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Annexe C Développement analytique du modèle

4. Validation sur des incidents réels

4.1. Eruption à Moss Bluff (Gaz naturel)

Figure 3.3. A gauche, éruption à Moss Bluff (Rittenhour et Heath, 2012) – à droite, profil géométrique de la cavité n°1 (Brouard Consulting et RESPEC, 2013).

En août 2004, la cavité n°1 servant au stockage de gaz naturel à Moss Bluff au Texas a connu une fuite importante de gaz suivie d’une combustion de ce gaz à l’air ambiant à la suite d’une rupture en tête de puits (Figure 3.3). Le fond de la cavité était rempli de saumure saturée, et le volume de la partie de la cavité remplie de gaz était V0 = 1 268 000 m3. L'éruption a commencé au cours d’un soutirage de saumure dans la cavité contenant du gaz. Le gaz est entré dans le tube central de 8-⅝ pouces et a provoqué l'éclatement de la tête du puits au niveau du sol. Vingt et une heures (0,88 jour) plus tard, le tube central s’est séparé du cuvelage en acier augmentant alors le débit d’écoulement du gaz, le diamètre passant de 8-⅝ à 20 pouces. L’incendie s’est éteint de lui-même 6,5 jours plus tard, quand la quasi-totalité du gaz a été brûlé. Plus de 6 SBCF (soit 170 MNm3) de gaz avaient été perdus.

Plusieurs témoins rapportent que, une fois la fuite de gaz naturel achevée, l'air au niveau du sol a été "aspiré" dans la cavité pendant plusieurs dizaines de minutes. Une explication possible serait que, lors de l'éruption, le gaz de la cavité soit devenu sursaturé en vapeur d'eau : la pression partielle de la vapeur

Chapitre 3. Application du modèle thermodynamique à un cas extrême : l’éruption en cavité saline a donc chuté, mais pas assez rapidement pour que la vapeur se condense totalement et atteigne l'équilibre thermodynamique avec la saumure laissée au fond de la cavité. Lorsque l'éruption s’est achevée, la condensation s’est poursuivie, conduisant à une diminution de la pression totale du gaz de la cavité, et l'air a donc été aspiré dans la cavité41.

L’aire des parois de la cavité (hors interface gaz-saumure) a été évaluée à 84 200 m .2

c

  Le facteur

de frottement a été estimé à f 0,012 lorsque le diamètre est D = 8-⅝ pouces42 et f 0,010 lorsque le diamètre du puits est D20pouces43. La profondeur de puits prise en compte est H 765 m. La pression initiale et la température initiale du gaz sont supposées être respectivement 0 13,89 MPa

c

P  et

0 51°C (324,15 K).

c

T  Les principaux résultats sont présentés sur la Figure 3.4.

Figure 3.4. Évolutions calculées de la vitesse du gaz, de la température du gaz, de la pression du gaz et du flux de chaleur en paroi de cavité en fonction du temps au cours de l’éruption de

Moss Bluff.

Un peu avant la fin de la journée (à 0,88 jour), à la suite de l’augmentation de diamètre, les pertes de charge deviennent plus faibles et les vitesses du gaz sont plus rapides, la vitesse de la température et de la pression ainsi que le flux de chaleur provenant de la masse de rocheuse augmentent brusquement. La durée totale calculée de l'écoulement est légèrement inférieure à 6 jours (la durée réelle était de 6,5 jours). L'écoulement du gaz est de Fanno (la vitesse du gaz est sonique en tête de puits) pendant les 3,5

41 En effet, « gaz » signifie ici gaz naturel + vapeur d’eau. 42 8-5/8 pouces = 219 mm.

Chapitre 3. Application du modèle thermodynamique à un cas extrême : l’éruption en cavité saline premiers jours. Par la suite, la pression du gaz en cavité devient plus faible, ce qui entraîne des vitesses plus lentes et l'écoulement devient normal.

La température du gaz dans la cavité chute à Tc  5 °C en deux jours avant de se réchauffer lentement. A la fin du refroidissement en cavité, la température du gaz en tête de puits est Twh  40 °C. La température de la cavité atteint un minimum lorsque la variation de l’énergie engendrée par l'expansion des gaz compense exactement le taux de chaleur provenant de la masse rocheuse, comme prédit par l'équation du bilan de l’énergie (3.1) décrite au chapitre 2. Le flux de chaleur provenant de la masse rocheuse atteint environ 50 MW à 1,35 jour, son point culminant pendant l'éruption.

La «fin» de l'éruption est une notion difficile à définir. Cependant, il peut être observé sur la Figure 3.4, que durant la journée 5, la vitesse d'écoulement du gaz diminue rapidement et qu’elle est presque nulle après 5,8 jours. Toutefois l'équilibre thermique entre le gaz de la cavité et la masse rocheuse n'est pas atteint, et le gaz en cavité se réchauffe lentement, ce qui entraîne une vitesse de gaz en sortie d'environ

1 m s

c wh

uu  ; c’est la dilatation thermique du gaz contenu dans la cavité qui devient le moteur de l’écoulement. Comme il a été mentionné précédemment, la validité de la solution mathématique à la fin de l'éruption est discutable car, entre autres, la condensation de la vapeur d'eau peut jouer un rôle majeur. On notera également qu’à la fin de l’éruption, l'augmentation de la température du gaz est rapide car la densité du gaz est faible (la pression est atmosphérique) et la capacité calorifique volumique du gaz est beaucoup plus basse qu'avant l'éruption. Comme expliqué en section 1, les variations importantes de température n’ont pas assez de temps pour pénétrer profondément la masse rocheuse44. Les contraintes de traction importantes sont donc observées dans une fine «peau» en paroi de cavité et les fractures profondes ne peuvent se développer (Bérest et al., 2013).

