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5 La glycoprotéine d’enveloppe et l’entrée virale

5.2. L’entrée virale

5.2.2. Étapes séquentielles de l’entrée virale

L’entrée virale commence par l’attachement du virion à la surface cellulaire. Cet attachement peut être facilité par la liaison des groupements carbohydrates de la gp120 à des lectines de la surface cellulaire telles que le DC-SIGN (Baribaud et al. 2001; Geijtenbeek et al. 2000; Mondor et al. 1998).Cette interaction toutefois non-nécessaire facilite l’entrée virale, bien que son importance physiologique soit floue.

Chaque monomère de gp120 contient un site de liaison à CD4, et l’engagement d’une seule gp120 peut induire le changement de conformation du trimère entier (Salzwedel and Berger 2000). La liaison de la gp120 à CD4 induit un changement de conformation qui entraine la formation du site de liaison au corécepteur. En effet, la structure de cristalline de la gp120 de SIV non lié à CD4 laisse entrevoir la conformation « au repos » de la gp120 dans laquelle la lame pontante n’est pas formée mais disloqué, et la boucle V3 enfouie dans la protéine globulaire (Chen et al. 2005). Les réarrangements séquentiels de l’enveloppe induits par la liaison à CD4 interviennent comme suit. Premièrement, la boucle V1V2 est déplacée du centre vers la périphérie du trimère laissant le champ à un réarrangement de V3, premier site de liaison du corécepteur. On observe en effet, un repositionnement et exposition de V3, notamment la couronne, pour former une protrusion vers la membrane cellulaire. S’ensuit un réarrangement des domaines internes et externes entrainant la formation de la lame pontante, par le rapprochement des brins β2 et β3 du domaine interne aux brins β20 et β21 du domaine externe (Huang et al. 2005; Rizzuto et al. 1998). On pense que ces changements conformationnels induisent une rotation de chaque monomère de gp120 dévoilant partiellement la gp41. De plus, un repliement de CD4 entre les domaines D2 et D3 permettrait le rapprochement de l’enveloppe vers la membrane cellulaire (Liu et al. 2008). (Figure 14)

b) Liaison au corécepteur

La liaison au corécepteur se fait via ces domaines révélés par le réarrangement de la gp120 c’est-à-dire via le contact de la couronne de V3 avec la boucle extracellulaire E2 et le contact lame pontante et la queue N-terminale (Rizzuto and Sodroski 2000; Rizzuto et al. 1998). La région N-terminale du corécepteur se lie à la base de V3 ainsi qu’à la lame pontante (Choe and Farzan 2009; Cormier et al. 2000; Huang et al. 2007a) (Figure 4.5)

c) La fusion

Suite à la liaison du corécepteur, des changements de conformation sont alors amorcés dans la gp41. Le peptide de fusion de la gp41, domaine hydrophobe est alors exposé et projeté vers la membrane cellulaire où il va s’ancrer pour permettre un rapprochement des membranes cibles et virales (Tamm and Han 2000). Les régions HR1 et HR2 sont alors rapprochées afin de former une structure en tête d’épingle, ce qui résulte au niveau trimérique en la formation d’un faisceau torsadé à 6 hélices (6HB). Ce 6HB est une structure très stable permettant le rapprochement et la fusion des membranes cellulaires et virales résultant en la formation d’un pore par lequel le contenu du virion sera relâché (Chan et al. 1997) (Figure 14).

Figure 14. Étapes de l’entrée virale.

1) Enveloppe trimérique fonctionnelle à la surface du virion et récepteur CD4 et corécepteur à la surface de la cellule cible. 2) Liaison de CD4 et changements conformationels de la gp120 permettant l’exposition des domaines de liaison au corécepteur. 3) Liaison au corécepteur et activation du domaine de fusion de la gp41 qui est inséré dans la membrane cible. 4) Fusion membranaire induite par la formation du 6HB entre les régions HR1 et HR2 de la gp41. Deux trimères d’enveloppe sont représentés dans cette dernière étape.

5.2.3. Les inhibiteurs d’entrée

L’entrée du VIH-1 dans la cellule cible peut être bloquée à plusieurs niveaux des étapes séquentielles décrites ci-haut. Puiseurs inhibiteurs d’entrée de différentes natures ont été testés en essais cliniques, mais pour l’instant, uniquement 2 sont approuvés pour le traitement de l’infection à VIH. Il s’agit du maraviroc, un antagoniste de CCR5 (2009) et de l’enfuvirtide ou T20, un inhibiteur de fusion (Wild et al. 1992).

