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Utilisation des ressources et impacts sur l’environnement générés par les ménages

[4] Inégalités écologiques : analyse spatiale des impacts générés et subis par les ménages belges

5. Utilisation des ressources et impacts sur l’environnement générés par les ménages

Après s’être attachées à la prévention des sources industrielles de pollution, les politiques environnementales s’occupent désormais de plus en plus des ménages, notamment au travers des aspects de consommation. Les ménages sont vus comme des sources diffuses de pollution, mais aussi comme les destinataires de l’exploitation des ressources, renouvelables ou non. La consommation d’hydrocarbures fossiles est à la fois polluante et épuisante : elle entraîne des changements climatiques inquiétants et elle épuise une ressource précieuse. La biodiversité pâtit également de nos manières de nous alimenter et de nous déplacer. L’approche de l’empreinte

écologique témoigne de cette critique croissante envers nos modes de consommation.18

Les inégalités dans l’accès aux ressources non renouvelables sont criantes au niveau de la planète. De ce point de vue global, les inégalités en Belgique sont évidemment relatives : par exemple, les émissions de dioxyde de carbone par habitant sont élevées, même si elles peuvent varier considérablement d’un individu à l’autre. Nous avons de nouveau choisi deux approches différentes. La première se base sur les données de dépenses des ménages et la seconde sur les réponses à l’enquête socioéconomique 2001.

Approche par les dépenses

Dans la longue liste des achats des ménages disponible via l’Enquête sur le budget des ménages (EBM), il y a peu de postes qui peuvent s’interpréter facilement du point de vue de l’impact sur l’environnement : la consommation de diverses formes d’énergie (mazout, gaz, électricité, carburant), et la consommation d’eau de distribution. Une faible part de l’énergie provient actuellement de sources renouvelables. L’énergie est sans conteste le problème principal de nos modes de consommation contemporains. Quant à l’eau, quoique ressource renouvelable, son interprétation en termes de pression sur l’environnement est relativement simple. La figure 4 montre les dépenses pour diverses consommations (électricité, gaz et autres combustibles,

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L’empreinte écologique a été popularisée par le WWF : voir « Rapport Planète vivante », 2004. Pour une analyse critique de cet indice, voir les discussions dans Ecological Economics 32 (2000).

carburants pour voiture et deux roues, eau) en fonction des déciles de revenu. On observe une nette corrélation entre les dépenses et les revenus. Cette corrélation est particulièrement frappante dans les cas de l’électricité et des carburants.

Fig. 4. Consommations d’énergie et d’eau en fonction des déciles de revenu.

Pour d’autres éléments repris dans l’enquête, l’interprétation est moins évidente. Néanmoins, leur impact est non négligeable. Parmi les produits alimentaires, par exemple, la viande est celui qui a le plus d’impact sur l’environnement (en termes de surfaces agricoles nécessaires et d’émissions de gaz à effet de serre). En prenant en compte les transports qu’il nécessite (animaux, aliments, etc.) et les rejets de méthane des systèmes digestifs des animaux, le secteur de l’élevage représente à lui seul 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Sur la figure 5 nous avons représenté la consommation de différents types de viande, également par déciles de revenus. Ces données indiquent une nette corrélation entre les dépenses pour l’achat de viandes et les déciles de revenu.

Fig. 5. Consommation de viandes par déciles de revenu.

Dans la mesure où les types de viandes ont des impacts différenciés, on peut se risquer à une interprétation. Considérant l’impact sur l’environnement via les équivalents CO2 (voir tableau ci-après), cette corrélation est amplifiée étant donné que la part du bœuf est croissante avec le revenu. Cependant, cette interprétation doit de nouveau être relativisée par le fait que nous ne connaissons que les dépenses et non les quantités achetées, ni la manière dont la viande a été produite.

