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4 Diversité génétique du VIH-1

4.1. Origine de la diversité du VIH-1

4.1.1. La composante stochastique : mutations et recombinaison

Une des caractéristiques propre aux rétrovirus et particulièrement au VIH-1 est la dynamique de réplication rapide doublée d’une capacité intrinsèque à muter et à recombiner entrainant une grande diversité génétique intra et inter-individus (Coffin 1992; Wei et al. 1995). Ainsi, sans aucune influence extérieure, le VIH-1 est capable d’évoluer génétiquement et d’établir une quasiespèce, comme le montrent certaines études in vitro (Sanchez-Palomino et al. 1993).

À l’origine de cette diversité, la transcriptase inverse du virus qui n’a pas d’activité de « proofreading», typiquement retrouvée chez les polymérases à ADN, qui assure que le nouveau brin d’ADN synthétisé est conforme au brin d’ARN matrice. En résulte un taux de mutation d’approximativement 3,4x10-5 mutations par paire de base par cycle de réplication. Le génome du VIH-1 ayant une longueur de 10 kb et 1x1010 virions pouvant être produits par jour chez un individu infecté, on estime que des millions de variantes différentes sont produits quotidiennement chez un seul patient, menant à la création de la quasiespèce (Perelson et al. 1996).

Un second phénomène amène un degré supplémentaire de diversité. Il s’agit de la recombinaison génétique entre deux variantes différentes au sein de la même cellule qui survient quand la transcriptase inverse saute d’un brin d’ARN à un autre durant la réplication (Blackard et al. 2002; Robertson et al. 1995). Le taux de recombinaison du VIH-1 est l’un des plus élevé de tous les organismes : on l’estime à 3 recombinaisons par cycle de réplication (Zhuang et al. 2002). Les CRF et URF sont issus de cette recombinaison entre des virus de clade différents lorsque l’individu est infecté par 2 ou même plusieurs sous-types différents (Artenstein et al. 1995; Cornelissen et al. 2012; Gerhardt et al. 2005; Plantier et al. 2004; Zhu et al. 1995).

4.1.2. La composante environnementale : la pression sélective

Cette dynamique d’évolution rapide permet au VIH-1 d’échapper aux contraintes environnementales que sont la réponse immunitaire de l’hôte, les ARV ou encore la disponibilité de cibles cellulaire (Fauci et al. 2008; Goulder and Watkins 2004; McGovern et al. 2013). Ces contraintes qui poussent le virus à évoluer sont appelées pressions sélectives. Alors que la pression exercée par les ARV pousse le virus à accumuler certaines mutations particulières, la pression sélective exercée par le système immunitaire pousse le virus à évoluer vers une plus grande diversité génétique en accumulant des mutations variées.

La pression immunitaire : ciblant principalement les épitopes anticorps, LTC et T auxiliaires.

Les réponses adaptatives médiées par les anticorps neutralisants (Richman et al. 2003; Wei et al. 2003), les cellules T auxiliaires (Ross and Rodrigo 2002b) ou les lymphocytes T cytotoxiques (Kelleher et al. 2001; Ogg et al. 1998; Phillips et al. 1991; Yusim et al. 2002) sont impliquées dans les défenses de l’hôte et contrôlent l’infection à VIH-1, exerçant de ce fait une pression immunitaire sur les régions codantes du génome viral.

L’évolution du VIH-1 contrecarre ces activités en accumulant des mutations non-synonymes, empêchant ainsi la reconnaissance par ces effecteurs immuns grâce à une variété de mécanismes : l’interférence avec l’attachement des épitopes aux molécules du CMH, la réduction de la reconnaissance par les récepteurs des cellules T, ou encore la génération de réponse LTC antagonistes (Moore et al. 2002). L’échappement à la réponse CD8 est d’ailleurs l’une des forces majeures qui favorise l’émergence de la diversité génétique des séquences du VIH-1 dans les régions codant pour des protéines (Allen et al. 2005a; Brumme et al. 2007; Carlson et al. 2015; Jones et al. 2004; Soudeyns et al. 1999).

Calcul

Cette pression sélective se manifeste au niveau des codons par un excès de substitutions non- synonymes par rapport aux substitutions synonymes (Nei and Gojobori 1986). Elle est également appelée ω et se calcule comme le ratio entre le taux de mutations non-synonymes par sites non-synonymes (dn) sur le taux de mutations synonymes par sites synonymes (ds) (ω = dn/ds). Une valeur de ω > 1 indique une pression sélective diversifiante tandis qu’un ω < 1 indique au contraire que le site est sous une contrainte purifiante.

Différences de pression sélective selon la région du génome

Le génome du virus n’est pas soumis de façon uniforme à la pression sélective. En effet, 12% du génome viral est soumis à une pression sélective liée à la réponse immunitaire adaptative, les 2/3 du restant sont relativement conservés. Cette conservation du génome est principalement déterminée par la structure de l’ARN viral (Snoeck et al. 2011) mais également par la structure protéique (Woo et al. 2010), les hélices alpha autorisant une moins grande variabilité.

