• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 : Effets d’une injection rapide sur la stabilité mécanique des cavités salines

1. Le critère en contrainte effective

1.1. Définition classique

La notion de « contrainte effective » appliquée aux roches poreuses est communément utilisée en ingénierie des réservoirs. Lorsqu’on suppose que la roche est soumise à une pression interstitielle non nulle, la contrainte effective est égale à la contrainte réelle dite « totale » à laquelle on ajoute la pression interstitielle pondérée par le coefficient de Biot (Homand et Duffaut, 2000).

eff

ij ij bp ij

    (5.1)

Où b est le coefficient de Biot et p la pression interstitielle. Le coefficient de Biot

0  indique b 1

dans quelle proportion la pression interstitielle soulage le squelette des contraintes totales suite à la déformation de la matrice solide. La loi de Terzaghi est un cas particulier de l’équation (5.1) lorsque

1

b c’est-à-dire lorsque le module d’incompressibilité de la matrice solide tend vers l’infini (matrice incompressible).

Chapitre 5. Effets d’une injection rapide sur la stabilité mécanique des cavités salines

1.2. Le cas de la fracturation hydraulique

La stimulation des réservoirs par fracturation hydraulique en puits a pris une importance sans cesse grandissante avec l’avènement des gaz et pétroles de schiste. Son principe consiste à fracturer la roche réservoir par accroissement de la pression de fluide dans le puits, puis à maintenir ouverte la fracture ainsi créée par l’injection d’un agent de soutènement. Ainsi, le fluide plus ou moins visqueux injecté dans le puits voit sa pression croître jusqu’à dépasser la pression géostatique78. Avant la fracturation, la vitesse d’injection du fluide et la vitesse d’augmentation de la pression sont proportionnelles ; le rapport entre ces deux quantités est la compressibilité du puits.

A un moment donné, lorsque la pression du fluide est suffisamment élevée, la compressibilité croît très considérablement, ce qui est un signe de la création de la fracture et, dans le cas du sel, d’une augmentation très importante de la perméabilité79. Enfin, lorsque la pression atteint un maximum, une fracture discrète est créée et la pression chute même lorsque le fluide continue à être injecté dans le puits. Ce maximum de pression est égal à la contrainte naturelle la moins compressive plus la résistance à la compression de la roche. Ces essais sont effectués assez couramment pour évaluer les contraintes

in-situ dans les formations salifères80.

La fracturation hydraulique sur cavité saline est bien différente de la fracturation en puits. En fait, les essais de fracturation hydraulique sur cavités servent à évaluer l’étanchéité et l’intégrité de la formation salifère. Le fluide de fracturation est très souvent de la saumure, mais des gaz peuvent aussi être utilisés. Dans le contexte particulier du stockage souterrain de déchets nucléaires, la corrosion des colis de déchets génèrent des gaz dont la pression s’accumule dans un stockage fermé. Pour évaluer de façon adéquate la sécurité du stockage, le risque de fracturation de la formation salifère doit être évalué et discuté (Popp et al., 2007). La pression maximale atteinte pendant l’essai de fracturation fournit une limite supérieure de la contrainte minimale géostatique. Toutefois, une interprétation aussi simple est valide uniquement lorsque le comportement mécanique de la roche est supposé purement élastique ; dans le cas de la roche saline, les interprétations sont plus compliquées puisqu’il faut prendre en considération l’historique de pression pour calculer la distribution de contraintes à la paroi. Et ce faisant, des résultats inattendus peuvent être obtenus, comme l’avaient déjà mentionné Wawersik et Stone (1989). Des contraintes effectives de traction peuvent apparaître même si la pression de la cavité est modérée, ce qui veut dire que la fracturation peut donc être initiée même si la pression de fluide est plus faible que la pression géostatique.

1.3. Définition pour les cavités salines, contrainte effective à la paroi

A la paroi du massif dans lequel la contrainte totale est , on applique une pression de fluide p et on se demande à quelle condition une fracture peut s’ouvrir. On est naturellement conduit à parler de « contrainte effective à la paroi » et  bpI n’est donc pas la même contrainte que précédemment décrite en section 1.1. Lorsque cette notion est appliquée à la roche saline, on suppose d’entrée de jeu que sa perméabilité est très faible et que le sel est un matériau peu compressible. La contrainte effective à la paroi de la caverne peut être définie comme étant égale à la somme de la contrainte réelle  et de la pression du fluide dans la cavité P (Brouard et al., 2007).