Hormis les consommations d’énergie, d’eau et de viande, il est très difficile d’interpréter les dépenses des ménages en termes d’impacts environnementaux. Chaque produit est en effet le résultat d’une multiplicité de processus de production et de distribution, dans lesquels les emballages et le transport peuvent avoir un impact très important, mais pour lesquelles les informations manquent généralement — comme en témoignent les difficultés de réaliser des

1 kg de viande de : kg équivalent CO219

bœuf 15 à 32,3

mouton 10,1 à 17,4

porc 6,3

poulet 4,6 à 6,7

Approche par les données de l’enquête socioéconomique

L’Enquête socioéconomique 2001 ne fournit pas les consommations directes, mais une série de questions donne des pistes concernant les équipements liés à la consommation d’énergie domestique : présence de chauffage central (électrique ou non), isolation du toit et des tuyaux de chauffage, utilisation de sources alternatives (solaire ou autres). Pour ces questions, nous n’avons considéré que les propriétaires, c’est-à-dire les ménages susceptibles d’opérer des choix pour ces équipements, et parfois uniquement les propriétaires de maisons quand la question n’avait pas la même pertinence pour les appartements (ex: l’isolation du toit). Cette enquête répertorie également la possession d’un jardin privatif, c’est-à-dire l’usage du sol, ressource limitée, et dont les effets sur la biodiversité peuvent, dans certains cas être négatifs (en fonction des pratiques de plantation, d’entretien des pelouses, des arbres, du potager…).

Nous avons retenu les variables suivantes:

part des ménages propriétaires de leur logement utilisant de l’électricité pour se chauffer (partelec). Etant donné le faible rendement de l’électricité, le chauffage exclusivement à l’électricité est particulièrement gaspilleur de ressources (même dans un pays fortement nucléarisé comme la Belgique). Ces ménages semblent vivre plutôt dans des maisons construites depuis 20 ou 30 ans.

part des ménages propriétaires de leur maison qui ont un chauffage central (partcc). Outre l’indicateur d’un standard de vie confortable, le chauffage central signale également une consommation plus élevée d’énergie. L’installation de chauffage central semble obéir à une logique territoriale précise dans la mesure où elle a lieu aussi bien dans des zones de

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Observatoire Bruxellois de la Consommation Durable, 2007, d’après des chiffres du Department for Environment, Food

constructions récentes que dans des régions bien délimitées où le bâtit est plus ancien (Bruxelles par exemple).

part des ménages propriétaires de leur maison dont le toit est isolé (parisoltoit).

L’isolation du toit est la première recommandation donnée à un ménage qui veut faire des économies d’énergie. Les ménages qui ont isolé le toit de leur habitation ont tendance à être urbains et diplômés de l’enseignement supérieur.

part des ménages propriétaires de leur logement dont les tuyaux de chauffage (en dehors des pièces d’habitation) sont isolés (partisoltuy). Cet indicateur témoigne d’un réel souci pour les économies d’énergie. Quoique fortement corrélé avec le chauffage central, il obéit à une logique territoriale nette : il est beaucoup plus présent dans les régions frontalières avec les Pays-Bas, l’Allemagne et le Luxembourg. Cela soulève la question d’une sorte de « contamination culturelle » étant donné que ces pays ont une culture de l’énergie plus développée qu’en Belgique.

part des ménages propriétaires utilisant de l’énergie solaire (partsolaire). La part des ménages possédant des panneaux solaires était très réduite en 2001 (maximum 2,5 % dans une commune). Les logiques semblent être plutôt d’ordre communal, ou infra-communal, à l’exception de la région germanophone qui compte une proportion relativement élevée de panneaux solaires.

part des ménages propriétaires qui utilisent une autre énergie alternative (essentiellement biomasse) (partenaltautres). Outre la région germanophone, c’est principalement la région des Ardennes (rurale et boisée) qui utilise le plus la biomasse.

part des ménages qui disposent d’un jardin privatif (parjardintot). La possession d’un jardin est surtout le fait des ménages qui ont un revenu relativement élevé et qui se chauffent à l’électricité. La carte de distribution des jardins montre bien que la dimension « revenu » domine la distinction urbain/rural.

Une analyse des corrélations à l’échelle communale entre ces différentes variables et le revenu et le niveau de diplôme montre des corrélations positives significatives entre le revenu et la plupart des variables. Généralement, les corrélations avec le niveau d’éducation sont moins bonnes, sauf

pour la part des propriétaires ayant isolé leur toit et ceux ayant du chauffage central. Mais il est difficile de savoir s’il s’agit du signe d’un niveau d’instruction plus élevé ou de situations urbaines (où les diplômés du supérieur sont plus nombreux).

Les étoiles montrent le niveau de significativité: ***=99.9%, **=99%, *=95%