L’échappement est restreint par les contraintes fonctionnelles et structurales particulières aux épitopes qui sont nécessaire à la survie du virus (Carlson et al. 2015; McMichael and Klenerman 2002). Des mutations dans ces régions du génome ne se font pas sans perte de fitness du virus et peuvent être délétères pour le virus (Liu et al. 2007; Liu et al. 2014).

L’enveloppe est le gène le plus sélectionné du génome suivit de loin par gag et pol qui sont les 2 gènes les moins soumis à cette pression diversifiante (Liu et al. 2006).

Importance du CMH dans la diversité génétique du virus

La réponse immune va ainsi façonner l’évolution du virus au cours de la maladie. Il s’agit de la pression sélective qui est fonction de l’immunocompétence relative des patients et tributaire du type HLA.

Les individus avec des allèles HLA qui sélectionnent préférentiellement des régions protéiques du VIH-1 qui supportent moins bien les mutations à cause de leurs effets sur le « fitness » verront leur maladie progresser plus favorablement vu que le potentiel de développement de mutants d’échappement sera réduit (Heeney et al. 2006). Ceci est fort bien illustré par cas des allèles de CMH de classe I HLA-B*57 et HLA-B*27 ; ce dernier reconnaît des épitopes conservés de la protéine de la capside p24 et est associé à un taux de survie accru chez les sujets infectés (contrôleurs élites). Ces individus sont capables de maintenir des niveaux élevés de LTCD4+ et une virémie faible sans avoir recours à la thérapie antirétrovirale (Bailey et al. 2006; Carlson et al. 2015). A l’inverse, certains allèles du CMH de classe I, dont HLA-B*35, sont associés à une progression rapide de la maladie (Willberg et al. 2010).

Variation au cours de la maladie

La réponse immunitaire spécifique au VIH-1 sélectionne des mutants d’échappement durant les phases aiguës (Borrow et al. 1997; Cao et al. 2003; Jones et al. 2004; Price et al. 1997) et à un moindre niveau durant la phase chronique de l’infection (Allen et al. 2004; Allen et al. 2005b; Draenert et al. 2004; Geels et al. 2003; Jones et al. 2004; Koibuchi et al. 2005; Price et al. 1997; Wolinsky et al. 1996). Les études in vitro montrent qu’une suppression incomplète du VIH-1 par les CTL, résulte en la sélection et l’émergence rapide de mutants d’échappement (Yang et al. 2003).

La coévolution virus-hôte est aussi importante en ce qui concerne la progression de la maladie (Letvin and Walker 2003; Pantaleo and Fauci 1996). L’évolution virale peut être largement façonnée par les pressions antivirales exercées par le système immunitaire de l’hôte (Moore et al. 2002; Yang et al. 2003).

Le degré de sélection des séquences du VIH-1 associée au HLA est prédictif de la charge virale et est un marqueur de progression de la maladie (Brumme et al. 2008; Moore et al. 2002). Ainsi, chez un individu, une grande diversité génétique est souvent associée à une forte pression sélective et témoigne d’une réponse immunitaire robuste résultant en une évolution plus lente de la maladie. En effet, de nombreuses études ont montré qu’il existe une corrélation positive entre la diversité génétique/pression sélective et la vitesse de progression de la maladie, faisant de la pression sélective un bon prédicteur pronostic ou de l’état immunitaire du patient (Ross and Rodrigo 2002a; Strunnikova et al. 1998).

Une grande diversité génétique intra-hôte a été associée à une progression plus lente de la maladie (Ganeshan et al. 1997; Wolinsky et al. 1996). Cependant, cette diversité génétique est de fait une diversité liée à la pression sélective. La sélection positive est plus importante chez les patients présentant une évolution lente de la maladie car leur population virale montre un plus fort taux d’adaptation due à une réponse immunitaire plus robuste (Ross et Rodrigo 2002, Vicidi et al. 1999, Williamson et al. 2003, Zanotto et al. 1999). De plus, un ralentissement évolutif apparaît tard dans l’infection à VIH-1, qui est causé par l’affaiblissement du système immunitaire plutôt qu’à une réduction de la réplication virale en raison de la disparition des cellules susceptibles au virus (Lemey et al. 2007; Williamson 2003).

La compréhension de la complexité de la réponse immunitaire et des mécanismes par lesquels le VIH-1 échappe à ces réponses est cruciale au développement de vaccins efficaces. La diversité du virus et l’échappement à la réponse immunitaire, sont des barrieres majeures au contrôle soutenu du VIH-1 ainsi qu’au développement de vaccins efficaces (Barouch et al. 2002; Carlson et al. 2015).