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1.1 Caractéristiques, fonctionnement et méthodes d’étude des aquifères karstiques

1.1.2 Fonctionnement des aquifères karstiques

1.1.2.1 Description et fonctionnement des différentes parties d’un aquifère karstique

Un aquifère se divise en deux grandes parties, la zone d’infiltration et la zone saturée. La zone d’infiltration correspond à la partie de l’aquifère où trois phases coexistent ; liquide, solide, gaz. La zone saturée ne comporte que deux phases : solide et liquide. Dans un système karstique, la zone d’infiltration est divisée en plusieurs sous-parties : le sol, l’épikarst et la zone de transition figure 1.2.

Figure 1.2: Les différentes zones constituant un système karstique (modifié depuis Jeannin and Grasso, 1995)

La zone d’infiltration

La zone d’infiltration peut également être appelée zone non saturée. Néanmoins, en raison de la présence d’un aquifère épikarstique perché, certains auteurs préfèrent utiliser le terme de zone d’infiltration (Bakalowicz,2005). La zone d’infiltration est composée du sol, de l’épikarst et de la zone de transition.

Le sol

Le sol correspond à la formation superficielle résultant de l’altération sur place des roches par l’eau, l’air et les êtres vivants, et de leur mélange à une proportion variable de matière organique (Foucault & Raoult,2005).

Ses propriétés et son rôle varient en fonction de sa nature et de son épaisseur :

-un sol imperméable concentre par ruissellement les eaux dans des conduits ou des zones plus perméables,

-un sol perméable favorise l’infiltration de l’eau sur toute sa surface.

L’humidité du sol module les vitesses et les quantités d’eau qui le traversent jusqu’à l’épikarst (Marsaud, 1996). Il est le siège de l’évapotranspiration.

L’épikarst ou aquifère épikarstique

L’épikarst correspond à la zone apicale des carbonates, située sous le sol. Il s’agit d’une zone où les calcaires sont fortement altérés et corrodés en raison de processus de gélifraction, de décompression mécanique des roches, de processus biochimiques qui participent à la dissolution des carbonates et à la présence de racines. L’altération augmente de façon exponentielle vers la surface (Perrin et al., 2003). L’épikarst est parfois considéré comme la “peau” du système karstique, car c’est la zone d’échange entre l’atmosphère et le système karstique (Williams, 2008). L’épikarst peut mesurer jusqu’à plusieurs mètres d’épaisseur et il est caractérisé par une forte porosité efficace(Klimchouk, 2004). Le contraste de perméabilité et de porosité entre l’épikarst et le reste de la zone d’infiltration permet le développement dans la zone basale de l’épikarst d’un aquifère perché parfois permanent et d’épaisseur variable, appelé aquifère épikarstique.

Différentes approches ont mis en évidence la présence des aquifères épikarstiques. Par modé- lisation numérique, Kiraly (1998) montre la nécessité mathématique de l’existence d’une zone proche de la surface qui concentre les infiltrations d’eau et les conduit vers le réseau karstique. Par suivi géochimique,Emblanch et al. (2003) s’appuient sur la signature du δ13C pour mettre en évidence la vidange d’une partie de la zone non saturée, celle-ci soutenant l’étiage. Par gravimétrie, Jacob et al. (2009) mettent en évidence la présence d’un épikarst et la variation saisonnière de sa saturation. Ces études soulignent la présence de deux types de transfert de l’épikarst vers la zone saturée, un transfert rapide à travers les conduits et une infiltration diffuse par percolation verticale de l’eau stockée à la base de l’épikarst.

En terme de morphologie la présence de l’épikarst est incontestable, cependant sa fonction, ses propriétés transmissives et capacitives, peuvent varier d’un aquifère à l’autre (Williams,2008). La plupart des études sur le fonctionnement de la zone épikarstique convergent. Le rôle princi- pal de l’épikarst est de concentrer les écoulements. Lors d’événements pluvieux, l’épikarst très

