• Aucun résultat trouvé

Comportement en traction dans la direction des fibres

CHAPITRE 3 : CARACTÉRISATION DU COMPORTEMENT MÉCANIQUE ET ÉTUDE DES

3. CARACTÉRISATION MÉCANIQUE D’UN CMC NEXTEL™610/ALUMINE À RENFORT

3.1. Variabilité des courbes de comportement en fonction de la méthode d’extensométrie utilisée et

3.2.2. Comportement en traction dans la direction des fibres

Dans cette partie, les résultats des essais de traction monotone à rupture, traction interrompue et traction incrémentale réalisés dans la direction des fibres sont présentés et analysés dans le but de déterminer les propriétés mécaniques du matériau ainsi que ses mécanismes d’endommagement lorsqu’il est sollicité dans une direction où les fibres assurent sa résistance mécanique.

Les essais de traction monotone à rupture ont été réalisés dans les directions 0° (direction chaîne) et 90° (direction trame). Dans la direction 0°, neuf éprouvettes provenant de six plaques

Largeur des éprouvettes (mm) Contrainte maximale (MPa) Déformation longitudinale à la contrainte max (%) Module de Young * (GPa) 10 (4 éprouvettes) 281 ± 10 0,39 ± 0,08 124 ± 17 12 (6 éprouvettes) 272 ± 33 0,34 ± 0,09 117 ± 26 25 (4 éprouvettes) 281 ± 9 0,37 ± 0,07 130 ± 8 * détermination graphique

différentes ont été sollicitées tandis que, dans la direction 90°, cinq éprouvettes provenant d’une même plaque ont été sollicitées.

Les essais de traction monotone à rupture réalisés dans la direction des fibres ont permis de déterminer des contraintes à rupture et des seuils d’endommagement (et leurs déformations associées) ainsi que des modules de Young et des coefficients de Poisson dont les valeurs moyennes sont récapitulées dans le Tableau 8.

Tableau 8 Propriétés mécaniques d’un CMC Nextel™610/alumine à renfort bidimensionnel sollicité en traction monotone à rupture dans les directions chaîne (0°) et trame (90°).

Les contrainte et déformation au seuil d’endommagement déterminées graphiquement sont nettement supérieures aux valeurs estimées à partir de la loi des mélanges (28 ± 2 MPa et 0,2 %) appliquée à partir des propriétés des fibres et de la matrice. Cette différence peut s’expliquer par les nombreuses approximations qui sont faites dans le cas du calcul, normalement applicable à des plis unidirectionnels, ce qui n’est pas le cas du CMC oxyde/oxyde à renfort bidimensionnel étudié.

La comparaison entre les propriétés mécaniques du CMC Nextel™610/alumine à renfort bidimensionnel élaboré à l’Onera et celles de CMC à renforts tissés bidimensionnels Nextel™610 et Nextel™720 et à matrices d’alumine, alumine-silice et alumine-mullite, synthétisées dans le Tableau 9, montre que le CMC étudié présente, de manière générale, des propriétés mécaniques plus élevées que celles des matériaux décrits dans la littérature.

Contrainte maximale (MPa) Déformation longitudinale à la contrainte max (%) Contrainte seuil d'endommagement * (MPa) Déformation longitudinale au seuil d'endommagement (%) Module de Young * (GPa) Coefficient de Poisson ν12 Traction 2D 0° : 9 essais, 6 plaques 260 ± 37 0,30 ± 0,09 48 ± 8 0,04 ± 0,01 134 ± 19 0,19 ± 0,04 Traction 2D 90° : 5 essais, 1 plaque 207 ± 30 0,19 ± 0,03 44 ± 6 0,03 ± 0,01 147 ± 9 * détermination graphique

Tableau 9 Comparaison entre les propriétés mécaniques du CMC Nextel™610/alumine développé à l’Onera et celles de composites oxyde/oxyde à renforts tissés bidimensionnels Nextel™ et à matrice à base d’alumine sollicités dans la direction des fibres [6] [14] [21] [11] [13] [20] [25] [36].