Parmi les inhibiteurs candidats, on distingue les inhibiteurs de l’attachement et de la liaison à CD4, les inhibiteurs de corécepteurs et les inhibiteurs de fusion (Wilen et al. 2012) (Tableau 5).

a) Inhibiteurs de l’attachement et de la liaison à CD4

Parmi les inhibiteurs de l’attachement et de la liaison à CD4 on retrouve :

- Les polymères anioniques non-spécifiques (inhibiteurs de l’attachement) qui préviennent les interactions électrostatiques entre l’enveloppe positivement chargée et la surface négativement chargée de la cellule cible. Étudiés un temps en tant que composant de microbicides vaginaux, leur efficacité clinique s’est avérée nulle (Tableau 5).

- Les inhibiteurs du site de liaison de CD4 correspondent à de petites molécules qui lient le site de liaison au CD4 sur la gp120. Ils montrent une efficacité in-vitro, mais le VIH- 1 s’y adapte très rapidement en développant des résistances (Tableau 5).

- Le CD4 soluble, ayant une activité in-vitro non négligeable, montre une totale inefficacité en clinique possiblement due à la bio-disponibilité de la molécule (Tableau 5).

- Les inhibiteurs d’expression de CD4, dérivés du cyclotriazadisulfonamide (CADA), diminuent l’expression du CD4 à la surface des cellules par un mécanisme inconnu. Ce produit est encore en cours d’essais cliniques. (Tableau 5)

b) Inhibiteurs de corécepteurs

Les inhibiteurs de corécepteurs sont de petites molécules qui, en se fixant au corecepteur, induisent des changements de conformation des boucles extracellulaires (mécanisme allostérique) dans la protéine prévenant l’attachement de la gp120 (Tableau 5).

Plusieurs inhibiteurs de CCR5 ont été testés au fil des années pour aboutir à la commercialisation du Maraviroc en 2007. Le maraviroc et autres inhibiteurs de CCR5 se lient à une poche hydrophobe transmembranaire du récepteur. L’utilisation du maraviroc fonctionne bien, toutefois des mécanismes de résistance sont connus. Le type de résistance le plus commun est l’émergence de virus X4 (Westby et al. 2006). Le 2ème mécanisme de résistance correspond au développement par le VIHde la capacité à utiliser le corécepteur dans sa forme liée au composé (Westby et al. 2007).

Les inhibiteurs de CXCR4, quant à eux, ont montré une efficacité limitée dans le traitement du VIH-1 due à une toxicité systémique, CXCR4 étant une molécule ubiquitaire (Tableau 5).

c) Inhibiteurs de fusion

Les inhibiteurs de fusion ciblent la gp41, plus précisément la formation de la structure 6HB responsable de la fusion. L’enfuvirtide ou T20 fut le premier inhibiteur d’entrée approuvé, et est le seul inhibiteur de fusion présentement commercialisé. Cette molécule est un peptide de 36 acides aminés mimant le domaine HR-C de la gp41. Il se lie à la structure coiled-coil centrale composé des 3 HR-N et, de ce fait, empêche la formation du 6HB. Des mutations dans les régions HR-N induisant une résistance au T20ont déjà été décrites. Le composé reste très efficace, mais le fait qu’il soit administré de façon injectable, reste un problème majeur d’adhérence au traitement par les patients. Une des solutions est le développement d’autres molécules ayant le même mécanisme d’action mais disponible oralement tels que les inhibiteurs D-peptides qui sont en cours d’essai cliniques (Tableau 5).

Tableau 5. Les inhibiteurs d’entrée du VIH-1.

Classe d’inhibiteur d’entrée Composé Statut de la recherche clinique Références

Inhibiteurs de l’attachement Pro 2000 Aucune efficacité en phase III (Rusconi et al. 1996)

Carragard Aucune efficacité en phase III (Skoler-Karpoff et al. 2008)

Sulfate de cellulose Aucune efficacité en phase III (Halpern et al. 2008; Van Damme et al. 2008)

Inhibiteur du site de liaison au CD4

BMS-378806 Développement préclinique (Lin et al. 2003)

Molécule mimant le CD4 CD4 soluble Aucune efficacité en phase I (Daar et al. 1990; Schacker et al. 1994) inhibiteurs d’expression de CD4 Dérivés du CADA Développement préclinique (Vermeire et al. 2008)

Inhibiteurs de CCR5 Maraviroc Approuvé et commercialisé FDA (2009)

Anticorps anti-CCR5 PRO 140 Phase II (Jacobson et al. 2008) Inhibiteurs de CXCR4 Plerixafor Approuvé pour la mobilisation

de cellules souches hématopoïétiques

(Flomenberg et al. 2010)

Inhibiteurs de fusion Enfuvirtide Approuvé et commercialisé (Wild et al. 1992)

D-peptides Développement préclinique (Welch et al. 2007) Tableau tiré de (Wilen et al. 2012)