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DE LA MONNAIE A VALEUR INTRINSEQUE A LA MONNAIE VALEUR EN CIRCULATION

CONVENTION + VALEUR CIRCULATION = MARCHANDISE MONNAIE

2.2. La valeur intrinsèque

Dans le Traité(1803) l'analyse de la monnaie n'intervient, de façon significative, qu'après que J.-B. Say parle : "Des différentes manières de faire du commerce " et ensuite "Des débouchés " ; cette approche se fait à travers ce qui constitue "l'essence du

commerce, lequel n'est réellement autre chose que le transport des marchandises d'un lieu à un autre 1." La question heuristique à partir de laquelle il développe l'analyse de

la monnaie est : à quoi sert-elle ? A cela il répond qu'elle sert à rapprocher les gens "à

peu près de la même manière que les affiches et les feuilles d'avis qui, dans une grande ville, opèrent le rapprochement des gens qui sont dans le cas de faire des affaires ensemble 2" mais qu'elle n'est pas le but de l'échange. En fait la monnaie "ne remplit qu'un office passager dans ce double échange. Les échanges terminés, il se trouve qu'on a payé des produits avec des produits3."

Pour J.-B. Say, l'activité économique c'est d'abord une immense circulation de marchandises. Les marchandises, ce sont les richesses sociales qui ont une valeur qui leur est propre et qui sont "propriété exclusive de leurs possesseurs, tels que des terres,

des métaux, des monnaies, des étoffes, des marchandises de toutes sortes4." Dès la

première page du "Traité d'économie politique " (1803), rien ne distingue la monnaie des autres marchandises. Le fait dominant, c'est leur indifférenciation les unes à l'égard des autres relativement à un caractère commun. Elles ont une valeur, celle-ci repose sur l’utilité. Le caractère commun de ces choses que l'on échange est leur utilité, c'est "le

premier fondement de leur valeur 5. La "valeur que les hommes attachent aux choses a son premier fondement dans l'usage qu'on en fait6". Pour J.-B. Say il n'y a qu'un seul

flux, c'est celui des marchandises. Ceci est d'une grande importance pour nous qui

1 J.-B. SAY, TEP, 1°, Livre second, p. 147, idem, TEP, 6°, p. 56. 2 J.-B. SAY, TEP, 1°, Livre second, p. 152.

3 J.-B. SAY, TEP, 1°, Livre second, p. 154.

4 J.-B. SAY, TEP, 6°, 1972, Calmann-Lévy, Paris, p. 49. 5 TEP, 6°, p. 51.

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sommes habitués à raisonner en termes de flux monétaires d'une part et de flux réels d'autre part, et à penser les classiques à travers la dichotomie entre réel et monétaire.

Sur quoi se fonde cette valeur intrinsèque de la marchandise monnaie ? Tout d'abord elle relève des usages propres à une marchandise quelconque, indépendamment du rôle qu'elle peut être amenée à jouer d'intermédiaire des échanges. Il commence par noter que le support de la marchandise choisie, si l'on considère l'histoire des monnaies1, importe peu. La qualité propre à telle marchandise ne constitue pas

l'élément qui seul permet de la désigner comme monnaie. Ce point de départ chez Say est fondamental et ne se démentira pas jusqu'à sa mort à travers les différentes éditions du Traité. Il lui faut en effet combattre une opinion faussant tous les jugements de ses contemporains, celle attribuant à la monnaie la seule expression de la richesse. Cette idée fausse, élimine de ce fait la richesse véritable. La monnaie n'est qu'un cas particulier : "parmi les choses qui peuvent être données en échange de celle qu'on veut

acquérir se trouve la monnaie2". Cependant le refus d'accorder un statut privilégié à la

monnaie n'empêche pas J.-B. Say de développer longuement les différents aspects des problèmes liés à son impact dans l'activité économique.

Même si la première édition du Traité (1803) peut laisser penser le contraire, il n'y a pas chez Say de véritable distinction entre valeur et prix : ceux-ci coïncident3. Il

n'y a pas derrière les produits une réalité autre sur laquelle porterait le véritable échange, la nature de l'échange n'est pas masquée. Il n'y a pas de voile à déchirer, pour faire apparaître ce qui se passe derrière la scène mais une différence de nom : "La

quantité de monnaie que l'on consent à donner pour obtenir une chose se nomme un prix4." Le prix n'est que le nom particulier que prend la quantité de valeur échangée. S'il

faut faire une étude spéciale de la monnaie, c'est parce qu'elle est une marchandise qui

1 Say se réfère le plus souvent à DUPRE de SAINT MAUR : Essai sur les monnoies ou réflexions sur le

rapport entre l'argent et les denrées, Paris, 1746, 2 vol.

2 TEP, 6°, p. 50.

3 Sur cette question des rapports entre utilité d'un bien, valeur et mesure de la richesse voir : Alain BERAUD, Ricardo, Malthus, Say et les controverses de la seconde génération" in Nouvelle histoire de la

pensée économique, T 1, La Découverte, 1 992, p. 401-408.

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fait l'objet d'une demande particulière. Il ne s'agit pas de contredire ce qu'il vient d'énoncer, mais de montrer que toutes les complications, que ses contemporains y voient, puisent leurs sources dans le fait précisément qu'ils ne considèrent pas la monnaie comme une marchandise comme les autres. Il y a dès le départ, chez Say, un parti-pris de simplification, de démystification. Si ce parti-pris est encore plus fort là qu'ailleurs, c'est aussi que c'est là que l'on trouve (avec la balance du commerce) le plus d'idées fausses : "rien , dit-il, ne m'a plus fortement excité à écrire, je l'avoue que la

confusion des idées que l'on retrouve dans ce qui a rapport à l'économie politique, jusque chez nos plus grands écrivains 1".