Les seuils d’endommagement ne sont pas indiqués dans la littérature. Une approximation graphique de ce seuil à partir des courbes de comportement communiquées permet néanmoins d’estimer que les contraintes seuils sont comparables (mais avec des modules de Young différents).

Le matériau présentant le plus de similarités avec le matériau étudié est un CMC Nextel™610/monazite/alumine décrit par Jackson et al. [14] et composé d’un empilement [(0°/90°)]2S. Le taux volumique de fibres du CMC est de 37 ± 7 %, son taux de porosité de 35 % et celui de la matrice seule se situe entre 45 et 50 %. Le revêtement de monazite permet d’accroître considérablement les propriétés mécaniques du matériau [14]. Ces valeurs sont différentes de celles mesurées sur le CMC élaboré à l’Onera et qui valent, respectivement, 49 %, 24 ± 2 % et 32 ± 1 % (porosimétrie au mercure). La faible valeur du module de Young du CMC étudié par Jackson et al. [14] par rapport au CMC élaboré à l’Onera peut s’expliquer par un taux volumique de fibres plus faible et un taux de porosité matricielle plus élevé, associé à une interphase de monazite : on peut supposer qu’à faible contrainte, dès le début de la sollicitation en traction, les fibres se désolidarisent de la matrice, ce qui permet aux torons longitudinaux de s’allonger. Ce phénomène, associé à la fissuration matricielle, entraîne un allongement de l’éprouvette plus important que si les fibres, restées solidaires de la matrice, ne pouvaient se redresser, et le module de Young est donc moins important. Contrainte max (MPa) Déformation longitudinale à la contrainte max (%) Module de Young (GPa) Taux de fibres (Vf) et de porosité (Vp) Nextel™610/alumine (Onera) (0°) 260 ± 37 0,30 ± 0,09 134 ± 19 Vf = 50 % Vp = 24 ± 2 % Nextel™610/alumine-mullite (Levi et al. , 1998) > 200 0,27 100 Vf = 36 ± 4 % Nextel™610/alumine (Ruggles-Wrenn et al. , 2006) 117 0,09 129 Vf = 51,6 % Nextel™610/mullite (Simon, 2005) 290 - 310 0,25 - 0,32 104 - 110 Vf = 48 ± 1 % Vp = 23 ± 1 % Nextel™610/alumine-silice

(Jurf et al. , 2000) 366,1 non communiquée 124,1 Vf = 51 %

Nextel™610/monazite/alumine

(Jackson et al. , 2007) 105 0,2 64

Vf = 37 ± 7 %

Vp = 35 %

Nextel™720/alumine COI Ceramics

(Ruggles-Wrenn et al. , 2006) 169 0,35 60

Vf = 44 %

Vp = 24 %

Nextel™720/alumine COI Ceramics

(Mall et al. ) 145 0,25 70

Vf = 44 %

Vp = 24 %

Nextel™720/alumine-mullite

(Levi et al. , 1998) 140 non communiquée 60 Vf = 36 ± 4 %

Nextel™720/alumine-mullite (Carelli et al. , 2002) 145 ± 8 0,26 ± 0,03 60 Vf = 39 % Vp = 38 % Nextel™720/mullite (Simon, 2005) 195 - 205 0,35 - 0,6 68 - 74 Vf = 45 ± 1 % Vp = 25 ± 1 % Nextel™720/alumine-silice (Jurf et al. , 2000) 179 0,3 76,5 Vf = 48 % Fibres Nextel™610 Fibres Nextel™720

Les courbes de comportement mécanique obtenues pour des sollicitations dans les directions 0° (direction chaîne) et 90° (direction trame) sont présentées en Figure 53. On remarque que la dispersion des résultats est plus importante dans le cas de la traction à 0° que dans le cas de la traction à 90°. Ceci est certainement dû au fait que, dans la direction 90°, seules cinq éprouvettes, qui plus est, provenant de la même plaque, ont été sollicitées alors que, dans le cas de la traction à 0°, un nombre plus important d’éprouvettes (neuf) provenant de six plaques différentes a été testé. Il est cependant important de noter que des résultats obtenus sur des éprouvettes découpées côte à côte dans une même plaque peuvent être différents. Ces deux observations permettent de mettre en évidence que (i) les propriétés mécaniques en traction dans la direction des fibres d’un CMC Nextel™610/alumine à renfort tissé bidimensionnel varient d’une plaque à l’autre et (ii) les propriétés mécanique du matériau varient au sein d’une même plaque (cf. Figure 55 éprouvettes 10- 1 et 10-2). Cette hétérogénéité des propriétés mécaniques reflète celle de la microstructure du matériau et est probablement imputable au procédé d’élaboration, à l’origine de nombreux macropores. Compte tenu de ces observations, il semble pertinent de préconiser un examen CND (thermographie IR ou C-Scan) sur les plaques réalisées, avant découpe.