perméable absorbe immédiatement l’infiltration d’eau de surface. Une partie de l’infiltration est stockée dans la partie basale de l’épikarst et s’égoutte lentement vers les roches peu per- méables du karst (infiltration différée). Une seconde partie est transférée rapidement dans le réseau de conduits, soit en court-circutant l’épikarst par des discontinuités verticales ou sub- verticales soit par transferts horizontaux et débordement dans les conduits verticaux lorsque les infiltrations sont suffisantes (Jeannin, 1996; Puech & Jeannin, 1997; Bakalowicz, 2005). L’épikarst a la caractéristique de concentrer les écoulements rapides à l’image d’un entonnoir. Ainsi la composante latérale des écoulements est importante dans l’épikarst : l’eau stockée se déplace latéralement vers la fissure verticale la plus proche. Le stockage de l’eau dans l’épikarst dépend de l’épaisseur et de la continuité de l’épikarst, de la porosité et du ratio entre les flux entrants (pluie efficace) et sortants (percolation ou débordement). Il peut être très important et même prépondérant par rapport au stockage dans la zone saturée. La réserve épikarstique peut participer à l’écoulement tout au long de l’année, y compris en période d’étiage (Perrin et al., 2003).

L’épikarst joue un rôle important dans la géochimie de l’eau par l’intermédiaire de deux méca- nismes : la mise en solution du CO2 présent dans le sol et la concentration d’anions et cations météoriques par évaporation (Bakalowicz, 2005).

La zone de transition

La zone de transition connecte les formes superficielles de l’aquifère (sol ou épikarst) à la zone saturée par drainage, principalement verticale, dans des réseaux de conduits ou de fractures. Différents types d’écoulement peuvent avoir lieu :

- les écoulements lents qui s’effectuent dans des vides de petites tailles avec de fortes pertes de charge,

- les écoulements rapides, principalement par des fractures ou conduits verticaux ou subverti- caux ouverts.

Lors d’écoulements rapides, les eaux gardent quasiment intacte leur composition géochimique et leur pouvoir de dissolution (forte teneur en CO2 dissous) car elles transitent rapidement jusqu’à la zone saturée (Marsaud, 1996).

La zone saturée

La zone saturée est également appelée zone basale ou zone noyée. Cette zone est généralement divisée en deux parties : un réseau de conduits à forte perméabilité, siège de la fonction transmis- sive (Mangin,1975) et des volumes à faibles perméabilités. La circulation y est principalement sub-horizontale permettant le drainage de l’eau vers l’exutoire. La fonction de stockage de la zone saturée quant à elle reste en questionnement. Différents modèles existent :

- l’eau est stockée dans la matrice ou les fractures. Dans ce modèle, l’aquifère est vu comme un ensemble de blocs séparés par des conduits. SelonDrogue(1974),Mudry(1990) etKiraly(1998),

ce modèle suppose que la zone saturée est hydrauliquement continue avec une perméabilité relativement faible,

- l’eau est stockée dans des vides karstiques connectés entre eux par des zones à forte perte de

charge. Selon Mangin (1994), le fort contraste de la perméabilité entre matrice et conduit est

responsable de l’absence d’échange et rend négligeable le stockage dans la matrice. Ainsi, la zone saturée est hydrauliquement discontinue,

- le stockage dans la zone saturée n’existe pas. Les réseaux karstiques drainent l’eau souterraine depuis la zone non saturée. Dans ce modèle, l’épikarst qui peut être saturé en partie, joue un rôle important.

1.1.2.2 Schémas conceptuels des aquifères karstiques

Les aquifères karstiques sont composés de différentes parties qui ont des structures et des fonc- tionnements variés. Les caractéristiques de l’écoulement des eaux dans le milieu souterrain (temps de résidence, géochimie, vitesse de transfert) résultent de l’intégration des processus hydrodynamiques qui ont lieu dans chacune de ces parties mais également des relations struc- turelles et fonctionnelles qui les relient. De nombreux auteurs construisent à partir de l’inter- prétation des résultats et des modélisations, des schémas conceptuels du fonctionnement des aquifères karstiques dans son ensemble. Quelques exemples sont présentés en figure1.3.

Chacun de ces schémas conceptuels souligne un point caractéristique des aquifères karstiques, leur dualité, qui est une conséquence directe de la structure (Kiraly,1998) et qui se retrouve à différents stades de l’aquifère :

- dualité des processus d’infiltration : infiltration diffuse ou lente dans le volume de faible per- méabilité, infiltration concentrée ou rapide dans le réseau de conduits,

- dualité des conditions d’écoulement : débits diffus depuis les volumes à faible perméabilité et concentrés dans les réseaux de conduits.