78 Pression des terrains à la profondeur où l’on souhaite obtenir la fracture. 79 Fokker (1995), Bérest et al. (2001a,b), Rokahr et al. (2003), Lux et al. (2006).

80 Wawersik et Stone (1989), Schmidt (1993), Durup (1994), Rummel et al. (1996), Staudtmeister et Schmidt

Chapitre 5. Effets d’une injection rapide sur la stabilité mécanique des cavités salines

eff P

    (5.2)

Les trois composantes de la contrainte qui doivent être prises en compte sont la contrainte normale, la contrainte tangentielle et la contrainte orthoradiale. Notamment, en paroi de cavité et par définition, la contrainte normale effective est nulle puisque la contrainte normale est égale à l’opposé de la pression du fluide dans la cavité. Les deux autres contraintes effectives tangentielles peuvent être positives (tractions) ou négatives (compressions). Généralement, on considère que lorsque l’une de ces deux dernières est supérieure à la résistance à la traction du sel, que l’on noteR , il y a des risques de rupture t

par fracturation hydraulique (section 2.3). Ce critère s’écrit donc :

max P Rt

   (5.3)

Où maxest la moins compressive des deux contraintes tangentielles et P est la pression du fluide dans la caverne. Avant que ce critère soit observé, dès lors que max  des microfissures peuvent P 0, apparaître dans le sel, augmentant sa perméabilité et provoquant son adoucissement. Dans certains cas, des fractures discrètes peuvent apparaitre81. La résistance à la traction du sel, ou

t

R , est faible et avoisine

typiquement 1 à 2 MPa. Une démarche conservatrice consiste à ne prendre en compte aucune résistance à la traction, le critère s’écrira alors :

max P 0

   (5.4)

Notons que le développement d’une petite zone micro-fracturée dans le voisinage immédiat de la cavité peut être négligé, cependant l’élargissement de cette zone peut, dans certains cas, être préjudiciable à la stabilité du toit et des cavités environnantes.

Par la suite, on présentera plusieurs exemples qui impliquent la notion de contrainte effective à la paroi.

1.4. Cavité saline de stockage de gaz

Un soutirage très rapide dans une cavité saline de stockage de gaz entraîne une violente chute de pression, donc une variation importante de la température du gaz. Ceci peut provoquer en paroi de caverne de grandes contraintes thermiques donc, des contraintes tangentielles de traction, voir chapitre 4. D’autre part, une montée en pression trop importante en cavité saline est aussi susceptible de créer des contraintes effectives de traction en parois de cavité, voir section 3. Des exemples sont donnés par Bauer et Sobolik, (2009), Staudtmeister et Zapf (2010), Karimi-Jafari et al. (2011) et Rokahr et al., (2011). Récemment, Lux et Dresen (2012) ont analysé des stockages de gaz soumis à des sollicitations rapides de pression et ont abouti à la même conclusion.

1.5. Cavité saline pleine de saumure

Lorsqu’une caverne est restée inactive, c’est-à-dire à pleine de saumure et à la pression halmostatique, pendant un temps relativement long (typiquement plusieurs années, 10 ans par exemple), il est prouvé que pendant cette période, en raison de la fermeture de la cavité par fluage, la contrainte déviatorique a diminué. Ceci s’explique en ce que la contrainte normale en paroi de cavité est restée constante durant cette période et que la contrainte tangentielle est progressivement devenue de moins en moins compressive. Lorsqu’au bout de cette période, de la saumure est injectée rapidement dans la cavité, la pression de la saumure dans la cavité augmente rapidement et des contraintes additionnelles de traction

Chapitre 5. Effets d’une injection rapide sur la stabilité mécanique des cavités salines sont alors créées. Ces contraintes additionnelles satisfont pratiquement la solution élastique car le chargement est rapide. Dans certains cas de figure, ces contraintes sont largement suffisantes pour faire basculer la contrainte effective en une contrainte de traction, et il est alors identifié un risque de rupture par fracturation (Brouard et al., 2007), et ceci même lorsque la pression de la saumure est inférieure à la pression géostatique. Un exemple d’application de ce raisonnement se trouve dans l’analyse de l’essai réalisé à Etzel, voir sections 3 et 4.