• Aucun résultat trouvé

L’aliénation de l’entreprise agricole, voire de l’immeuble

C. L’ EXERCICE DU DROIT DE PRÉEMPTION

III. L’objet du droit

4. L’aliénation de l’entreprise agricole, voire de l’immeuble

personne morale au regard de la LDFR

4.1 L’aliénation de l’entreprise agricole, voire de l’immeuble agricole Au regard de la LDFR, le droit de préemption des parents (art. 42 ss LDFR), ou du fermier (art. 47 ss LDFR), porte sur l’entreprise agricole582, voire sur l’immeuble agricole583. Toutefois que se passe-t-il si l’objet du droit de préemption ne correspond pas à l’objet aliéné ? Tel sera le cas par exemple si V vend une partie de son entreprise agricole. Son fils F, exploitant agricole, pourra-t-il exercer son droit sur la totalité de l’entreprise agricole, ou devra-t-il se contenter de l’exercer uniquement sur la partie aliénée ? Inversement, si V est propriétaire d’un immeuble agricole qu’il a loué en partie à un fermier, F, et qu’il vend dans sa totalité à A, le droit de préemption de F porte-t-il uniquement sur la partie louée, ou s’étend-t-il sur la totalité de l’immeuble ?

C. EMERY et R. HOTZ sont d’avis que « l’objet du droit de préemption ne peut pas être plus étendu que l’objet de l’aliénation »584. Ainsi, si le droit de préemption ne porte que sur une partie de l’entreprise agricole, à l’instar des exemples ci-dessus, ou d’une partie d’immeuble agricole, le préempteur devra obtenir une autorisation de partage matériel de l’entreprise agricole, voire de l’immeuble agricole, au sens de l’art. 60 LDFR, pour pouvoir exercer son droit.

En effet, l’interdiction de partage matériel (art. 58 LDFR), qui relève du droit public, l’emporte sur le droit de préemption du parent, ou du fermier, qui relève du droit privé585.

Nous partageons l’opinion selon laquelle l’interdiction de partage matériel l’emporte sur le droit de préemption du parent, ou du fermier. D’ailleurs, si l’aliénation porte sur une partie de l’entreprise agricole, ou de l’immeuble agricole, la demande d’autorisation de partage matériel devra être faite par le vendeur pour pouvoir procéder à l’aliénation. Si cette dernière est accordée, le préempteur devrait également l’obtenir au moment de l’exercice de son droit.

Autre est toutefois la question si l’aliénation porte sur la totalité de l’entreprise agricole, voire de l’immeuble agricole, alors que le droit de préemption porte uniquement sur une partie. En effet, dans une telle hypothèse, l’intérêt du préempteur d’acquérir la totalité de l’entreprise agricole, voire de l’immeuble agricole, à la valeur de rendement, voire au double de celle-ci, ne doit-il pas primer l’intérêt du vendeur de vendre son bien au prix convenu avec le tiers acquéreur ? Nous le pensons, au regard de la

582 STUDER/HOFER, p. 50. DONZALLAZ, Traité, p. 307, Nos 2389 ss.

583 EMERY, p. 35 No 92. DONZALLAZ, Traité, p. 100, Nos 1824 ss.

584 EMERY, p. 225 No 595. Co-LDFR-HOTZ ad art. 47 No 5.

585 Message p. 963. EMERY, p. 225 No 592. REY, Neuregelung, p. 70.

481

482

483

484

LDFR qui a pour but avant tout de faciliter la reprise de l’entreprise agricole ou de l’immeuble agricole par un exploitant agricole586.

Ainsi, dans cette dernière hypothèse, nous admettons que le préempteur ait le choix d’acquérir uniquement la partie du bien qui fait l’objet de son droit, moyennant une autorisation de partage matériel, ou d’acquérir l’intégralité de l’entreprise agricole, voire de l’immeuble agricole, s’il n’obtient pas l’autorisation de partage matériel, même si le droit ne porte que sur une partie de l’objet aliéné.

