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CHAPITRE 2 — HYPOTHÈSES, OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE

4.2. VALIDITÉ INTERNE DE L’ÉTUDE

a. Définition de l’issue : RCIU

Le PPAG est utilisé comme proxy du RCIU, mais il n’en est pas un synonyme. En fait, le RCIU fait référence à la notion de restriction pathologique de la croissance. Cependant, le groupe d’enfants définis comme PPAG est hétérogène et peut être composé d’enfants constitutionnellement petits en bonne santé et d’authentiques cas de RCIU. L’utilisation du PPAG comme proxy du RCIU a pour inconvénient de complexifier la capture des vrais cas de RCIU à cause de la définition statistique du PPAG qu’on obtient par les valeurs seuils (Ego, 2013). En fait, plus la valeur seuil est élevée (PPAG <10e percentile) plus le risque de

capturer des enfants constitutionnellement petits est aussi élevé. Inversement, un fœtus avec un RCIU peut avoir un poids de naissance proche du 10e percentile sans être un PPAG

(Chard, Costeloe, & Leaf, 1992; Ego, 2013). Cela indique que la définition statistique du PPAG pourrait engendrer un biais de classification de l’issue étudiée. Ce biais de classement serait non différentiel, car il affecterait de façon égale les groupes à haute et faible exposition aux SPCs et les groupes de différents profils génétiques.

La littérature développe des arguments en faveur de l’utilisation des courbes ajustées individuelles (Gardosi, Chang, Kalyan, Sahota, & Symonds, 1992; Gardosi & Francis, 2009). Ces courbes ajustées individuelles de poids fœtal prennent en considération le potentiel génétique de croissance individuelle plutôt que de se baser uniquement sur une définition statistique. Elles sont ajustées pour des paramètres qui définissent la physiologie individuelle de croissance du fœtus tels que l’ethnicité, le sexe du fœtus, la taille, la parité et le poids de la mère en début de grossesse. Un écart à la trajectoire de ces courbes est censé mieux témoigner d’une pathologie fœtale ou maternelle (Ego 2013). L’utilisation de ces courbes pourrait améliorer la distinction entre les PPAG constitutionnels et les PPAG pathologiques qui sont les authentiques cas de RCIU (Gardosi & Francis, 2009). Cependant, de telles courbes n’étaient pas disponibles pour cette étude, mais plusieurs des variables définissant le potentiel individuel de croissance du fœtus ont été prises en considération comme facteurs potentiels de confusion.

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b. Évaluation de l’exposition aux SPCs

La considération des variations spatiales et temporelles des SPCs dans les réseaux de distribution d’eau desservant les résidences et l’exclusion des participantes ayant changé de résidence pour une période de plus d’un mois permettait d’obtenir une estimation plus précise de l’exposition des participantes à leur domicile. Cependant, l’exposition aux SPCs ne tenait pas compte de l’exposition hors des résidences comme le lieu de travail par exemple.

Les concentrations en THMs et AHAs dans l’eau du robinet des participantes estimées à partir du modèle spatio-temporel ont servi à évaluer les doses ingérées de THMs et d’AHAs et les doses de THMs absorbées par inhalation et voie cutanée dans le modèle de Haddad et al. (2006). Pour les doses internes ingérées, l’absorption des SPCs a été considérée à 100 %, autrement dit tous les SPCs ingérés seraient totalement absorbés par l’organisme. Dans les faits réels, les THMs et AHAs ingéré seront métabolisés par le foie où une proportion sera éliminée après être passée par le processus de détoxification (Weisel & Jo, 1996). Ainsi après ingestion, la proportion de SPCs se retrouvant finalement dans le sang se trouverait réduite. En plus de la voie d’absorption par ingestion, l’inhalation et l’absorption cutanée ont été considérées comme des voies d’exposition supplémentaire des THMs, car ces derniers sont des composés volatils et lipophiles. Pour l’estimation des doses de THMs absorbées par inhalation et par voie cutanée, la concentration des THMs vaporisés dans l’air des salles de bains et des autres pièces après les douches fut estimée par le modèle de volatilisation de McKone & Knevzovich (1991) intégré au modèle d’Haddad et al. (2006) qui calculait les concentrations de THMs volatilisés à partir des concentrations de ces produits dans l’eau du robinet des résidences. Cependant, cette approche ne prend pas en compte les pertes des THMs sur les surfaces des matériaux présents dans les pièces de la résidence. Cela pourrait induire une surestimation de la concentration des THMs dans l’air et donc de la proportion inhalée ou absorbée par la peau (Haddad et al., 2006).

