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Les vésicules extracellulaires du lait 1 Le lait : un aliment fonctionnel

INTRODUCTION 1.1 Aspects générau

A. Plusieurs mécanismes peuvent mener à la formation de vésicules intraluminales (VILs) contenues dans des corps multivésiculaires (CMVs) La voie canonique implique les protéines

1.4. Les vésicules extracellulaires du lait 1 Le lait : un aliment fonctionnel

Le lait est un aliment riche et complet [286, 287]. Consommé par les adultes et indispensable au développement des nouveau-nés [288], c’est aussi un aliment fonctionnel sélectionné évolutivement pour soutenir la croissance et le système immunitaire de l’enfant [289]. Il contient de nombreuses molécules bioactives [290] parmi lesquelles on retrouve des peptides antimicrobiens [290] ainsi que des cellules immunes [291] et des anticorps [292, 293], qui participent à la défense immunitaire du petit. On y retrouve aussi des facteurs de croissance [290], des lipides et des protéines bioactives qui aident au développement du nourrisson [294].

Le lait contient également des cellules souches maternelles qui forment un microchimérisme dans le tractus digestif de l’enfant [291]. De façon surprenante, ces cellules se retrouvent parfois dans la circulation sanguine du petit et dans son cerveau [295]. Or ces cellules pluripotentes peuvent se différencier en oligodendrocytes, astrocytes, en neurones et en cellules gliales in vitro, ce qui suggère que les cellules souches maternelles participent au développement du cerveau du nourrisson [295]. Ainsi, la survie de cellules entières durant la digestion et leur internalisation par le nouveau-né supporte le transfert interindividuel, voir interespèce, des VEs.

1.4.2. Les vésicules extracellulaires : des éléments bioactifs du lait

Au cours de mes travaux de doctorat, j’ai commis une revue extensive de la littérature reprenant de façon détaillée toutes les connaissances sur les VE et les microARN du lait [296]. Cette revue est disponible en Annexe de cette thèse (Annexe 1). Je reprendrai ici quelques éléments clés de cette revue et invite le lecteur à explorer cette annexe pour plus de détails.

1.4.2.1. Origine des VE du lait

Chez l’Homme, la vache et le porc, les protéines et les transcrits contenus dans les VE sont similaires à ceux contenus dans les cellules épithéliales de la glande mammaire [297-305]. De plus, les microARN les plus enrichis dans les VE du lait sont aussi ceux nécessaires pour la lactation (p. ex. miR-148a), ce qui soutient l’origine épithéliale de certaines VE du lait [306-309]

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Néanmoins, certaines protéines des VE dérivent de cellules immunes [300, 310] et de nombreux microARN du lait (p. ex. miR-223) sont des microARN spécifiques des lignées hématopoïétiques [310-312]. Cela suggère donc que les VE du lait proviennent de toutes les cellules contenues dans les glandes mammaires [296, 313], incluant des cellules bactériennes qui libèrent des outer membrane vesicles (OMVs) dans le lait [286, 287, 314, 315].

1.4.2.2. Contenu bioactif

L’activité biologique des VE du lait dépend de leur contenu lipidique, protéique et transcriptomique.

Lipides

Il y a très peu de données sur les lipides des VE du lait. Elles sont entourées de phospholipides et de phosphoglycérides (phosphatidyléthanolamine et phosphatidylsérine), très enrichies en sphingomyéline, contiennent du cholestérol et très peu de triglycérides [316]. Bien que cela soit encore à démontrer, il est possible qu’elles contiennent aussi des dérivés de l’acide arachidonique et des eicosanoïdes, qui sont des médiateurs de la réponse inflammatoire souvent enrichis dans les VE [241].

Protéines

Les VE du lait contiennent, entre autres, des protéines associées aux cellules mammaires (XDH, MFGE-8, BTN1H1), mais aussi de nombreuses protéines vésiculaires (TSG-101, Alix, HSP70, CD9, CD63 and CD81). Des prédictions in silico impliquent ces protéines dans la modulation de l’immunité innée et adaptative, de l’inflammation, de la prolifération et du cycle cellulaire [296].

ARN

Les VE du lait contiennent des ARNm qui peuvent être traduits en protéines dans les cellules réceptrices [317], de longs ARNs non codants et leurs fragments (longs ARNnc, ARN ribosomaux, ARNt, etc.) et de nombreux microARN [296, 317]. Il est aussi probable qu’on y

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retrouve des ARNs viraux [318, 319] et que les OMVs bactériennes dans le lait transportent de petits ARNs non codants [320, 321].

