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Vérification des hypothèses sur les mécanismes d’endommagement d’un CMC

CHAPITRE 3 : CARACTÉRISATION DU COMPORTEMENT MÉCANIQUE ET ÉTUDE DES

3. CARACTÉRISATION MÉCANIQUE D’UN CMC NEXTEL™610/ALUMINE À RENFORT

3.3. Vérification des hypothèses sur les mécanismes d’endommagement d’un CMC

d’endommagement d’un CMC Nextel™610/alumine à renfort

tissé bidimensionnel par comparaison avec des essais in situ

dans un MEB

Des essais de traction in situ ont été réalisés dans un MEB dans le but, d’une part, de vérifier les hypothèses émises quant aux mécanismes d’endommagement du matériau et, d’autre part, d’obtenir des informations sur la chronologie des évènements. Cette technique permet notamment d’observer des éprouvettes sous charge, ce qui permet de s’affranchir des problèmes de fermeture de fissures lors d’un retour à contrainte nulle, comme dans le cas d’observations post mortem d’éprouvettes sollicitées à différents niveaux de contrainte.

La section de la zone utile des éprouvettes utilisées (3 mm x épaisseur) étant inférieure à celle du VER du matériau (8 mm x épaisseur), les résultats sont à considérer avec précaution. De plus, compte tenu de la force maximale applicable lors de ces essais (2 kN), il n’a pas été possible d’atteindre la rupture dans la totalité des cas.

Les essais de traction in situ ont notamment permis de constater que, dès 20 % de la contrainte maximale à rupture, des fissures matricielles inter-torons apparaissent. Dans certains cas, ces fissures se propagent à partir de torons transversaux mal imprégnés de matrice (macropores intra-torons), ce qui laisse penser que la porosité de ces torons est à l’origine de fissures inter-torons (inter- ou intra- plis). La fissuration matricielle inter-torons, qui semble être amorcée dans la matrice ou dans les macropores transversaux, est un phénomène présent jusqu’à la rupture du matériau.

À de telles contraintes, des fissures préexistantes dans le matériau en sortie d’élaboration s’ouvrent et des fissures matricielles inter-torons apparaissent, comme on peut le constater sur les micrographies de la Figure 73.

Figure 73 Observations sur chant lors d’un essai de traction in situ dans un MEB : apparition de fissures matricielles, à partir des macropores de torons transversaux.

Par ailleurs, dès 6 % de la contrainte maximale à rupture, certains torons longitudinaux commencent à se redresser. A d’aussi faibles contraintes, ce phénomène n’a été observé que sur des torons autour desquels des macropores et des torons transversaux mal imprégnés de matrice étaient présents. Cette « mobilité » peut s’expliquer par le manque de matrice, censée assurer la cohésion des torons.

À 30 % de la contrainte à rupture, sur certaines éprouvettes, les torons longitudinaux situés sur les faces externes des éprouvettes se redressent, provoquant des décohésions fibres/matrice autour des torons longitudinaux mais aussi autour et dans des torons transversaux accolés à ces torons longitudinaux. En évoluant, ce phénomène peut conduire au délaminage. Ce phénomène est visible en Figure 74. Ce redressement induit un rapprochement des fibres du toron, signalé par des flèches.

0 MPa 239 MPa

112 MPa 271 MPa

Figure 74 Observations sur chant lors d’un essai de traction in situ dans un MEB : redressement d’un toron.

Il faut par ailleurs noter que, la largeur des éprouvettes étant faible (3 mm), ce phénomène de redressement des torons longitudinaux est plus susceptible de survenir dans ces éprouvettes que dans des éprouvettes macroscopiques. En effet, dans ces dernières, la mobilité des torons transversaux est très limitée, ce qui par conséquent empêche les torons longitudinaux de se redresser. A contrario, dans les éprouvettes d’essais in situ de faible largeur observées sur chant, donc dans un état de contrainte plane, les torons transversaux peuvent s’onduler plus facilement sous l’effet du redressement des torons longitudinaux.

Enfin, à 75 % de la contrainte à rupture, des phénomènes de délaminage sont visibles : des fissures se propagent le long de torons longitudinaux et s’ouvrent.