4.2. Eruption à Kanopolis (Air comprimé)

Le stockage d’air comprimé connaît un regain d'intérêt, car il peut être utilisé pour le stockage d'énergie tampon en appui de sources intermittentes d'énergies renouvelables (voir chapitre 1). On discute ici d'une éruption de l'air qui s'est produite dans une mine abandonnée présentant des similitudes avec le cas d'une éruption dans un stockage d'air comprimé en cavité saline.

Van Sambeek (2009) a donné un compte rendu complet d'un accident remarquable dans une mine de sel par chambres et piliers abandonnée (Figure 3.5), et a fourni une explication convaincante de cet événement. "Le 26 Octobre 2000, une usine de briques à Kanopolis, Kansas, a été en grande partie

détruite par des briques, du sable et de l'eau tombant du ciel. Le jet d'air sortait d'un puits de mine de sel préalablement scellé et à travers un tas de briques déposé sur la tête de puits à proximité de l’usine

(p. 620 ; voir Figure 3.6). Des briques et du sable ont été projetés dans l'air à plus de 100 m pendant

plus de 5 minutes, mais moins de 20 minutes» (p. 621)" voir Figure 3.7. L'hypothèse analysée par van

Sambeek était que «les eaux souterraines sont entrées dans la mine à travers le puits pendant une longue

période et l'air a été comprimé à l'intérieur de la mine" jusqu'à ce que le bouchon du puits s’effondre

en octobre 2000 et que l'air s'échappe violemment de la mine.

La mine de Kanopolis n'est pas une cavité saline et, dans le contexte d'une éruption, plusieurs différences doivent être notées notamment sur l’aire du puits et la surface de la cavité.

Chapitre 3. Application du modèle thermodynamique à un cas extrême : l’éruption en cavité saline L’aire de la section transversale du puits d'accès (un puits de mine) est plus grande que celle d'un puits pétrolier de deux ordres de grandeur, ce qui rend la durée de l’éruption beaucoup plus courte (environ une dizaine de minutes au lieu de plusieurs jours).

Figure 3.5. Plan de la mine de sel de Kanopolis et coupe verticale du puits [Source : RESPEC]. Le puits d’accès à la mine était en bois et avait une hauteur de H 240 m; ses dimensions intérieures étaient environ 3,6 m 5, 2 m. Une section transversale équivalente, S 18,72 m ,2 le rapport entre les

capacités calorifiques de l'air  1,4, et un coefficient de frottement, F 0, 225 m, ont été choisis. (La valeur de F a été choisie pour correspondre aux données observées, parce que l'équation de Colebrook citée en section 2.4 s'applique difficilement à l’écoulement de gaz dans un vieux puits de mine en bois). Van Sambeek (2009) suggère que la pression absolue d'air comprimé initiale pourrait avoir été de 0

0,272 MPa

c

P  ( 0,172 MPa de pression relative) et que le volume d'air dans la mine était

V0 = 670 000 m3. On suppose que la température initiale de l'air était 0 15 C 288 K .

c

T  

Chapitre 3. Application du modèle thermodynamique à un cas extrême : l’éruption en cavité saline Dans ce deuxième exemple (à Kanopolis), la détente du gaz est moins importante car on passe de 0,272 MPa à 0,1 MPa alors qu’au premier exemple (à Moss Bluff) on passait de 14 MPa à 0,1 MPa. Le rapport entre l’aire des parois et le volume de la mine dans l'équation (3.5)45 est plus grand dans une mine que dans une cavité46, ce qui rend le flux de chaleur provenant de la masse rocheuse plus intense. On aurait pu s'attendre à ce que la baisse de la température de l'air de la mine soit plus sévère que dans une cavité de stockage de gaz conventionnel, car, compte tenu de la faible durée de l’éruption, la chaleur fournie par la masse rocheuse semble ne pas avoir eu assez de temps pour réchauffer l'air dans la mine. En fait, la chaleur a été fournie par le toit de la mine et par la surface sèche des piliers, dont l’aire totale est d'environ 1 000 000 m .2

c

  La chaleur transférée à partir de la saumure qui a rempli la partie inférieure de la chambre des mines a été négligée.

Figure 3.7. Éruption de l'air, filmée à partir d'une distance de 2,5 km [à gauche, (van Sambeek, 2009)] ; évolution du volume d'air en fonction du temps (à droite).

45 Ou

0 1,3 .

c V m

 

Chapitre 3. Application du modèle thermodynamique à un cas extrême : l’éruption en cavité saline

Figure 3.8. Evolution de la vitesse de l'air, de la température de l'air, de la pression d'air et du flux de chaleur à partir de caverne paroi en fonction du temps lors de l'éruption de Kanopolis. Les résultats sont présentés sur la Figure 3.8. L'écoulement est normal et non de Fanno. Au niveau du sol, la vitesse de l'air diminue de 180 m/s (650 km/h) à quelques m/s en 11 minutes. Ce résultat est cohérent avec ce qui a été rapporté par van Sambeek (2009) qui a montré qu’une vitesse de l'air de 180 m/s génère une force de traînée capable de propulser des briques à une altitude pouvant atteindre 100 m, voir Figure 3.7, à gauche. Sur la Figure 3.8 on a également tracé les évolutions calculées de la pression de l'air et la température au cours de l'éruption. La température de l'air au niveau du sol descend d’abord à 1°C avant d'augmenter à 14 ° C à la fin de l'éruption. La température de l'air dans la mine ne subit pas des changements de plus de 1°C. Le flux de chaleur provenant de la masse de rocheuse atteint 330 MW après quelques dizaines de secondes seulement (Figure 3.8).