Par ailleurs, les bonnes propriétés mécaniques du matériau Onera peuvent s’expliquer par son taux de fibres élevé.

Figure 53 Comportement mécanique d’un CMC Nextel™610/alumine à renfort tissé

bidimensionnel sollicité en traction dans les directions 0° (direction chaîne) et 90° (direction trame).

Les modules de Young obtenus dans la direction 90° (147 ± 9 GPa) sont légèrement plus élevés que ceux obtenus dans la direction 0° (134 ± 19 GPa). La contrainte à rupture moyenne (contrainte maximale moyenne) dans la direction 90° (207 ± 30 MPa) est par ailleurs bien plus faible que celle obtenue dans la direction 0° (260 ± 37 MPa). Cela indique que le matériau n’est pas symétrique. Cette différence peut être attribuée à un tissage asymétrique et à l’ondulation des fibres dans la direction 90°, plus marquée que dans la direction 0°. Sous l’effet de la sollicitation mécanique, les torons longitudinaux ne peuvent ainsi pas se « redresser » et supportent donc moins bien le chargement mécanique que s’ils étaient moins ondulés. Une schématisation du redressement des fibres longitudinales sous l’effet d’une sollicitation en traction est représentée en Figure 54. Concernant l’ondulation des fibres, il faut noter que, en se redressant, les torons longitudinaux accroissent l’ondulation des torons transversaux. Ce phénomène peut par conséquent mener au délaminage. 0 50 100 150 200 250 300 350 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 Co n tr ai n te (M P a) Déformation longitudinale (%) Traction 0° Traction 90°

Figure 54 Schématisation du redressement des torons longitudinaux sous l’effet d’une sollicitation en traction. a. Matériau « au repos ». b. Redressement d’un toron longitudinal sollicité en traction.

Une autre explication plausible est que les éprouvettes sollicitées dans la direction 90° proviennent toutes de la même plaque : la faible déformation à rupture observée sur ces éprouvettes peut être due à la mauvaise qualité de cette plaque, n’étant ainsi pas représentative du matériau.

On remarque par ailleurs qu’il est possible de distinguer trois domaines sur ces courbes de comportement. Un tel fractionnement est représenté en Figure 55. Sur la totalité des courbes, on observe un premier domaine linéaire, qui correspond au domaine élastique, et un deuxième domaine quasi-linéaire. Le troisième domaine des courbes peut être quasi-linéaire ou non linéaire, avec une concavité plus ou moins marquée. Entre chacun de ces domaines, la concavité des courbes est marquée. Le terme quasi-linéaire est utilisé ici pour décrire une portion de courbe dont la tangente semble constante.

Figure 55 Fractionnement en trois domaines des courbes de comportement mécanique d’un CMC Nextel™610/alumine à renfort tissé bidimensionnel sollicité en traction dans la direction 0°.

La fin du domaine élastique marque en général le seuil d’endommagement du matériau (cf. Figure 35). À ce stade, les premiers endommagements matriciels apparaissent. Il peut par exemple s’agir de fissuration de la matrice, de propagation de fissures préexistantes dans le matériau après élaboration ou de décohésion fibre/matrice. Le premier endommagement peut varier d’une éprouvette à l’autre et il est difficile de savoir précisément à quoi il correspond. Ce premier endommagement peut également survenir à une contrainte inférieure à celle correspondant à la fin

0 50 100 150 200 250 300 350 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 C o n tr ai n te (M P a) Déformation longitudinale (%) 10-1 12-1 10-2

du domaine élastique mais ne pas avoir d’impact sur le comportement mécanique du matériau. Il est alors difficile de savoir quand il survient exactement. On considèrera donc que le seuil d’endommagement correspond à la fin du domaine élastique.

