ces roches peut ˆetre consid´er´ee comme repr´esentative d’une composition globale.

Pour mobiliser et transporter du fer d’un point `a un autre, la forme r´eduite divalente du fer est n´ecessaire car le fer dans son ´etat trivalent est insoluble, ou soluble uniquement `a tr`es faible pH (e.g., Cornell et Schwertmann, 2003). Si la source de fer est uniquement pourvue par l’alt´eration de phases d´ej`a sous forme r´eduite Fe2+, c’est-`a-dire par alt´eration de min´eraux ign´es tels que les olivines et les pyrox`enes, ou de magn´etite, alors un gradient d’acidit´e dans des eaux anoxiques peut ˆetre suffisant pour guider son transport et son d´epˆot. `AGale, la pr´esence de fluides anoxiques riches en Fe2+ dissous a d´ej`a ´

et´e propos´ee notamment dans le mod`ele de lac stratifi´e d’Hurowitzet al.(2017). Le changement d’acidit´e vers des conditions plus alcalines pourrait ˆetre le r´esultat d’interactions entre l’encaissant et le fluide acide qui percole `a travers les roches et perd des ions H+ : par exemple la dissolution de silicates et la formation de phyllosilicates consomment des ions H+ (e.g., Mukherjee, 2013) ; et/ou li´e `a une recharge de nappe avec une eau `a pH plus ´elev´e.

En revanche, pour mobiliser le fer 3+ `a partir de phyllosilicates diocta´edriques ou d’oxydes ferriques par exemple, la pr´esence de fluide r´educteur est n´ecessaire pour r´eduire le fer sous forme 2+ et permettre son d´eplacement. En effet, des gradients de potentiel d’oxydor´eduction peuvent entraˆıner un transfert de masse et conduire `a des r´eactions qui pourraient pr´ecipiter et accumuler des oxydes de fer. Le fer ferrique pourrait, `a la suite de sa r´eduction et de sa mobilisation dans des fluides l´eg`erement r´educteurs, ˆ

etre transf´er´e vers des zones plus oxydantes de recristallisation pr´ef´erentielle en tant que min´eraux fer-riques (apr`es oxydation). Ce mod`ele est sensiblement analogue au m´ecanisme de formation des concr´etions d’h´ematite observ´ees dans les roches s´edimentaires Navajo sur Terre (Chanet al., 2004, 2005). Cepen-dant, le processus serait moins pouss´e `a VRR car il n’aboutit pas `a la formation de sph´erules d’h´ematite de taille submillim´etrique. Les deux ´echantillons issus des forages de Jura contiennent ´egalement des sulfures d’apr`es les analyses EGA de SAM (Wong et al., 2020), contrairement au membre sous-jacent de Pettegrove Point. Cette observation est coh´erente avec la pr´esence de fluides d’alt´eration r´educteurs capables de r´eduire des sulfates, bien que ces min´eraux puissent ´egalement ˆetre d´etritiques.

Les deux types de fluides cit´es pr´ec´edemment (acide ou r´educteur) pourraient expliquer la mobilisation du fer. Cependant, une alt´eration acide ne permettrait pas d’expliquer la mobilisation pr´ef´erentielle du Fe par rapport `a tous les autres ´el´ements majeurs. En effet, nous avons montr´e que les augmentations de la concentration en fer observ´ees dans certaines roches de VRR ne sont pas as-soci´ees `a une variation des autres ´el´ements car ces derniers gardent globalement les mˆemes proportions relatives (cf. section 5.3.3.2). Cette observation est ´egalement valable pour les roches pr´esentant des ap-pauvrissements en fer. Ce r´esultat n’est pas compatible avec un sc´enario dans lequel l’augmentation en fer dans les roches est contrˆol´ee par un enrichissement passif durant l’alt´eration. En effet, l’existence de zones d’alt´eration o`u les ´el´ements solubles sont drain´es par les fluides en syst`eme ouvert, conduisant `a un enrichissement relatif des ´el´ements immobiles tels que le Fe3+, de mani`ere similaire au processus de formation de lat´erite de fer sur Terre (e.g., Schellmann, 1994), n’est pas une hypoth`ese pertinente pour la source de la variabilit´e du fer observ´ee dans les roches VRR. Dans un tel cas, les roches riches en Fe devraient ´egalement pr´esenter un enrichissement passif en d’autres ´el´ements insolubles comme Ti, Al