3.4. Proposition d’un scénario d’endommagement d’un CMC

Nextel™610/alumine à renfort tissé bidimensionnel sollicité en

traction

Sous l’effet d’une sollicitation mécanique en traction, le principal mode de dégradation des CMC Nextel™610/alumine est le délaminage. Les différentes observations au MEB réalisées post mortem sur des éprouvettes sollicitées jusqu’à rupture, ainsi que sur des éprouvettes sollicitées à différents niveaux de contrainte, ont permis de proposer le scénario d’endommagement suivant : sous l’effet d’un chargement en traction, les fissures perpendiculaires à la direction de sollicitation situées dans les zones inter-torons riches en matrice se propagent tout d’abord jusqu’aux torons avoisinants (cf. Figure 75.b et Figure 75.c), dans une direction perpendiculaire à celle de la sollicitation mécanique. Il en va de même des fissures amorcées au niveau des macropores. Il peut s’agir de fissures préexistantes dans le matériau après élaboration (cf. Figure 75.a) ou de fissures engendrées par le chargement mécanique. Au contact des fibres situées en périphérie des torons, ces fissures matricielles sont déviées au niveau de l’interface fibre/matrice (cf. Figure 75.c). Elles se propagent alors en périphérie des torons en suivant le contour des fibres (cf. Figure 75.d).

Ces fissures se propagent ainsi le long des torons longitudinaux et autour des torons transversaux, dans le cas d’une sollicitation dans la direction des fibres, et en périphérie de la totalité des torons dans le cas d’une sollicitation hors-axes. Les fissures se propagent d’un toron à un autre soit (i) en suivant le contour de torons qui sont en contact direct, la propagation se faisant dans ce cas le long de l’interface fibre/matrice, soit (ii) par une propagation dans les zones matricielles inter- torons, suite à quoi la fissure sera de nouveau déviée en atteignant la périphérie d’un autre toron.

Ces fissures « périphériques » se propagent ensuite au sein des torons transversaux, dans le cas d’une sollicitation dans la direction des fibres, et dans la totalité des torons, dans le cas d’une sollicitation hors-axes. Ces fissures intra-torons se propagent dans des directions parallèles à celles du chargement, au niveau de l’interface fibre/matrices de fibres accolées d’un même toron (cf. Figure 75.e et Figure 76.b).

0 MPa 92 MPa

52 MPa 105 MPa

66 MPa 118 MPa

Figure 75 Schématisation des mécanismes d’endommagement successifs d’un CMC Nextel™610/alumine à renfort tissé bidimensionnel sollicité en traction. a. Matériau après élaboration. b. Ouverture et propagation d’une fissure préexistante et création de nouvelles fissures matricielles en périphérie des macropores. c. Au contact des fibres, les fissures matricielles sont déviées à l’interface fibre/matrice. d. Propagation des fissures en périphérie des torons longitudinaux et transversaux. e. Propagation de fissures au sein des torons longitudinaux et transversaux.

Certaines fissures perpendiculaires au plan des plis, situées initialement dans les zones inter- torons riches en matrices, se propagent par ailleurs au sein des torons, dans une direction perpendiculaire à celle du chargement, sans se propager autour des torons. Cela semble se produire lorsque les fibres du toron sur lequel « arrive » une fissure sont éloignées les unes des autres (cf. Figure 76.b). Dans ce cas, les fibres situées en périphérie du toron ne sont pas assez proches les unes des autres pour que la fissure soit déviée de proche en proche au niveau de l’interface fibre/matrice de fibres voisines. La fissure pénètre ainsi au sein du toron et se propage dans une direction perpendiculaire au chargement, de fibre en fibre, une fois encore au niveau de l’interface fibre/matrice.

Figure 76 Propagation d’une fissure « arrivant » sur un toron lorsque : a. les fibres sont en contact, b. les fibres ne sont pas en contact.

Les fissures situées dans les zones matricielles intra-torons longitudinaux, perpendiculaires à la direction de sollicitation, sont déviées au contact de l’interface fibre/matrice. Comme dans le cas des fissures matricielles inter-torons mentionnées précédemment, les fissures matricielles intra-torons peuvent être dues au procédé d’élaboration ou à la sollicitation mécanique. Au contact de l’interface fibre/matrice, ces fissures se propagent alors le long des fibres des torons longitudinaux. Les fibres d’un même toron sont dès lors indépendantes les unes des autres. Ainsi, lorsqu’une fibre casse, cela n’entraîne pas la rupture des autres fibres du toron auquel elles appartiennent.

Dans le cas d’une sollicitation dans la direction des fibres, les torons longitudinaux sont ceux qui assurent la résistance mécanique du CMC. Sous l’effet du chargement mécanique, la propagation de fissures au niveau de l’interface fibre/matrice, autour et dans les torons longitudinaux, conduit à une désolidarisation des fibres de la matrice. Les fibres longitudinales sont alors les seules à supporter le chargement mécanique.

Dans le cas d’une sollicitation dans une direction hors-axes, les fibres ne sont pas sollicitées dans leur direction et ne peuvent supporter un chargement mécanique aussi important que dans le cas d’une sollicitation dans leur direction. Comme dans le cas précédent, la propagation de fissures à l’interface fibre/matrice conduit à une désolidarisation des fibres de la matrice et seules les fibres supportent le chargement mécanique.

Dans les deux cas, le matériau cède lorsque le nombre de fibres supportant le chargement mécanique devient insuffisant.