La seconde concavité de la courbe, en fin du deuxième domaine quasi-linéaire, marque un deuxième seuil d’endommagement. On peut supposer qu’il s’agit (i) du seuil d’endommagement des fibres ou (ii) d’un début de délaminage. Dans le cas de la première hypothèse, les premières fibres commenceraient alors à se rompre sous l’effet du chargement mécanique.

Enfin, avant la rupture finale du matériau, les courbes de comportement de certaines éprouvettes perdent leur quasi-linéarité. Ceci témoigne d’une forte augmentation de l’endommagement avant la rupture.

La portion des courbes de comportement correspondant au domaine élastique est difficile à déterminer sur le composite Nextel™610/alumine étudié. Que les déformations soient mesurées par CIN ou avec un extensomètre à couteaux, les premiers points de mesure semblent souvent aberrants et il n’est pas toujours aisé de reconnaître ceux qui correspondent à des artefacts dus aux conditions d’essais et qui peuvent ainsi être éliminés. Contrairement aux normes disponibles pour l’étude des CMO, la norme ASTM C 12475-00 traitant des essais de traction sur CMC ne définit pas clairement quelle partie des courbes contrainte-déformation il est possible d’éliminer pour délimiter précisément le domaine élastique (première partie linéaire de la courbe). Dans cette thèse, le domaine élastique est délimité par le tracé d’une droite tangente à la courbe et passant par l’origine, en supprimant les points aberrants de début d’essai si nécessaire. Une régression linéaire est ensuite réalisée sur les points de la courbe de comportement correspondant au domaine élastique. Le module de Young est alors défini comme étant la pente de cette droite. Dans le cas où la tangente à la courbe de comportement ne passe pas par l’origine, une régression linéaire affine est réalisée et le module correspond à la pente de cette droite. Cette méthode est subjective et les propriétés mécaniques qui en découlent, en particulier le seuil d’endommagement, peuvent donc différer d’une mesure à l’autre. Afin de vérifier la pertinence de ces calculs de modules de Young, une autre méthode de calcul des modules a été utilisée : des régressions linéaires ont été réalisées sur les points des courbes de comportement compris entre 10 MPa et 35 MPa. Cette gamme de contrainte est en effet incluse dans le domaine élastique de la totalité des éprouvettes. Les modules obtenus par cette méthode sont très proches de ceux obtenus avec la première méthode et on peut en déduire que la méthode graphique est pertinente.

Afin de nous assurer de l’exactitude des seuils d’endommagement déterminés graphiquement à partir des courbes de comportement, les évolutions des modules tangents en fonction de la contrainte appliquée ont été analysées.

Figure 56 Évolution des modules tangents pour des essais de traction monotone à rupture réalisés dans direction 0° sur des CMC Nextel™610/alumine à renfort tissé bidimensionnel.

Les brusques pertes de module suivies d’un palier puis, dans certains cas, d’une seconde perte de module importante semblent confirmer l’hypothèse selon laquelle le matériau s’endommage fortement en sortie de domaine élastique. Entre environ 70 MPa et 200 MPa, l’endommagement semble évoluer de manière linéaire. Une légère décroissance est cependant à noter. Enfin, sur certaines éprouvettes, une importante perte de module survient avant la ruine du matériau, témoignant d’une augmentation soudaine de l’endommagement.

Le suivi d’endommagement par EA n’a, dans le cas des CMC oxyde/oxyde étudiés, pas été concluant. Il n’a en effet pas été possible de corréler les variations de l’énergie acoustique cumulée avec les courbes de comportement ou les variations de modules (y compris pour le seuil d’endommagement). L’adaptation des paramètres d’acquisition des signaux acoustiques aux matériaux étudiés sera nécessaire pour les études futures portant sur ces matériaux.

