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Utilisation des phénomènes non-linéaires

Autres méthodes de super-résolution I.3

I.3.4. Utilisation des phénomènes non-linéaires

La limite de diffraction limite la quantité d’information fréquentielle transmise par le microscope. L’utilisation d’un éclairement spécifique permet d’obtenir en fluorescence des résolutions jusqu’à deux fois meilleures que celle prévue par la limite d’Abbe, mais la diffraction agissant également sur l’éclairement, il semble impossible de dépasser ce facteur deux. L’imagerie point par point vue précédemment, sorte de déconvolution ultime, permet d’aller encore plus loin ; elle reste une technique nécessitant la prise de milliers d’images, donc très lente. D’autres techniques se sont montrées capable d’obtenir des résolutions comparables, en utilisant une autre voie : celle des non-linéarités [88].

Le terme de « non-linéarités » désigne ici une relation non-linéaire entre l’éclairement de l’objet et sa réponse optique, de sorte que l’image obtenue peut s’écrire sous la forme suivante :

𝑓𝑖𝑚𝑎𝑔𝑒(𝒓) = �𝑔�𝑓𝑖𝑙𝑙(𝒓)� × 𝑓𝑜𝑏𝑗(𝒓)� ∗ 𝑃𝑆𝐹(𝒓),

= �𝐹𝑖𝑙𝑙(𝒓) × 𝑓𝑜𝑏𝑗(𝒓)� ∗ 𝑃𝑆𝐹(𝒓). (I.3-b)

ou 𝑓̃𝑖𝑚𝑎𝑔𝑒(𝒌) = �𝐹�𝑖𝑙𝑙(𝒌) ∗ 𝑓� (𝒌)� × 𝑂𝑇𝐹(𝒌) 𝑜𝑏𝚥

Cette équation correspond aux équations (1.2-e) et (1.2-f) obtenues précédemment, auxquelles on ajoute une composition de la fonction d’illumination par une fonction g non-linéaire. De cette manière, le spectre de la fonction d’illumination effective Fill n’est plus nécessairement limité par la diffraction de la lumière. Pour s’en convaincre, il suffit d’écrire le développement en série de Taylor de la fonction g au voisinage de 0 :

𝑔(𝑥) = � 𝑎𝑖 𝑖=0 (𝑥)𝑖 (I.3-c) avec 𝑎𝑖=𝑔(𝑖)(0) 𝑛! , (I.3-d)

ce qui permet d’écrire la fonction d’illumination effective sous la forme suivante :

𝐹𝑖𝑙𝑙(𝒓) = 𝑔�𝑓𝑖𝑙𝑙(𝒓)� = � 𝑎𝑖 𝑖=0

𝑓𝑖𝑙𝑙(𝒓)𝑖 (I.3-e)

À la condition que an (i.e. que la n-ième dérivée de g en 0) ne soit pas nul, alors le n-ième terme de cette série comprend des composantes spectrales jusqu’à n fois plus grandes que celles qui composent 𝑓𝑖𝑙𝑙. Ce résultat découle simplement du théorème de convolution : la transformée de Fourier de 𝑓𝑖𝑙𝑙𝑖 est égale à n convolutions de la transformée de Fourier de 𝑓𝑖𝑙𝑙 avec elle-même. Or, la convolution d’une fonction f0 dont le support est limité à un intervalle [-k0 ; k0] par une fonction f1 dont le support est limité à un autre intervalle [-k1 ; k1] donne une fonction de support [-(k0+k1); (k0+k1)]. Ainsi, si la plus haute fréquence1 que contient 𝑓𝑖𝑙𝑙 est 𝑘𝑚𝑎𝑥, alors 𝑓𝑖𝑙𝑙𝑖 peut contenir des fréquences allant jusqu’à 𝑛𝑘𝑚𝑎𝑥.

On remarquera que si g est un polynôme d’ordre N, alors tout terme de la série de Taylor supérieur à N est nul. Par conséquent, le gain de fréquences spatiales est intrinsèquement limité à 𝑁𝑘𝑚𝑎𝑥. La microscopie à deux photons [89], en est une bonne illustration. Dans cette technique, la transition énergétique nécessaire à l’excitation des marqueurs utilisés est deux fois plus grande que l’énergie de photons employés pour éclairer l’échantillon. L’absorption simultanée de deux photons est donc requise. Si, 𝑓𝑖𝑙𝑙 est la probabilité (proportionnelle à l’intensité lumineuse incidente) d’absorption d’un photon à une position donnée, la probabilité d’en absorber deux est bien donnée par𝑓𝑖𝑙𝑙2. Le gain en résolution obtenu est cependant plus qu’annulé par la nécessité d’utiliser une longueur d’onde d’excitation deux fois plus grande. La microscopie à deux photons (et plus généralement à m photons) n’est pas une technique efficace pour améliorer la résolution d’un microscope.

