• Aucun résultat trouvé

1.1 Caractéristiques, fonctionnement et méthodes d’étude des aquifères karstiques

1.1.1 Caractéristiques des aquifères karstiques

Les aquifères se différencient des aquifères poreux et fracturés par l’existence de conduits kars- tiques ou/et de rivières souterraines (figure 1.1) qui sont la conséquence de la dissolution des carbonates (processus de karstification). Ceci induit la coexistence de trois types de porosité : matricielle, de fractures et de conduits au sein de ce type d’aquifère.

Figure 1.1: Schéma d’un aquifère karstique. Un aquifère karstique se différencie des aquifères fracturés ou poreux par la présence de conduits ouverts ou de rivières souterraines qui induisent des vitesses de transfert potentiellement très rapides (Bakalowicz, 2003).

1.1.1.1 Les processus de karstification

La karstification est responsable de la formation de vides, parfois de grandes dimensions, qui modifient profondément les caractéristiques initiales de la roche. Il s’agit d’un processus évolutif d’érosion physico-chimique des formations carbonatées qui élargit les vides originels et établit progressivement une structure de drainage organisée. A l’échelle des temps géologiques, la dissolution des carbonates est un processus rapide qui induit des changements significatifs en quelques milliers d’années (White, 2002).

Le potentiel de karstification est tributaire de l’écoulement souterrain (fonction de la mor- phologie et du gradient hydraulique) et du pouvoir de dissolution de l’eau (fonction du CO2 dissous). La solubilité des carbonates dans l’eau pure est très faible (produit de solubilité Kcalcite=3,8.10-9). C’est l’augmentation de la teneur en CO2 de l’eau qui élève considérablement la solubilité de la roche (tableau 1.1) (Dreybrodt, 1996). Le CO2 est principalement d’origine pédologique (respiration racinaire, dégradation de la matière organique du sol par l’activité biologique et bactériologique), parfois d’origine profonde ou volcanique.

La dissolution du CO2 dans l’eau apporte des ions H+qui l’acidifient (équation 1.1), c’est le processus de conversion du CO2 (Langmuir,1997) :

CO2gaz + H2O ⇐⇒(CO2,H2O) ⇐⇒ H++ HCO

3 (1.1)

La réaction de dissolution des carbonates, réaction triphasique (roche carbonatée, eau et CO2) est un ensemble d’équilibres réversibles, l’équation générale est la suivante :

CO2+ H2O+ MeCO3 ⇐⇒2(HCO

3) + Me2+ (1.2)

où Me2+représente un cation bivalent : Ca2+ ou Mg2+(Langmuir,1997).

La mise en solution du CO2gaz et la dissolution des carbonates entraînent la formation d’espèces carbonatées dissoutes (H2CO3, HCO3-et CO32-) dont la somme constitue le carbone inorganique total dissous (CITD).

Tableau 1.1: Solubilité de la calcite en fonction de la pression partielle en CO2 (Bakalowicz, 1986).

pCO2 (atm) Concentration en CaCO3

d’une eau à l’équilibre avec la calcite (mg/L)

0 5

0,03.10-2 (atmosphère) 50

0,1.10-2 (sol de montagne) 115

1.10-2 (sol, climat tempéré) 215

3.10-2(sol, climat méditerranéen) 315

10.10-2 (production de CO2 profond) 650

La karstification est le processus chimique qui permet le développement de conduits karstiques ou de fractures élargies au sein de l’aquifère. La karstification en élargissant les fractures et en créant des conduits induit la présence de trois types de porosité au sein des aquifères carbonatés karstiques.

1.1.1.2 Porosité multiple : origine de l’hétérogénité des systèmes karstiques

L’existence de trois types de porosité au sein des aquifères karstiques induit une hétérogénéité spatiale importante de la perméabilité et des écoulements, complexifiant les écoulements en comparaison à des aquifères plus homogènes.

Au sein d’un aquifère carbonaté karstifié, 3 types de porosité sont distingués en fonction de leur origine :

la porosité matricielle (primaire), liée à la lithologie et au mode de dépôt. Cette porosité est généralement faible dans les carbonates. La porosité matricielle est très variable selon la nature de la roche carbonatée. Elle est estimée expérimentalement par Burger (1983) entre 1 % pour les micrites et 15 % pour des faciès bréchiques. La porosité matricielle totale peut être importante mais sa porosité efficace est souvent très faible. Cette porosité a donc principalement une fonction capacitive,

la porosité de fractures (secondaire), liée à l’action de contraintes tectoniques (fissures, diaclases, failles). La transmissivité de cette porosité varie selon la taille des fractures, • la porosité de conduits, liée à la karstification. Elle évolue constamment et permet d’at-

teindre des perméabilités comprises entre 10-1 et 10-6 m/s (Kiraly, 1975) et des porosités efficaces pouvant atteindre 15 % à l’échelle du massif (Marsaud, 1996).

La porosité matricielle a une fonction principalement capacitive alors que la fonction des poro- sités de fractures et de conduits est essentiellement transmissive.

La distribution de porosité dans les aquifères karstiques induit une distribution des vitesses d’écoulement et des temps de résidence des eaux souterraines. La présence de fractures et de conduits donne aux systèmes carbonatés leurs propriétés aquifères.

1.1.1.3 Les différents types d’aquifères karstiques

En fonction des propriétés structurelles et fonctionnelles des aquifères karstiques, une classifi- cation est proposée par Mangin (1975) :

Type 1 : Systèmes non-fonctionnels à faible ou fort potentiel hydraulique et structure peu

karstique. Ils correspondent aux systèmes faiblement ou peu karstiques dont la structure

de drainage est encore trop peu organisée pour avoir une influence sur les écoulements. Ce type d’aquifère est assimilé à un milieu fracturé d’un point de vue méthodes d’étude et fonctionnement,

Type 2 : Systèmes fonctionnels à fort potentiel hydraulique et structure karstique. Ils corres- pondents aux systèmes où les vides et les écoulements sont organisés. Le système est fonc- tionnel car il a un comportement de type karstique (crues rapides et violentes, hétérogénéité des vitesses de transfert), en adéquation avec la structure,

Type 3 : Systèmes non fonctionnels à faible potentiel hydraulique et structure karstique. Ils correspondent aux systèmes pour lesquels il existe une organisation des vides mais pour lesquels l’écoulement ne rend pas compte de cette organisation. Il s’agit d’un milieu karstique dont le potentiel hydraulique est faible et ne permet pas la présence de grandes vitesses d’écoulement.

L’identification du type d’aquifère karstique est primordiale pour utiliser des méthodes d’étude adéquates. Celle-ci passe principalement par l’analyse de la forme de l’hydrogramme unitaire. Au niveau de l’aquifère du Dogger étudié, des études préliminaires notamment par traçages artificiels Antea (2010) ont montré que certains écoulements se font à vitesse élevée. Le site étudié dans ce manuscrit est donc de type 2.