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La déclaration unilatérale du préempteur de renoncer à l’exercice

E. L A SITUATION DU PRÉEMPTEUR AVANT LA RÉALISATION DU CAS

2. La déclaration unilatérale du préempteur de renoncer à l’exercice

La déclaration de renonciation à l’exercice du droit légal antérieurement à la réalisation d’un cas de préemption est exclue en vertu de l’art. 681b al. 2 CC, ce qui a été expressément confirmé par le Conseil fédéral712. Il s’agit de droit impératif713. La renonciation à l’exercice du droit ne peut intervenir que sous la forme écrite après la réalisation d’un cas de préemption714. Demeure toutefois réservé le droit légal de préemption du fermier qui ne peut y renoncer d’avance « qu’en vue d’un cas de préemption imminent. Il doit y renoncer par un acte authentique comprenant les éléments essentiels du contrat qui sera conclu entre le vendeur et le tiers », en vertu de l’art. 48 al. 1 LDFR.

Quant au droit conventionnel, le Code des obligations et le Message sont muets. S’agit-il d’un silence qualifié, de sorte que la déclaration de

708 ATF 117 II 30 = JdT 1993 I 12. ATF 117 II 30 = JdT 1992 I 12 ; ATF 1955 II 239 = JdT 1956 I 7.

709 ATF 117 II 30 = Jdt 1993 I 12. ATF 1966 II 147 = JdT 1967 I 174. BRÜCKNER, Verwandte, p.540.

CoRo-FOËX No 4 ad 216e CO. REY, Sachenrecht, p. 327, No 1275. TERCIER, Les contrats, p. 171, No 1144. STEINAUER, Les droits réels II, p 150 No 1736.

710 FOËX, Quelques questions, p.17.

711 MOOSER, Le droit notarial, p. 103 No 233

712 Message, p. 1012.

713 FOËX, Quelques questions, p.15. FOËX,NOT@LEX 2010,p 80.

714 FOËX,NOT@LEX 2010,p 80. STEINAUER, La renonciation, No 51.

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renonciation à l’exercice antérieurement à la réalisation d’un cas de préemption doit être admise pour le droit conventionnel, contrairement au droit légal ? Au contraire, s’agit-il d’une lacune de la loi qu’il y aurait lieu simplement de combler ?

Selon le Tribunal fédéral, « on est en présence d’une lacune proprement dite lorsque le législateur s’est abstenu de régler un point qu’il aurait dû régler et qu’aucune solution ne se dégage du texte ou de l’interprétation de la loi […] »715.

Par ailleurs, conformément à l’art. 1 al. 1 CC, la loi s’interprète au regard de sa lettre, mais également en vertu de son esprit. Ce dernier peut se déterminer grâce à une interprétation historique de la norme, en recherchant la volonté du législateur ; grâce à une interprétation systématique compte tenu du contexte législatif ; ou encore grâce à une interprétation téléologique qui tend à rechercher le but de la loi716.

En l’espèce, dans la mesure où les travaux préparatoires et le Message sont muets en la matière, l’interprétation historique ne nous permet pas de conclure qu’il y a lacune proprement dite. Par ailleurs l’interprétation systématique de la loi ne nous permet pas par ailleurs de répondre à la question. Dès lors, qu’en est-il de l’interprétation téléologique ?

CH.BRÜCKNER, B.FOËX, S. MARCHAND, A.MEIER-HAYOZ, P. SIMONIUS etTH. SUTTER,ainsi queP.-H.STEINAUER 717admettent la déclaration de renonciation à l’exercice du droit de préemption conventionnel antérieurement à la réalisation d’un cas de préemption. Une telle déclaration n’est soumise à aucune forme718. La forme écrite est néanmoins recommandée719. S.

MARCHAND souligne que « la déclaration de renonciation doit être compatible avec l’art. 216d CO, qui implique que le préempteur soit informé de la conclusion du contrat constitutif du cas de préemption et de son contenu. Pour être valable, la renonciation doit donc reposer sur une connaissance suffisante de l’acte constitutif du cas de préemption. Si cet acte est modifié entre la déclaration de renonciation et sa passation, une nouvelle déclaration de renonciation est nécessaire. D’un point de vue pratique, la seule façon de respecter ces conditions est de soumettre au titulaire du droit de préemption un projet, qui doit être par la suite instrumenté sans modification »720.