En revanche, si g n’est pas polynomiale, sa série de Taylor est infinie, et peut contenir des fréquences arbitrairement élevées. Par exemple, les effets de saturation s’expriment généralement par une fonction de type exponentielle, et donc non-polynomiale. De manière générale, dans le cas simple d’un modèle à deux états énergétiques (excité/non-excité), le flux photonique de fluorescence à l’équilibre d’un fluorophore unique, suit une loi de la forme [21,90] :

1 kmax est déterminé dans notre cas par la longueur d’onde et l’ouverture numérique utilisées pour l’éclairement (cf. parties I.2.3 et I.2.2).

𝑔(𝐼) ∝ 𝐼 ×𝑄𝑒𝑚𝑘𝑟 𝐼 + 𝑘𝑟

𝜎 (I.3-f)

où I est l’intensité lumineuse incidente, σ est la section efficace d’absorption des photons du fluorophore considéré, 𝑘𝑟 est le taux de relaxation (radiative et non-radiative) de son état excité, et 𝑄𝑒𝑚 est son rendement quantique d’émission. Généralement, 𝐼 est bien inférieur à 𝑘𝑟⁄ , et 𝑔(𝐼) dépend linéairement de 𝐼. En revanche, lorsque ce n’est plus le cas, un 𝜎 régime de saturation apparait. La fonction 𝑔 n’est plus linéaire et contient donc des harmoniques élevées de la fonction 𝐼.

La microscopie à éclairement structurée saturé [90-92] (Saturated Structured

Illumination Microscopy) applique directement ce principe à l’éclairement

structuré « standard » : l’échantillon est éclairé par une grille de lumière périodique afin de récupérer par effet de Moiré des zones du spectre de Fourier situées en dehors de la bande passante définie par la limite de diffraction. Mais cette fois, les harmoniques d‘ordres supérieurs créés par l’effet de saturation permettant, après un traitement adéquat, d’atteindre des parties encore plus éloignées du spectre de la densité de fluorophores. Cette technique reste cependant limitée en pratique car elle requiert un grand nombre d’images avec différentes positions de la grille pour que l’inversion des données se fasse correctement. Combiné à la puissance important requise pour atteindre le régime de saturation, cela provoque un photoblanchiement et/ou une photo-toxicité rédhibitoire pour la plupart des échantillons.

La microscopie STED (STimulated Emission Depletion Microscopy) [93,94] repose aussi sur ce type de non-linéarité, mais c’est cette fois la transition inverse qui est saturée : le niveau excité est vidé en forçant la relaxation par émission stimulée. Comme dans un microscope confocal, un premier faisceau vient peupler le niveau excité de fluorophores situés sur une zone dont la taille est donnée par la limite de diffraction. On utilise ensuite un second faisceau, que l’on focalise selon un mode particulier qui donne un zéro d’intensité au milieu du spot. Les fluorophores excités par le premier faisceau sont stimulés par le second faisceau, sauf dans la zone centrale où son intensité est nulle. Le signal stimulé est filtré spectralement, ainsi, seuls les fluorophores à la fois excités et non stimulés participent à la formation de l’image finale.

Figure I.3-2 : Principe de la microscopie STED

La saturation de l’émission stimulée est primordiale pour faire apparaitre des fréquences spatiales très élevées dans le spot de déplétion. Sans celle-ci, la forme du spot de déplétion resterait limitée par la diffraction et la zone centrale aurait une taille minimum d’environ 0.5λ/NA. Dans ces conditions, la résolution d’un microscope STED ne serait qu’environ deux fois meilleure que celle d’un microscope confocal classique, exactement comme celle de la obtenue en illumination structurée par rapport au champ large classique. En théorie, une puissance infinie permet d‘obtenir une résolution infinie. En pratique, l’augmentation de la puissance incidente reste fortement limitée par la photo-toxicité et le photo-blanchiement qui l’accompagnent. La résolution que l’on trouve habituellement dans la bibliographie pour des applications biologiques, sur des échantillons marqués par des fluorophores relativement stables, est proche de 50nm [95,96].

Il est également possible d’utiliser la saturation temporelle de l’émission de la fluorescence pour améliorer la résolution d’un microscope confocal. En excitant l’échantillon avec un laser focalisé, modulé à 10 KHz et couplé avec une détection synchrone, on peut ainsi obtenir une PSF effective de taille réduite [97,98].

Enfin, en microscopie de diffraction, le phénomène de diffusion multiple donne également une relation non-linéaire entre l’éclairement et le champ diffracté par un objet. Nous montrerons dans le prochain chapitre que cela permet d’améliorer significativement la résolution d’une technique comme la tomographie optique de diffraction, pour des échantillons de forte permittivité diélectrique.

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