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1.1 Caractéristiques, fonctionnement et méthodes d’étude des aquifères karstiques

1.1.3 Méthodes d’étude des systèmes karstiques

1.1.3.2 Etude de chroniques de sortie (débit, niveau piézométrique)

Les analyses statistiques de séries temporelles permettent d’étudier les relations qui existent entre deux chroniques. Elles sont classiquement utilisées dans le cadre d’étude des systèmes karstiques entre une chronique d’entrée du système, par exemple la pluie et une chronique qui correspond à la sortie du système, par exemple le débit de source. Les relations de causalité qui existent entre ces deux signaux peuvent fournir des informations sur le fonctionnement et la structure de l’aquifère.

Les analyses corrélatoires et spectrales reposent sur l’approche fonctionnelle développée par Mangin(1975) et s’appuient principalement sur les outils d’analyses statistiques de séries chro- nologiques développés parJenkins & Watts(1968) etBox et al. (1994). Les chroniques peuvent être traitées soit en analyse simple signifiant que l’on étudie une seule chronique soit en ana- lyse croisée qui permet d’étudier les relations existantes entre deux chroniques. Ces différentes analyses peuvent être réalisées soit dans le domaine temporel (analyse corrélatoire) soit dans le domaine fréquentiel (analyse spectrale). Une description détaillée de certaines méthodes sta- tistiques est présentée dans la section “Matériel et Méthodes”.

L’origine de cette approche repose sur le fait qu’un système possède un comportement de filtre. La structure du filtre imprègne la fonction de sortie du système. L’étude des fonctions d’entrée, de sortie et de leur relation fournit des informations sur les caractéristiques du filtre et donc du système.

Mangin (1975) a été le précurseur de l’adaptation de ces méthodes statistiques à l’étude des milieux karstiques. Il compare principalement les précipitations en signal d’entrée et les débits de source en sortie, obtenant ainsi des informations sur la totalité du système. Depuis, ces méthodes ont été adaptées à d’autres types de chroniques. Utilisées sur des chroniques pié- zométriques, elles fournissent des informations en différents points de l’aquifère et permettent d’évaluer le rôle de l’épikarst (Larocque et al.,1998). A partir de chroniques piézométriques, les marées terrestres peuvent être mises en évidence et permettent de déterminer l’emmagasine- ment spécifique et la porosité totale au voisinage du piézomètreLarocque et al.(1998). Certains

auteurs proposent d’étudier le transport de masse au sein de l’aquifère à partir d’analyses cor- rélatoires et spectrales effectuées sur des chroniques de conductivité électrique (Hanin, 2010; Larocque,1997;Bailly-Comte et al.,2011), de turbidité (Bouchaou et al.,2002;Amraoui et al., 2003; Massei et al., 2006; Bailly-Comte et al., 2011) et de température (Bailly-Comte et al., 2011). A partir de ces analyses, on peut déduire certains processus hydrogéologiques qui ont lieu au sein de l’aquifère comme des arrivées rapides d’eau de surface (Hanin,2010), et estimer des temps de résidence moyens (Bailly-Comte et al., 2011). La taille des chroniques sur les- quelles les analyses corrélatoires et spectrales sont appliquées varie selon les objectifs : plusieurs dizaines d’années (Andreo et al., 2006), un cycle hydrologique (Angelini, 1997; Hanin, 2010), quelques mois (Larocque,1997; Valdes, 2005;Lee et al.,2006; Valdes et al.,2006) ou quelques jours (Bailly-Comte et al., 2011). Jemcov & Petric (2009) proposent d’utiliser les infiltrations efficaces en entrée. Une meilleure corrélation est alors obtenue par rapport aux précipitations brutes, notamment pour les sites où l’infiltration lente domine et où l’interception de la pluie par les végétaux est plus importante. Les analyses corrélatoires et spectrales sont également utilisées pour valider des modèles numériques en comparant les corrélations croisées calculées à partir des données simulées et observées (Jukić & Denić-Jukić,2004;Larocque et al.,2000). La comparaison de modèles numériques et statistiques permet de s’interroger sur la validité de certaines interprétations des analyses corrélatoires et spectrales. Ainsi, Eisenlohr et al. (1997) montrent que l’interprétation de l’autocorrélation ne dépend pas uniquement de la densité de drainage et de la taille des réserves mais aussi du climat, de la fréquence des événements pluvieux, de la distribution spatiale des pluies et des mécanismes d’infiltration dans le karst. Pulido-Bosch et al. (1995) montrent qu’une inflexion dans la courbe d’autocorrélation n’est pas liée obligatoirement à un changement du type d’écoulement mis en jeu, mais par exemple peut être induite par la présence de neige. Ainsi, l’interprétation des analyses corrélatoires et spectrales doit être réalisée avec prudence et en cohérence avec le système étudié.