Demeure par ailleurs réservé l’intérêt du vendeur d’aliéner l’immeuble dans sa totalité. En effet, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que le préempteur est tenu d’exercer son droit sur la totalité de l’immeuble si ce dernier ne peut être séparé sans préjudice pour le vendeur587.

4.2 La cession de participations majoritaires à une personne morale

Dans le cadre de la LDFR, la question de l’étendue du droit de préemption se pose en cas de cession de participations majoritaires à une personne morale au sens de l’art. 4 al. 2 LDFR, en particulier si la société exerce plusieurs activités.

C. EMERY prend l’exemple suivant : « les actifs d’une SA (propriétaires-négociants en vin) sont constitués à 80 % de vignes et bâtiments servant à l’exploitation, qui forment à eux seuls une entreprise agricole au sens de l’art. 7 ou 5 lit. a LDFR, et à 20 % de caves. Quant au rendement de ces deux activités (agricole et de transformation), il est représenté pour 10 % par le rendement des vignes et bâtiments d’exploitation, et pour 90 % par le rendement de l’encavage et du négoce »588. Cet auteur assimile « la SA donnée en exemple comme une entreprise mixte, le caractère agricole étant prépondérant. Le préempteur pourra par conséquent exercer son droit sur la totalité de l’entreprise mixte, et par analogie sur la totalité des actions aliénées »589.

Si nous approuvons le résultat auquel arrive C. EMERY, nous ne la rejoignons pas quant à son raisonnement. En effet, l’entreprise mixte et la participation majoritaire à une personne morale sont deux notions différentes, toutes deux prévues par la LDFR. Il n’y a donc pas lieu de les assimiler. En effet, une entreprise mixte, au sens de l’art. 7 al. 5 LDFR est une entreprise, qui exerce plusieurs activités, dont une activité agricole prépondérante590. Quant à la personne morale visée à l’art. 4 al. 2 LDFR, elle est composée de divers actifs, principalement d’une entreprise agricole, qui peut d’ailleurs être mixte au sens de l’art. 7 al. 5 LDFR. Ainsi l’actif de la personne morale peut être

586 DONZALLAZ, Traité, p. 89, No 1803.

587 ATF 111 II, p. 496.

588 EMERY, p. 198 No 527.

589 EMERY, p. 200 No 531.

590 DONZALLAZ, Traité, p. 479, No 2916.

485

486

487

488

489

constitué d’une entreprise mixte, mais en aucun cas assimilé à cette dernière.

Néanmoins, nous pensons qu’il est possible d’arriver aux mêmes conclusions que C. EMERY sur la base du champ d’application de l’art. 4 al. 2 LDFR.

Dès lors, soit la personne morale n’est pas soumise au champ d’application de l’art. 4 al. 2 LDFR, et le droit de préemption n’existe pas ; soit elle est soumise au champ d’application, et le droit de préemption s’exercera sur la totalité des actions. Tel sera le cas dans les hypothèses suivantes591 :

a) L’actif de la personne morale est composé exclusivement d’une entreprise agricole ;

b) l’actif de la personne morale est composé de divers actifs sans aucune interdépendance entre eux, à la condition que la valeur matérielle de l’entreprise agricole représente au moins 50 pourcent de l’actif de la société ;

c) l’actif de la personne morale est composé de divers actifs interdépendants entre eux, et les autres actifs n’ont aucune raison d’être sans l’existence de l’entreprise agricole, même si la valeur matérielle de l’entreprise agricole est inférieure à 50 pourcent de l’actif de la société ;

d) l’actif de la personne morale est composé de divers actifs interdépendants entre eux, et l’entreprise agricole n’a aucune raison d’être sans l’existence des autres actifs, mais sa valeur matérielle est supérieure à 50 pourcent de l’actif de la société.

591 Voir supra No 117. BEELER, p. 131 ss. EMERY, p. 112 No 297.

490

491

492

493

494