MicroARN du lait

Il y a plus de 1 400 microARN différents dans le lait. Les microARN les plus abondants (Top 10, Figure 1.11) sont similaires d’un individu à l’autre (Figure 1.11A), mais parfois aussi entre les espèces (Figure 1.11B). C’est notamment le cas du miR-148a, le microARN le plus enrichi dans le lait de toutes les espèces étudiées (figure 1.11 A-B)[296].

Figure 1.11. Rang d’abondance des microARN du lait.

Compilation des 10 microARN les plus enrichis dans le lait, tel que rapporté par plusieurs études ayant mené des séquençages à haut débit des petits ARNs dans le lait maternel (A, 10 séquençages, 9 études) ou d’autres espèces dont l’Homme consomme le lait (B, 12 séquençages, 5 études). Les microARN présents uniquement dans une seule étude ont été retirés. Figure tirée de Benmoussa et al. 2019 [296].

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1.4.2.3. Bioaccessibilité des VE et des microARN du lait

Les VE du lait transportent donc de nombreux composés bioactifs. Néanmoins, afin d’être fonctionnels, ces composés doivent résister à la digestion, être internalisés et transmis à leurs cellules cibles [322].

La bioaccessibilité correspond à la quantité d’un composé qui est libérée après digestion de la matrice laitière dans le tractus digestif et disponible pour l’absorption [322-326]. On y réfère parfois comme la « survivabilité » des composés étudiés [327].

D’après plus d’une trentaine d’études à ce jour, le plus souvent in vitro, les VE du lait sont bioaccessibles et peuvent être internalisées par des cellules humaines ou transportées au travers de couches de cellules in vitro après digestion [296].

De la même manière, les microARN du lait sont bioaccessibles et résistent aux différentes conditions physiques et chimiques défavorables pour les acides nucléiques qui existent lors du traitement du lait (pasteurisation, homogénéisation) ou lors de la digestion [296].

1.4.2.4. Biodisponibilité et bioactivité des VE et des microARN du lait

La biodisponibilité d’un élément correspond à son absorption/assimilation dans les cellules épithéliales digestives et aux modifications qu’il subit avant d’être internalisé [322-326]. Pour les VE du lait, cette notion correspond à leur détection dans la circulation corporelle et dans différents organes cibles [326, 328-330]. Cette terminologie n’inclut pas leur fonction biologique qui, elle, correspond à la bioactivité des VE [296, 331-333].

D’après les études les plus récentes, les VE du lait semblent biodisponibles chez l’homme et les modèles animaux, après consommation de concentrés de VE ou simplement de lait [296].

Par exemple, les VE du lait ont été détectées dans le plasma de sujets humains, dans leurs cellules immunitaires [334] et dans le foie, la rate, les poumons, le tractus digestif et même le cerveau de souris après ingestion [328, 334-336]. De récentes données suggèrent aussi une internalisation par des bactéries [337].

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Vingt et une études centrées la bioactivité des VE du lait maternel ou de différentes espèces (rat, chameau, vache, etc.) ont rapporté différents effets de ces VE sur la santé ou l’activité des cellules in vitro et in vivo [296]. Les VE du lait ont diminué l’inflammation dans deux modèles de polyarthrite rhumatoïde ; ont eu des effets notables sur la prolifération cellulaire ; la différenciation de cellules immunitaire et la modulation de l’inflammation locale ou systémique [296, 317]. Elles ont aussi prévenu l’infection par le VIH in vitro, ont soutenu le développement et le maintien du tractus digestif, des os et des muscles, du système nerveux central et de la cognition. Elles ont aussi diminué le stress oxydatif, la charge tumorale dans différents modèles de cancers et ont agi en synergie avec différentes drogues anticancéreuses comme le paclitaxel, le célastrol ou la curcumine qu’elles protègent durant la digestion [296, 317].

De plus, ces VE semblent biocompatibles, c’est à dire ne présentent aucun effet néfaste notable, lorsque prises dans un cadre physiologique [335, 338, 339].

Les microARN du lait semblent aussi être biodisponibles, mais les données recueillies jusqu’à présent restent contradictoires à cause de la conservation des microARN entre les individus et les espèces. Avec des résultats positifs et négatifs, ces données alimentent une controverse depuis plus de 8 ans maintenant. De la même manière, la bioactivité des microARN du lait reste à démontrer, notamment in vivo. Si tel était le cas, les travaux in silico prédisent que les microARN du lait participeraient au développement du système immunitaire et du métabolisme cellulaire [296].

Ainsi, les VE et les microARN du lait sont probablement bioactifs lorsqu’ingérés, auquel cas ils auraient des effets marqués sur l’inflammation et le système immunitaire de l’enfant ou du consommateur adulte.

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1.5. Le système digestif : un équilibre fragile