715 ATF 121 III 219 = JdT 1996 I 162.

716 Notamment ATF 112 Ib 465. ATF 100 II 52 = JdT 1975 258.

717 BRÜCKNER, Verwandte, p. 542. FOËX, Quelques questions, p. 16.FOËX,NOT@LEX 2010,p 80. MARCHAND, p. 164. BeK-MEIER-HAYOZ Nos 183, 202 et 325 ad art. 681 CC. SIMONIUS/SUTTER, p. 366.STEINAUER, La renonciation, No 36.

718 BeK-MEIER-HAYOZ No 325 ad art. 681 CC. FOËX, Quelques questions, p. 16.FOËX,NOT@LEX 2010,p 80.

STEINAUER, La renonciation, No 37. Contra : PFÄFFLI,JUSLETTER 2004NO 11.

719 FOËX, Quelques questions, p. 16.

720 MARCHAND, p. 164.

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B. FOËX souligne néanmoins, très justement selon nous, « qu’une telle renonciation anticipée comporte toutefois des risques non négligeables : le préempteur se prononce à l’aveuglette, alors que tous les paramètres ne sont pas encore connus ; il peut être induit en erreur par les parties au contrat de vente en cours de négociation, qui lui présentent peut-être une affaire moins intéressante que celle qu’elles entendent en réalité réaliser. […] Une renonciation anticipée est également génératrice d’insécurité juridique. Quid en effet si la vente conclue en définitive avec le tiers diffère de celle qui avait été annoncée au préempteur ? Faut-il l’en informer et recueillir également son consentement ? Peut-on se contenter de ne l’informer qu’en cas de divergences importantes entre l’acte et les représentations qui lui avaient été faites ? »721

Ces risques et insécurité juridique existent néanmoins tant pour le droit légal que pour le droit conventionnel. Alors, pourquoi le législateur aurait-il expressément exclu la déclaration de renonciation à l’exercice pour le droit légal et non pas pour le droit conventionnel ? Cela nous paraît d’autant plus étonnant, qu’à nos yeux, la déclaration de renonciation à l’exercice du droit conventionnel nous semble plus risquée, en particulier en cas de droit non annoté au Registre foncier. En effet, ce dernier n’est pas opposable au tiers acquéreur, contrairement au droit légal, ou au droit conventionnel annoté au Registre foncier. Ainsi, la déclaration de renonciation à l’exercice d’un tel droit équivaut à une extinction anticipée du droit722.

Par ailleurs, si le législateur avait admis une déclaration de renonciation de l’exercice du droit conventionnel, ne l’aurait-il pas prévue expressément dans la loi, peut-être en la soumettant à la forme authentique, à l’instar du droit de préemption du fermier (art. 48 LDFR) ? Nous le pensons.

Nous ne sommes donc pas face à un silence qualifié, en l’espèce, mais bien face à une question que le législateur aurait dû régler mais qu’il n’a pas réglée.

Par ailleurs, aucune solution satisfaisante ne peut être tirée ni du texte de la loi, ni de son interprétation. Nous somme donc, selon nous, face à une lacune de la loi qu’il y a lieu de combler. Pour ce faire, deux solutions se présentent à nous : appliquer par analogie au droit de préemption conventionnel soit l’art. 681b al. 2 CC, qui exclut la renonciation anticipée du préempteur ; soit l’art. 48 LDFR qui permet la renonciation anticipée du fermier pour un cas imminent et à la condition que la déclaration de renonciation ait lieu en la forme authentique.

Nous sommes d’avis qu’il y aurait lieu d’appliquer l’art. 681b al. 2 CC par analogie. En effet, cette disposition est tout d’abord une lex generalis qui s’applique à tous les droits de préemption légaux de droit fédéral, à l’exclusion de celui du fermier qui est régi par la lex specialis de l’art. 48 LDFR. Par

721 FOËX, Quelques questions, p. 16.Dans ce sens voir également,FOËX,NOT@LEX 2010,p 81.

722 MARCHAND, p. 164. STEINAUER, La renonciation, No 46.

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