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Les actes dans lesquels l’aliénateur ne reçoit pas de

B. L ES CAS DE PRÉEMPTION

II. Les actes dans lesquels l’aliénateur ne reçoit pas de

a) La dation en paiement

La dation en paiement (art 172 CO) a pour but d’éteindre une obligation du cédant à l’égard d’un créancier, qui accepte de recevoir, en exécution de sa créance, une chose345 différente de ce qui faisait l’objet de l’obligation initiale346. Selon B.FOËX,CH.BRÜCKNER,P.-H.STEINAUER, ET P.TERCIER347, elle constitue un cas de préemption. Nous ne partageons ce point de vue, et nous pensons qu’il y a lieu de distinguer entre la dation à titre de paiement et celle en vue de paiement.

Ainsi, la dation à titre de paiement a pour but principal de libérer le cédant de sa dette à l’égard du cessionnaire, en lui transférant une chose en lieu et place de la somme due348. La personne du cessionnaire joue un rôle de premier plan, ce qui empêche le droit de préemption de s’exercer349. Or, tel n’est pas le cas de la dation en vue de paiement. Dans cette hypothèse, la cession est faite en vue de réaliser l’objet cédé. Le cédant ne sera libéré de sa dette que si le produit de la réalisation suffit à désintéresser le cessionnaire350. Le cédant pourrait tout aussi bien réaliser le bien lui-même, et ensuite seulement désintéresser son créancier. Dans cette dernière hypothèse, le droit de préemption s’exercerait. C’est pourquoi, nous pensons que la dation en vue de paiement constitue un cas de préemption.

b) L’échange

Selon le Message du Conseil fédéral, CH. BRÜCKNER, P. SIMONIUS et TH. SUTTTER,P.-H.STEINAUER,ainsi queP.TERCIER etP.FAVRE351, l’échange (art. 237 st CO), à l’instar de l’entretien viager, ne constitue pas un cas de préemption dans la mesure où l’aliénateur ne reçoit pas de contreprestation pécuniaire. B.

FOËX U. HESS, H. REY admettent que l’échange peut constituer un cas de

345 En l’occurrence un immeuble.

346 TERCIER, Les contrats, p. 71, No 509.

347 CoRo-FOËX, No 9 ad art. 216c CO. BRÜCKNER, p. 532.STEINAUER, Les droits réels II, p. 147, No 1731a.

TERCIER, Les contrats, p. 170, No 1135.

348 ENGEL,Traité des obligations, p. 620. CoRo-PROBST, No 1 ad art. 172 CO.

349 Demeurent réservées l’éventuelle reprise de droit et la stipulation pour autrui (voir supra Nos 127 ss).

350 ENGEL,Traité des obligations, p. 620. CoRo-PROBST, No 1 ad art. 172 CO.

351 Message, p. 1017.BRÜCKNER,Verwandte, p. 533.SIMONIUS/SUTTER I, p. 370.STEINAUER, Les droits réels II, p. 147, No 1731b. TERCIER, Les contrats, p. 170 No 1136.

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préemption s’il porte sur des choses fongibles (marchandises, pétrole etc.), à l’exclusion de tout immeuble, tableau ou corps certain352.

La jurisprudence, quant à elle, est nuancée dans la mesure où elle admet que l’échange ne constitue pas un cas de préemption, sauf s’il a lieu moyennant le versement d’une soulte. Dans cette hypothèse, le droit peut être exercé si l’élément de la vente est prépondérant, « à plus forte raison s’il résulte des circonstances que l’accord des parties produit le même résultat qu’une vente et n’a été revêtu de la forme de l’échange que pour éluder le droit de préemption légal » 353.