Les informations des participantes sur leurs habitudes relatives à la consommation d’eau (quantité d’eau bue, fréquences et durée des bains et des douches) ont été recueillies de façon rétrospective lors de l’entrevue. De plus, les facteurs de correction des différents traitements de l’eau (filtration, ébullition et réfrigération) utilisés pour le calcul des doses ingérées en

THMs et AHAs provenaient d’études limitées (Levallois et al, 2012). Ces informations qui ont servi à déterminer les doses internes des THMs et AHAs sous différentes voies d’absorption peuvent également induire des biais de classement non différentiel de l’exposition. En général, la modélisation des doses internes des SPCs a pu être sujette à des erreurs, dont les biais de classement non différentiel qui auraient pu réduire l’amplitude des mesures d’association (Levallois et al., 2012).

c. Analyses génétiques

Les tests de l’équilibre d’Hardy Weinberg sont tous non significatifs indiquant que les génotypes observés dans la population d’étude sont semblables aux théoriques. L’ADN des microorganismes buccaux (ie virus, bactéries et champignon) aurait pu biaiser le génotypage des échantillons salivaires (Quinque et al., 2006). Cependant, la qualité du génotypage des échantillons salivaires est généralement assez similaire à celle des échantillons sanguins (Abraham et al., 2012; Quinque et al., 2006) lorsque la quantification de l’ADN humain est réalisée comme dans notre étude. Les tests de l’équilibre d’Hardy Weinberg tous non significatifs indiquent qu’il ne semble pas avoir des erreurs de génotypage et de biais de classement des génotypes.

Au total, 9 SNPs ont été génotypés avec succès. Le nombre de SNPs par gène était assez limité particulièrement pour les gènes CYP1A2, CYP2A6 et CYP2D6. Bien que les SNPs étudiés par gène ne soient pas en déséquilibre de liaison (DL) entre eux, leur nombre limité ne permet pas de capturer l’intégralité de ces gènes. De plus, aucuns des deux SNPs du gène CYP2D6 étaient en DL avec le SNP CYP2D6*4 (rs3892097 allèle T) rapporté par Backer et al. (2008). L’étude expérimentale de Backer et al. (2008) avait montré que le génotype CYP2D6 (*4/*4) (CYP2D6*4: rs3892097 allèle T) par rapport au génotype de référence CYP2D6 (*1/*1), était associé à une augmentation de la concentration sanguine de chloroforme après 10 min de douche. Puisqu’il y avait une absence de DL entre nos SNPs étudiés et celui rapporté par Backer et al. (2008), nous ne pouvions donc pas corréler les résultats des deux études.

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d. Analyses statistiques

Afin de tenir compte du lien parental (forte corrélation entre le génotype de la mère et celui de son enfant), les analyses d’association et d’interaction ont été réalisées simultanément pour les mères et leur enfant dans une étude cas-témoins de la paire mère- enfant. Cependant en dépit de ce devis d’étude, la régression logistique usuelle n’exploite pas totalement la forte corrélation entre le génotype maternel et fœtal (Shi et al., 2008). D’où l’apparition de nouvelles méthodes tentant de mieux prendre en considération ce lien parental tel que la méthode semi-paramétrique du maximum de vraisemblance de Chen et al. (2012). Cependant, la principale limite de cette méthode est le nombre limité de variables confondantes pouvant être introduites dans le modèle (Levallois et al. 2016). Puisque les résultats étaient tous non significatifs après la correction pour l’utilisation de tests multiples, nous avons jugé qu’il n’était pas pertinence d’utiliser cette méthode.

De plus, bien qu’il y ait eu une perte d’environ 60 % de la population depuis l’étude initiale (Levallois et al., 2012), les caractéristiques des participantes de notre échantillon d’étude étaient très semblables à celles de la population de l’étude initiale. Le biais de sélection était donc minime, mais nous ne pouvons en exclure totalement la présence. De plus, afin de s’assurer de la validité des modèles d’interaction et d’association, l’étude a tenu compte de tous les principaux facteurs de risque potentiel du RCIU et tous ceux qui présentaient une certaine association au PPAG (avec valeur-p<0,25) ont été inclus dans les modèles. Les analyses n’ont pas pu être ajustées pour la variable gain de poids durant la grossesse, car nous ne l'avions pas dans la base de données destinée aux analyses. Il se pourrait également qu'elle soit un facteur intermédiaire entre l’effet des sous-produits de la chloration modifiée par des polymorphismes génétiques et le PPAG, ce qui causerait un sur- ajustement des analyses.

L’échelle additive permet d’interpréter l’interaction dans un contexte causal et en santé publique. Les RERI calculés étaient non significatifs. De plus, lorsque l’issue n’est pas rare comme c’est le cas du RCIU/PPAG (˂10e percentile), le rapport de cotes (RC) surestime de

rapport de risque (RR). En effet, le RC et le RR sont liés par la relation RC= ""&#C7&#C7:' 9' (Bouyer et al., 2003). Lorsque la maladie est rare, les risques R0 chez les non-exposés et R1

chez les exposés sont petits et les valeurs du RC et du RR s’approximent. Dans notre étude, les RERI calculés étaient de ce fait difficilement interprétables.

Les possibles biais de classement non différentiels sur l’issue et l’exposition aux SPCs affectent de façon non différentielle les exposés et les non-exposés aux SPCs ainsi que les cas et les témoins. Les estimations obtenues pour les associations et les interactions ont pu être biaisées vers l’absence d’association, ou autrement dit leur force d’association était sous- estimée. Les faibles puissances statistiques pourraient également limiter les chances de détecter des interactions significatives. En fait, pour une valeur de significativité α de 0,002 (correction de Bonferroni), les puissances pour détecter des RC d’interaction d’au moins 3 chez la mère ou l’enfant étaient au plus de 14 % (Annexe 7, tableau 10 et 11).