• Aucun résultat trouvé

3.6 Conclusion sur l’apport de l’étude de chroniques hydrodynamiques pour la com-

4.1.1 Variabilité spatio-temporelle de la conductivité électrique des eaux souterraines

L’étude géologique de l’aquifère karstique du Dogger sur le bassin versant de la Douix de Léry démontre la présence d’une distribution des porosités au sein de l’aquifère allant de la porosité matricielle à la porosité de conduits d’ordre métrique. Cette distribution de la porosité peut induire une distribution des vitesses de transfert des eaux souterraines au sein de l’aquifère. Dans cette partie, nous proposons de mettre en évidence la distribution des temps de résidence des eaux souterraines grâce à l’utilisation de différents traceurs géochimiques (conductivité électrique, éléments majeurs, δ18O, δ2H, δ13C et radon).

4.1.1 Variabilité spatio-temporelle de la conductivité électrique des eaux

souterraines

Variabilité spatiale de la conductivité électrique de l’eau et des ions majeurs

La variabilité de la conductivité électrique spécifique à 25°C des eaux souterraines est très importante sur le site d’étude allant de 0,370 à 2,550 mS/cm (figure 4.1). La conductivité électrique est organisée dans l’espace : les eaux souterraines les plus minéralisées se situent sous le centre du CEA ou à l’aval hydraulique du lieu de relargage des eaux usées de la station d’épuration (figure 4.1). Ces fortes valeurs sont induites par les activités industrielles du CEA. Les conductivités électriques les plus élevées sont systématiquement associées à de fortes teneurs en Na+et Cl-et à des rapports Br/Cl compris entre 10-4et 10-5correspondant au rapport Br/Cl de la halite. Ceci soutient l’hypothèse que les fortes conductivités électriques mises en évidence sur le site sont dues à des activités anthropiques, par exemple le salage des routes.

Pour les sources et forages qui ne sont pas influencés par les activités industrielles, la valeur moyenne de la conductivité électrique est de 0,465 mS/cm, valeur cohérente avec l’environne- ment carbonaté naturel (Ford & Williams, 1989). Elle varie entre 0,370 mS/cm pour le forage A2 et 0,583 mS/cm pour le forage B4. Dans un milieu carbonaté, la conductivité électrique est contrôlée principalement par l’équilibre calco-carbonique : une variabilité de la conductivité électrique est l’image des conditions d’équilibre de l’eau souterraine avec la roche encaissante différente.

Distribution de la fréquence de minéralisation

SelonBakalowicz(1979), les différentes modalités des distributions de fréquence de la conducti- vité électrique représentent différentes masses d’eaux distinctes géochimiquement. Leurs conduc- tivités électriques moyennes respectives dépendent de leur origine et de leurs temps de résidence.

Figure 4.1: Conductivité électrique des eaux souterraines lors de la campagne de prélèvements de juillet 2012 (hors pic de crue).

Figure 4.2: Distributions de fréquence de la conductivité électrique de l’eau souterraine. Les distributions de minéralisation au niveau de 3 sources et de 3 forages ont été représentées graphiquement (figure4.2) : les distributions de fréquence de la conductivité électrique de l’eau souterraine sont plurimodales : ceci démontre que les eaux souterraines sont composées de plu- sieurs masses d’eau dont les proportions varient au cours du temps. Le nombre de modalités et l’étalement des distributions des fréquences varient selon les ouvrages, soulignant une varia- bilité temporelle et spatiale des processus d’écoulement des eaux souterraines. L’étalement des distributions de fréquences est plus important sur les sources que sur les forages. Ceci met en évidence qu’au niveau des forages, le nombre de masses d’eau intervenant dans les écoulements souterraines est plus faible.

La conductivité électrique correspond à la minéralisation totale de l’eau souterraine, il s’agit d’un paramètre global de la composition géochimique, qui ne permet pas de déterminer l’origine des masses d’eau. Dans la suite de l’étude, la composition géochimique de l’eau souterraine sera prise en compte afin de mieux caractériser les différentes masses d’eau.

La conductivité électrique spécifique de l’eau souterraine varie selon les points de mesure et au cours du temps soulignant la présence de plusieurs masses d’eau au sein de l’aquifère dont les proportions relatives varient en fonction de l’ouvrage étudié.

4.1.2 Signatures isotopiques, δ

18

O et δ

2

H, des eaux souterraines :

variabilité saisonnière du gradient altitudinal

Les signatures isotopiques des sources varient en fonction de l’altitude des points de prélève- ments (figure4.3), notamment lors de la campagne de mars 2011 : plus la source échantillonnée se situe à faible altitude, plus sa signature isotopique est enrichie. Les sources situées en aval des bassins de la station d’épuration sortent du gradient altitudinal, soulignant l’impact non négligeable des rejets d’eaux usées sur la signature isotopique des eaux souterraines de ces sources (figure 4.3).

Figure 4.3: Signature isotopique des eaux souterraines des sources en fonction de l’altitude de celles-ci lors de deux campagnes de mesures, en mars 2011 et en juillet 2013. Le gradient altitudinal de la composition isotopique des eaux souterraines est l’image d’un gradient altitudinal dans les précipitations, mis en évidence par de nombreux auteurs (Fiedman et al. 1964 ; Vogel et al., 1975 ; Dincer et al, 1970 ; Celle et al. 2000) : la composition isotopique des précipitations est de plus en plus appauvrie en δ18O et δ2H quand l’altitude augmente, avec des gradients altitudinaux compris généralement entre -0,1 et -0,6 ‰/100m d’altitude en

δ18O et -1 et -4 ‰/100m en δ2H (IAEA, 2006). Différents processus sont à l’origine de cette variabilité : (1) la diminution de la température avec l’altitude, (2) l’enrichissement en δ18O et

δ2H par évaporation des gouttes de pluie au cours de leur chute dans l’atmosphère, qui est plus

importante à basses altitudes (Gat et Dansgaard, 1972), (3) une origine différente des masses d’eau à la base et au sommet des montagnes.

Le gradient altitudinal des sources évolue dans le temps. En effet, en mars 2011, le gradient altitudinal est plus marqué qu’en juillet 2013 (figure 4.3). En mars, le débit des sources est à son maximum. L’eau est probablement composée pour une part importante d’eau de recharge récente, la signature isotopique des eaux est alors fortement influencée par les eaux de pluie récentes : le gradient altitudinal des pluies est faiblement filtré par le système karstique et se retrouve dans les eaux souterraines. En juillet, le gradient altitudinal est moins marqué, la signature isotopique des eaux souterraines est moins organisée, ceci peut s’expliquer par la variation selon les sources des proportions de mélange entre les masses d’eau composant les eaux souterraines et souligne la variabilité de l’âge apparent des sources.

La variabilité temporelle du gradient altitudinal de la signature isotopique des eaux de sources met en évidence que les eaux souterraines correspondent à un mélange de masses d’eau dont les proportions respectives varient dans le temps et l’espace (fonction des sources et des saisons).