Nous approuvons la position du Tribunal fédéral, mais nous pensons qu’il y a lieu d’apporter plus de nuances. En effet, l’échange peut, dans une certaine mesure, être assimilé à une aliénation à titre onéreux. En effet, ce qui le différencie d’une vente est que la contreprestation est faite en nature, savoir le transfert d’un autre bien immobilier, et non pas en argent. Or, contrairement au Tribunal fédéral, nous sommes d’avis que l’élément déterminant est la motivation des parties, indépendamment du versement d’une soulte. Ainsi, un échange peut constituer un cas de préemption chaque fois que l’élément de l’aliénation à titre onéreux est prépondérant, dans l’intention des parties, de telle sorte qu’il peut être assimilé à un « acte juridique équivalant économiquement à une vente » (art. 216c CO). Tel sera le cas, comme dans l’hypothèse visée par le Tribunal fédéral354, si une soulte est versée et que la forme de l’échange a simplement pour but d’éluder l’exercice du droit de préemption, mais également chaque fois que la personne de l’acquéreur ne joue pas un rôle principal dans l’échange. Ainsi, nous pouvons parfaitement imaginer qu’un échange constitue un cas de préemption, indépendamment du versement d’une soulte, ou de l’intention des parties d’éluder l’exercice du droit de préemption. Prenons les exemples suivants :

A) V est propriétaire d’une parcelle (1V), qui est grevée d’un droit de préemption en faveur de P, et qui jouxte la parcelle de A (1A). Ce dernier est par ailleurs propriétaire d’un appartement en ville de même valeur que la parcelle de V. Désireux d’acquérir la parcelle de V, et sachant que ce dernier souhaite acquérir un bien en ville à l’aube de sa retraite, A propose à V d’échanger la parcelle contre l’appartement, ce que V accepte. Dans la mesure où les deux biens sont de même valeur, l’échange aura lieu sans le versement d’aucune soulte. Par ailleurs, manifestement ni V ni A n’ont l’intention d’éluder l’exercice du droit de préemption de P.

Or, nous pensons qu’un tel cas d’espèce constitue un cas de préemption.

En effet, la motivation de V est avant tout de se rapprocher de la ville. Pour ce

352 CoRo-FOËX, No 12 ad art. 216c CO. FOËX,NOT@LEX 2010,p 84. Bak-HESS, No 10 ad art. 216c CO.

Bak-REY, No 6 ad art. 681 CC.

353 ATF 94 II 342 ss = JdT 1969 I 587.

354 ATF 94 II 342 ss = JdT 1969 I 587.

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faire, il aurait pu vendre sa parcelle et investir le prix de vente dans l’achat d’un appartement. Dans l’intention de V, la personne de A ne joue pas un rôle principal, son objectif premier étant d’acquérir un appartement en ville. Il aurait par ailleurs pu procéder éventuellement à l’échange avec P, si ce dernier avait eu également un appartement à lui proposer en ville. P pourra donc exercer son droit de préemption.

La question se pose si V peut exiger de P qu’il lui propose un appartement similaire à celui de A. A l’instar de l’entretien viager et de la rente viagère, l’échange est une modalité d’exécution de la contreprestation, et à ce titre est une obligation accessoire. Ainsi, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral355, P ne pourra pas exercer son droit s’il n’est pas en mesure d’exécuter personnellement la prestation accessoire en nature, et que cette dernière n’est pas appréciable en argent. Tel n’est pas le cas puisque la valeur de l’appartement peut être estimée. Ainsi, soit P a un appartement similaire à proposer à V, soit il devra exécuter sa prestation en argent. Dans les deux cas, le droit de préemption pourra être exercé.

Finalement, dans l’hypothèse où P peut proposer à V un appartement similaire à celui de A, la question se pose si le choix de la contreprestation en nature, ou au contraire en argent, appartient à P, ou à V. Il est vrai que la motivation première de l’échange est pour V d’acquérir un appartement en ville. Ainsi, à l’instar de ce que nous avons préconisé pour la rente viagère et l’entretien viager, nous pensons qu’il appartient à V de décider si la contreprestation de P sera exécutée en nature, ou au contraire en argent. P n’a pas à être protégé en l’espèce. Il est en effet informé, au moment de la réalisation du cas de préemption, que le paiement du prix pourrait être exécuté par l’échange de son appartement, si V le souhaite. A lui de décider en pleine connaissance de cause d’exercer son droit, et courir le risque de devoir aliéner son appartement.