Dans le but de suivre l’endommagement du matériau, et notamment de déterminer le seuil d’endommagement pour une sollicitation en traction, un suivi d’endommagement passif par thermographie IR a été réalisé sur certaines éprouvettes. Comme on peut le constater sur la Figure 57, l’endommagement ne peut être détecté que très tardivement, à une contrainte correspondant à 99,4 % de la contrainte à rupture de l’éprouvette, et il n’a ainsi pas été possible de déterminer les seuils d’endommagement des éprouvettes. Les acquisitions des données de thermographie IR et de contrainte n’étant pas synchronisées pour ces essais, la correspondance entre l’instant de détection de l’endommagement en thermographie IR et la contrainte correspondante a été établie en post-traitement.

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 0 50 100 150 200 250 300 350 M o d u le t an ge n t (G P a) Contrainte (MPa) 10-1 10-2 11-1 11-2 12-1 13-1 24-1 24-2 25-1

Figure 57 Suivi d’endommagement passif par thermographie IR lors d’un essai de traction monotone à rupture dans

la direction 0° : l’endommagement n’a pu être détecté qu’à 99,30 % de la contrainte à rupture (σrupture) de

l’éprouvette.

Enfin, toujours dans le but d’estimer le seuil d’endommagement et de suivre les mécanismes d’endommagement du matériau soumis à une sollicitation mécanique, des observations sur chant ont été réalisées à différentes contraintes de sollicitation sur la totalité des éprouvettes. Cette méthode permet en effet de détecter et suivre l’endommagement, en particulier la fissuration, qui apparait sur la tranche de l’éprouvette. Il est ainsi possible d’avoir une approximation du seuil d’endommagement. Cette approximation n’est cependant pas précise étant donné qu’elle ne concerne que la tranche des éprouvettes et qu’elle ne donne accès à aucune information concernant l’endommagement apparaissant au sein de l’éprouvette. Lorsque cette méthode est utilisée, les chants d’éprouvettes sont en général polis afin de faciliter les observations. Cependant, dans le cas des CMC oxyde/oxyde (à renfort bi- ou tridimensionnel), le polissage n’a pas été possible pour les raisons mentionnées dans le chapitre précédent. Les observations, réalisées au grandissement maximal permettant d’observer la tranche des éprouvettes à différentes contraintes, n’ont pas permis de détecter le seuil d’endommagement du matériau : très peu de fissures, voire aucune, sont apparues sur le chant des éprouvettes entre le début de la sollicitation et la rupture.

Ces observations au microscope optique réalisées lors des essais n’ayant pas permis de suivre l’endommagement ni d’en comprendre les mécanismes, il a été nécessaire d’avoir recours à des observations au MEB.

Ainsi, des essais de traction interrompue ont été réalisés dans le but de déterminer l’évolution de l’endommagement dans des éprouvettes sollicitées à différents niveaux de contrainte dans la direction 0°. Les contraintes d’arrêt ont été fixées à partir des courbes de comportement obtenues sur des éprouvettes sollicitées en traction monotone à rupture. Le but était de pouvoir réaliser des observations au MEB sur des éprouvettes sollicitées à une contrainte légèrement supérieure au seuil d’endommagement afin d’observer les premiers endommagements, à une contrainte légèrement inférieure à la contrainte à rupture pour observer un endommagement quasi-maximal, ainsi que des éprouvettes sollicitées à une, voire plusieurs, contrainte(s) intermédiaire(s) dans le but de « suivre » l’évolution de cet endommagement. L’analyse morphologique d’éprouvettes sollicitées à des contraintes inférieures à la contrainte à rupture présente néanmoins un désavantage dont il faut tenir compte : il est possible, et même très probable, que des fissures se referment lors du retour à une contrainte nulle. Les endommagements causés par la sollicitation mécanique peuvent alors ne pas être visibles.

Cinq éprouvettes provenant de quatre plaques ont ainsi été sollicitées à des niveaux de contrainte différents. Les contraintes d’arrêt valent, dans la direction 0°, 58 MPa, 154 MPa, 165 MPa et 220 MPa et correspondent, respectivement, à 22 %, 59 %, 63 % et 85 % de la contrainte à rupture moyenne calculée à partir des essais de traction monotone à 0°.

