• Aucun résultat trouvé

6 Le tropisme du VIH-1

6.1. Utilisation des corécepteurs et tropisme cellulaire

6.1.1. Classification du tropisme

Dès le début de l’épidémie, la propriété du VIH-1 à former des syncitia, cellules géantes multinucléées résultant de la fusion des lignées cellulaire T exprimant CD4, (Lifson et al. 1986) a été identifiée et associée aux isolats provenant de patients en stade SIDA (Tersmette et

al. 1988). La grande majorité des souches issues de sujets asymptomatiques étaient incapables de former des syncitia, en fait incapables de réplication dans ces lignées T (Tersmette et al. 1988). Les termes de souches SI pour syncitium-inducing et NSI pour non-syncitum-inducing sont alors été adoptés. Cette classification est basée sur la capacité des isolats à se répliquer et à former des cyncitia dans les lignée cellules T telles que les cellules H9, MT-2 ou encore MT- 4. À ce titre, les cellules MT-2 furent utilisées comme test phénotypique classifiant les isolats en SI ou NSI (Harada et al. 1985; Koot et al. 1992). Le développement de méthodes permettant de différencier les monocytes du sang en macrophages susceptibles au VIH-1 permit la classification des souches NSI, capables de réplication dans ces macrophages, en souches M-tropiques pour macrophage-tropiques. Toutefois, ces souches NSI/M-tropiques bien qu’incapables de réplication dans les lignées cellulaires T, sont capables d’infecter les cellules T primaires. Par opposition, les souches SI ont alors été appelées T-tropiques (Schwartz et al. 1989).

Ce n’est que plus tard, avec la découverte des corécepteurs du VIH-1 que l’on pu associer les isolats NSI/M-tropique à l’utilisation de CCR5 et les SI/T-tropique à l’utilisation de CXCR4. Les virus utilisant CCR5 sont appelés virus R5, ceux utilisant CXCR4 sont appelés X4 et les virus pouvant infecter la cellule cible en utilisant les 2 corécepteurs sont appelés R5X4 ou dual-mixed (DM) (Berger et al. 1998) (Figure 15).

Les virus X4 sont considérés comme plus virulents car ayant une capacité réplicative in vitro plus grande que les virus R5 et étant associés au rapide déclin des LTCD4 ainsi qu’à la progression rapide de la maladie vers le stade SIDA (Asjo et al. 1986; Connor et al. 1997; Richman and Bozzette 1994; van 't Wout et al. 1998).

6.1.2. Les cibles cellulaires et relevance pathologique

CCR5 et CXCR4 sont tous deux exprimés, sur les cellules T CD4+ mémoires, les macrophages et les cellules dendritiques. Toutefois, 90% des cellules T CD4+, incluant les cellules T naïves, mémoires, les thymocytes et les précurseurs T, expriment CXCR4 tandis que l’expression de CCR5 est cantonnée à une sous-catégorie plus restreinte des cellules T qui sont les cellules T

mémoires et activées représentant 15-35% du pool de cellules T (Schuitemaker et al. 2011) (figure 15). Les cellules T naïves étant la cible exclusive des virus X4, les conséquences pathologiques de l’infection de ces cellules peuvent être dramatiques, résultant en la déplétion du plus large pool de cellules CD4 dans le corps notamment à la source qu’est le thymus. Ainsi, les virus X4 sont considérés comme plus virulents que les virus R5 car associés à une déplétion rapide et massive des cellules T CD4+ (Blaak et al. 2000). Un site important pour la réplication virale est le thymus, l’organe majeur de la production des cellules T naïves, ou 60- 70% des cellules T expriment CXCR4 tandis que CCR5 est marginalement exprimé (<5%) (Zamarchi et al. 2002).

D’un autre coté, CCR5 est très largement exprimé par les cellules mononucléées du tissu lymphoïde associé au tube digestif (GALT gut-associated lymphoid tissue). Le GALT, qui est le plus grand organe lymphoïde du corps humain, contient la moitié des lymphocytes T de l’organisme. Ces lymphocytes sont plus activés que ceux du sang périphérique car ils constituent la première ligne de défense face aux microorganismes associés à la nourriture. La majorité des LTCD4+ du GALT expriment CCR5 et ont de faibles niveaux d’expression de CXCR4 (Poles et al. 2001; Veazey et al. 2000). Ceci contribue à la destruction massive des cellules CD4 et ce, dès la phase aigüe de l’infection. (Brenchley and Douek 2008; Brenchley et al. 2004; Kotler et al. 1984) Le pool de cellules perdues lors de la déplétion massive des LTCD4+ du GALT en primo infection n’est jamais reconstitué en totalité durant toute la durée de la maladie, ce qui est une caractéristique de l’infection à VIH.

La destruction sélective des LTCD4+ mémoires durant l’infection primaire est un évènement dynamique continuel forçant l’organisme à renouveler et remplacer ces cellules (Mattapallil et al. 2005)

Figure 15. Relation entre utilisation des corécepteurs, phénotype et tropisme du VIH-1. Tiré de (Schuitemaker et al. 2011) Le tropisme des virus est basé sur l’expression des corécepteurs à la surface des cellules cibles ainsi que sur les les propriétés biologiques de l’enveloppe. Le trofile est un test phénotypique in vitro qui sera discuté plus loin.

6.1.3. Corécepteurs alternatifs

CCR5 et CXCR4 ne sont pas les seuls récepteurs cellulaires utilisés par le VIH-1 comme corécepteur d’entrée. De nombreux récepteurs de chimiokines ainsi que des récepteurs orphelins montrent une activité de corécepteur in vitro bien que leur rôle physiologique ne soit pas avéré. Les récepteurs de chimiokines CCR2b (Doranz et al. 1996), CCR3 (He et al. 1997), CCR8 (Lee et al. 2000), CXCR6 (STLR33/Bonzo)(Liao et al. 1997) et CX3CR1 (Combadiere et al. 1998) ; le recepteur Apj (Choe et al. 1998) (récepteur de l’apeline), BLTR (récepteur du Leukotriene B4), US28 (Pleskoff et al. 1997); ainsi que les récepteurs orphelins GPR15/BOB, GPR1 (Edinger et al. 1998), ChemR23, RDC1 ont tous été identifiés comme corécepteurs d’entrée du VIH-1 in vitro (revue par Heveker (Heveker 2001)). Parmi ceux-ci seuls CCR8 et

CCR3 ont une possible implication in vivo correspondant à l’infection des thymocytes dans le premier cas (Lee et al. 2000) et l’infection de la microglie dans le cas de CCR3 (He et al. 1997). L’importance biologique de ces corécepteurs alternatifs reste incertaine in vivo car, les inhibiteurs d’entrée spécifiques de CCR5 et CXCR4 peuvent totalement inhiber la réplication de plusieurs souches de VIH-1 qui ont un large spectre d’utilisation des corécepteurs (Zhang and Moore 1999)