B) Supposons maintenant que V est également propriétaire d’une seconde parcelle (V2) sur laquelle il habite, et qui jouxte une parcelle également propriété de A (A2). La parcelle V1 est estimée au double de la valeur de A2.

Désireux d’augmenter son jardin, V propose à A de lui échanger sa parcelle V1 avec la parcelle A2, ce qui est accepté par A.

Compte tenu de la différence de valeur (le double) entre V1 et A2 , A devra verser une soulte à V. Par ailleurs, manifestement ni V ni A n’ont l’intention d’éluder l’exercice du droit de préemption de P. Ainsi, en l’espèce, nous pensons que P ne pourra pas exercer son droit. En effet, la motivation principale de V est d’agrandir son jardin. Pour ce faire il souhaite la parcelle de A qui jouxte la sienne, et aucune autre. La personne de A joue un rôle principal dans l’échange, de sorte que ce dernier ne constitue pas un cas de préemption.

355 ATF 89 II 446 = JdT 1964 I 350.

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Dans cette dernière hypothèse, devront être traitées les questions de la reprise du droit, ainsi que de la stipulation pour autrui356, puisqu’après le transfert de propriété, V risque d’engager sa responsabilité. Demeure toutefois réservée l’annotation du droit au Registre foncier357.

Dès lors, compte tenu du caractère hybride de l’échange, nous sommes d’avis qu’il appartient à l’officier public, chargé de recevoir l’acte, de consigner clairement l’intention des parties afin de savoir si l’échange constitue un cas de préemption. Par ailleurs, dans le cadre d’un droit de préemption conventionnel, les parties au pacte peuvent convenir que l’échange constituera, ou au contraire ne constituera pas, un cas de préemption, dans la mesure où l’art. 216c al. 1 CO est de droit dispositif358. La clause contractuelle devra toutefois être passée en la forme authentique, si elle étend le cas de préemption à toute forme d’échange, dans la mesure où la situation du vendeur est aggravée, alors que la forme écrite suffit si l’échange, sous toutes ses formes, est exclu des cas de préemption, puisque seule la situation du préempteur est péjorée dans une telle hypothèse359. Dans tous les cas, nous pensons que le droit de préemption pourra être annoté au Registre foncier360.

En conclusion, nous admettons que l’échange ne constitue pas un cas de préemption, si la personne de l’acquéreur joue un rôle principal, indépendamment du versement d’une soulte, et sous réserve de la volonté des parties d’éluder le droit.

Si l’échange constitue un cas de préemption, le vendeur peut demander que le préempteur exécute sa contreprestation au moyen d’un bien semblable à celui qui faisait l’objet de l’échange. Si le préempteur ne possède pas un tel bien, la contreprestation se fera en argent.

Si en revanche, l’échange ne constitue pas un cas de préemption, demeurent réservées les questions de la reprise du droit, ainsi que de la stipulation pour autrui361, sous réserve de l’annotation du droit au Registre foncier.

Par pacte de préemption, il peut être convenu que l’échange, sous toutes ses formes, constituera, ou ne constituera pas, un cas de préemption. Dans la première hypothèse, le pacte doit être couvert par la forme authentique, dans la seconde la forme écrite suffit.

356 Voir supra Nos 132 ss.

357 L’annotation du droit de préemption confère non seulement la priorité sur les droits postérieurement acquis sur l’immeuble (effet typique de l’annotation), mais également le rend propter rem, et le rattache ainsi à la propriété de l’immeuble. art. 959 al. 2 CC. Voir également STEINAUER.,Les droits réels I, p. 222, Nos 799 ss.

III. Les actes fondés sur le droit des sociétés