Afin de nous assurer de la pertinence du choix des éprouvettes sollicitées en traction interrompue, les courbes de comportement obtenues lors de ces essais ont été comparées à celles obtenues lors des essais de traction monotone à rupture. Comme on peut le constater sur le graphique de la Figure 58, les courbes de traction interrompue se fondent dans le faisceau de courbes de traction monotone à rupture. Le module de Young moyen des éprouvettes sollicitées en traction interrompue vaut 140 ± 7 GPa et est très proche de celui obtenu en traction monotone à

rupture (134 ± 19 GPa). Ces informations laissent penser que l’observation au MEB de ces éprouvettes est en mesure de fournir des informations pertinentes quant à l’évolution de l’endommagement dans le matériau Nextel™610/alumine sollicité en traction.

Figure 58 Comparaison entre les courbes de comportement mécanique d’éprouvettes sollicitées en traction monotone à rupture et à différents niveaux de contrainte, dans la direction 0°.

Sur les éprouvettes sollicitées à une contrainte inférieure à 220 MPa, les observations au MEB n’ont révélé que peu d’endommagement. La zone utile des éprouvettes ne présentait pas d’endommagement flagrant. Des fissures perpendiculaires au plan des plis, situées principalement dans les zones riches en matrice, étaient visibles sur la totalité des éprouvettes. En réalisant des observations post mortem, il n’est pas possible de savoir si les fissures matricielles que l’on observe sont dues à la propagation de fissures matricielles préexistantes sur le matériau après élaboration (dues au procédé d’élaboration, Figure 38.e) ou si elles résultent de la sollicitation mécanique. Comme on peut le constater sur la micrographie présentée en Figure 59.a, les fissures ne semblent pas se propager autour des fibres lorsqu’elles sont en contact avec des torons, ce qui va à l’encontre du principe même des CMC à matrice faible. De plus, les nombreux macropores ne semblent pas, à ces contraintes, être le point de départ de fissures. Cela laisse penser que, bien que le seuil d’endommagement moyen du matériau ait été dépassé, l’éprouvette observée semble n’avoir été que peu endommagée par la sollicitation mécanique. On peut également émettre l’hypothèse que les fissures créées par la sollicitation mécanique se sont refermées lors du retour à une contrainte nulle.

Sur l’éprouvette sollicitée à 220 MPa, une zone endommagée était facilement repérable dans la zone utile de l’éprouvette, contrairement aux éprouvettes sollicitées à des contraintes inférieures. Plusieurs types d’endommagement sont visibles en Figure 59.b. Il s’agit plus particulièrement de la propagation de fissures le long de torons longitudinaux et autour de torons transversaux, ainsi que la propagation de fissures matricielles à travers des torons transversaux. On remarque aussi de nombreuses fissures reliées à des macropores. Ces observations sont semblables à celles réalisées sur les éprouvettes sollicitées en traction monotone à rupture dans la même direction. On peut penser que la zone endommagée repérée dans la zone utile de l’éprouvette sollicitée à 220 MPa est celle où la rupture aurait pu survenir.

0 50 100 150 200 250 300 350 0,00 0,05 0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 C o n tr ai n te (M P a) Déformation longitudinale (%)

Essais de traction monotone à rupture 24-3 164 MPa

19-1 154 MPa 19-9 49 MPa 18-1 33 MPa

Figure 59 Observations au MEB de CMC Nextel™610/alumine à renfort tissé bidimensionnel sollicités en traction, à différentes contraintes, dans la direction 0°. a. À 165 MPa : Fissures matricielles inter-torons, perpendiculaires à la direction de sollicitation et qui ne se propagent pas le long des torons. Macropores qui ne semblent pas être à l’origine de la propagation de fissures. b. À 220 MPa : fissures matricielles inter-torons, perpendiculaires à la direction de sollicitation, certaines se propagent à travers des torons transversaux. Propagation de fissures à partir de macropores.

Comme dans le cas des éprouvettes sollicitées à différents niveaux de contrainte, des observations au MEB de coupes longitudinales et transversales ont été réalisées sur des éprouvettes sollicitées jusqu’à rupture dans le but de comprendre les mécanismes d’endommagement du