De nouvelles méthodes statistiques se développent depuis les années 2000. Par exemple, la réalisation d’analyse partielle, proposé par Jukić & Denić-Jukić(2011), cette méthode permet de séparer les effets de l’évapotranspiration du fonctionnement de l’épikarst. Les ondelettes (Labat et al., 2000) permettent de détecter des structures spatiales et temporelles et donnent ainsi des informations sur la variation du contenu fréquentiel des signaux dans le temps.

Décomposition des courbes de récession

L’étude de courbes de récession fournit des informations sur la structure et le fonctionnement d’un aquifère, plus particulièrement sur les paramètres hydrodynamiques tels que la perméa- bilité et le coefficient d’emmagasinement. La courbe de récession des sources est l’image de la vidange de l’aquifère. Elle est habituellement séparée en deux parties, une première partie “flood recession” , influencée par les flux rapides et une seconde partie “baseflow recession” qui correspond à la vidange hors pic de crue (figure 1.4).

Figure 1.4: Schéma de l’hydrogramme d’une source (Kovacs et al., 2008)

Cette méthode repose sur les travaux de Maillet (1905) qui démontre que la forme globale de la récession peut être représentée par une courbe exponentielle. Les différences observées d’une source à une autre sont liées aux propriétés hydrodynamiques de l’aquifère telles que la conductivité hydraulique, le coefficient d’emmagasinement et le gradient hydraulique. Maillet (1905) approxime la courbe de récession en utilisant un modèle analogue à celui d’un réservoir qui se vidange à travers un bouchon poreux (figure 1.5).

Pour les systèmes karstiques, Mangin (1970) propose un modèle conceptuel en posant l’hypo- thèse qu’un tel aquifère est représenté par deux “réservoirs” successifs : (i) une composante linéaire représentée par l’équation de Maillet (1905) correspondant à la vidange de la zone sa- turée et (ii) un réservoir non linéaire représentant les flux dans la zone non saturée (figure1.5). Cette méthode permet d’estimer les parts de transfert rapide et lent grâce à plusieurs para- mètres comme le volume dynamique qui correspond au volume en mouvement dans le réservoir et qui intègre donc une partie des volumes de réserves située sous le niveau d’exutoire (Man- gin, 1970; Marsaud, 1996). Shevenell (1996) propose d’adapter les modèles pour l’analyse des courbes de récession des niveaux piézométriques afin de calculer le rendement spécifique de chaque volume de l’aquifère (conduit, fracture, karst) et leur transmissivité respective.

De nombreux travaux ont été développés en complexifiant les modèles afin de mieux les ajuster aux chroniques mesurées. Ces modèles reposent principalement sur des relations empiriques ou sur les équations de la diffusion ou des approximations de celles-ci (Dewandel et al., 2003). Dewandel et al.(2003) passent en revue une liste de méthodes d’analyse des courbes de récession. Certains modèles s’appuient sur une succession de réservoir, type Maillet pour caractériser la totalité de la courbe de récession. Chaque réservoir est caractérisé par un coefficient de récession. Dans un premier temps, les coefficients de récession ont été interprétés comme l’image de la perméabilité du réservoir représenté (Schoeller,1965). Cette hypothèse a été remise en cause par Kovács & Perrochet (2008) qui ont démontré analytiquement que des hydrogrammes simulés

Figure 1.5: Présentation du modèle de Mangin (1970). Le modèle est constitué de deux réser- voirs indépendants, un représentant la zone noyée et l’autre la zone d’infiltration. Le réservoir représentant la zone noyée est décrit par le modèle de Maillet. Celui représentant la zone d’infiltration a été établi empiriquement (α est le coefficient de tarissement, q0 est le débit d’infiltration à l’instant t0,ǫ le coefficient d’hétéro- généité d’écoulement et η le coefficient de vitesse d’infiltration) (modifié à partir de Marsaud, 1997).

avec des réservoirs individuels homogènes peuvent être décomposés en trois ou plus de trois composantes.Birk & Hergarten(2010) représentent les deux parties de la courbe de récession à partir de solutions analytiques 2D de modèles à géométries simples. Ils montrent que la première partie de la récession n’est pas une fonction exponentielle mais correspond à une loi puissance décroissante qui dépend des conditions initiales, illustrant la nécessité de prendre en compte de nouvelles composantes comme les infiltrations dans la zone non saturée, le stockage dans les conduits, etc...