ou dans une moindre mesure Si, par rapport aux ´el´ements plus mobiles comme Ca, Mg, K ou Na (e.g., Brimhall et Dietrich, 1987; Eggleton et al., 1987), ce qui n’est pas observ´e. Par ailleurs, une mobilit´e du fer d´etermin´ee par les fluctuations des conditions d’acidit´e devrait pr´esenter une tendance similaire, avec un fractionnement des ´el´ements les plus mobiles (bien que la mobilit´e des ´el´ements soit ´egalement d´ependante de la min´eralogie impliqu´ee). Cependant, les ´el´ements Na, K, Ca et Mg ne montrent aucun fractionnement par rapport au Ti ou `a l’Al dans les roches pauvres et riches en Fe. Sur Terre par exemple, les t´ephras duMauna Kea alt´er´es par des fluides acides, contenant des sph´erules d’h´ematites, sont enri-chis en Al et P (et fortement appauvris en Si, Mg et Mn) par rapport au pr´ecurseur non alt´er´e (Morris

et al., 2005).

Par cons´equent, le sc´enario le plus probable correspond `a une variabilit´e en fer principalement contrˆol´ee par des m´ecanismes redox, qui affectent principalement les ´el´ements sensibles `a ces proces-sus, comme le fer. Dans un tel sc´enario, la variabilit´e de l’abondance du fer proviendrait d’un processus d’oxydor´eduction similaire `a celui qui a form´e les nodules diag´en´etiques et les halos blanchis (L’Haridon

et al., 2020), mais dans une dimension plus importante. Un fluide r´educteur a ´et´e mis en ´evidence par la pr´esence de ces halos blanchis fortement appauvris en fer `a Jura. Par cons´equent, la circulation d’un fluide de mˆeme nature n’est pas impossible `a l’´echelle de la ride.

Comme la variabilit´e du fer enregistr´ee dans les donn´ees de ChemCam est principalement observ´ee dans la partie sup´erieure de la ride, le processus redox que l’on suppose impliqu´e dans la mobilit´e du fer est probablement li´e `a l’´episode d’alt´eration qui a form´e le membre deJura. En raison de la proportion plus ´elev´ee de points d’observation ChemCam riches en fer dans les roches grises deJura

(19.9% contre 5.6% dans les roches rouges), nous concluons que la mobilit´e du fer a eu lieu principalement dans ces roches fonc´ees. Cependant, nous ne sommes pas en mesure de d´eterminer si la variabilit´e du fer observ´ee `a Red Jura est associ´ee au mˆeme ´ev´enement (avec une percolation limit´ee des fluides dans ces roches), ou si elle ´etait associ´ee `a un ´episode diag´en´etique distinct.

5.4.3 Distribution du mangan`ese

Ce sc´enario de mobilit´e du fer `a relativement grande ´echelle est ´egalement renforc´e par l’´etude de Frydenvang et al. (2020) sur la distribution du mangan`ese dans VRR par ChemCam. De la mˆeme mani`ere que le fer, cet ´el´ement est sensible aux processus redox (e.g., Cotton et al., 1988). Il poss`ede trois ´etats d’oxydation stables dans les phases min´erales (+2, +3 et +4) mais seulement un lorsqu’il est dissous dans l’eau (+2). Sur Terre par exemple, cette propri´et´e est responsable de la mobilit´e du Mn dans les s´ediments des fonds oc´eaniques ou des lacs. Durant la diag´en`ese pr´ecoce, `a l’interface entre les s´ediments et l’eau, les conditions r´eductrices du sous-sol dissolvent pr´ef´erentiellement le Mn, et celui-ci migre alors vers le haut, sur une distance de l’ordre de la dizaine de centim`etres (Lynn et Bonatti, 1965; Foneset al., 2004; Torreset al., 2014). Une fois au contact de l’eau plus oxydante, le Mn pr´ecipite sous la forme d’oxyde de mangan`ese. De la mˆeme mani`ere, dans les sols terrestres, des concr´etions et nodules de Fe et Mn peuvent se former par l’alternance de p´eriodes humides (o`u ces ´el´ements sont r´eduits et dispers´es dans la matrice), et de p´eriodes plus s`eches (o`u le sol s’oxyde, conduisant `a pr´ecipiter des concr´etions dans les pores ou sous forme de revˆetement de grains) (Aide, 2005; Lichtfouseet al., 2011).

A VRR, une importante variabilit´e de cet ´el´ement est enregistr´ee `a travers la ride. Certaines localit´es pr´esentes en particulier au d´ebut de la ride et dans Jura montrent une diminution importante de leur concentration en Mn, par rapport `a la partie sup´erieure dePettegrove Point (membre stratigra-phiquement inf´erieur `a Jura). Dans le premier membre de VRR, la teneur en Mn semble effectivement inhabituellement ´elev´ee, c’est-`a-dire∼2 fois plus importante que la concentration moyenne du reste de la