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6 Le tropisme du VIH-1

6.4. Les outils de détermination du tropisme

À l’heure des inhibiteurs d’entrée, il devient essentiel de pouvoir tester l’utilisation des corécepteurs par le virus des patients étant donné les risques d’émergence de virus X4 lors de la prise d’inhibiteurs de CCR5.

La présence ou l’absence de virus utilisant CXCR4 chez les individus infectés peut être investiguée par des méthodes de phénotypage tels que le test MT-2 (Japour et al. 1993; Koot et al. 1992) basé sur les PBMC ou encore le test Trofile (Coakley et al. 2009; Whitcomb et al. 2007) (Monogram) basé sur le plasma. De plus les méthodes de détection basées sur le génotype de la séquence de V3 ont aussi été développées.

6.4.1. Les tests phénotypiques

Les tests phénotypiques consistent en l’évaluation de l’infection de cellules indicatrices exprimant CD4 et un corécepteur par les virus dérivés des patients. (Raymond et al. 2012).

a) Test de virus dérivés des PBMC

La première méthode consiste en le test direct des virus produits par les PBMC des patients soit par co-culture avec les cellules indicatrices, soit par amplification préalable des virus des PBMC.

Le premier test du genre appelé test MT-2, est le tout premier test phénotypique à avoir été développé. Les cellules indicatrices, MT-2, lignée cellulaire lymphoblastoïde transformée par HTLV-1 (human T-cell leukaemia virus type 1) exprime CXCR4. Ce test permet de distinguer les virus SI des virus NSI en observant la formation de syncitia (Karlsson et al. 1994) (Tableau 6).

Après la découverte des corécepteurs, d’autres tests plus précis ont été développés utilisant des cellules indicatrices U87 (Gonzalez-Serna et al. 2010) ou GHOST (Cecilia et al. 1998) transfectées avec CCR5, CXCR4 ou d’autres corécepteurs. Ces derniers permettant également de tester l’utilisation de corécepteurs alternatifs par le virus.

b) Test de virus recombinants

Une deuxième méthode consiste en la production de virus recombinants infectieux exprimant l’enveloppe au complet ou partielle des virus des patients. Ces tests ont été développés dans le but d’éviter la sélection des virus dus aux passages successifs in vitro.

Le test le plus utilisé à ce jour, et qui reste une référence notamment dans le domaine du diagnostique des patients, est le test Trofile commercialisé par Monogram Bioscience. Il consiste en la production d’un virus recombinant exprimant l’enveloppe des virus des patients, amplifiée par RT-PCR à partir du plasma. Le virus recombinant ainsi produit est alors testé sur des cellules exprimant CCR5 ou CXCR4. L’activité luciférase permet ensuite de déterminé le tropisme du virus (Whitcomb et al. 2007) (Tableau 6).

Les études cliniques sur les antagonistes de CCR5 ont été réalisées avec la détermination du tropisme par Trofile. Le seuil de sensibilité du test original (original Trofile assay OTA) a ensuite été augmenté dans le nouveau test appelé ESTA (enhanced sensitivity trofile assay). En effet, le test OTA est capable de détecter des variants minoritaires présents à hauteur de 10% dans la quasiespèce ; ce dernier permet ainsi de détecter des variants représentant 0,3% de la quasiespèce (Su et al. 2009).

Deux autres tests utilisant des virus recombinants avec quelques différences techniques ont été développés également, il s’agit du test de tropisme de Toulouse (TTT) (Université Toulouse III Paul-Sabatier, Toulouse, France) (Raymond et al. 2010a) et du test espagnol (Instituto de Salud Carlos III, Madrid, Spain) (Gonzalez et al. 2010).

Alors que la sensibilité du test Trofile pour la détection de virus utilisant CXCR4 est similaire à celle du test MT2 (Coakley et al. 2009), les tests phénotypiques recombinants sont capables de distinguer les populations pures R5, DM et pures X4.

Tableau 6. Tests phénotypiques utilisés pour la détermination du tropisme du VIH-1

MT-2 Trofile ESTA

Insert aucun gp160 du sujet

Construction aucune Vecteur d’expression de ENV Vecteur génomique VIH Gag-Pol- Luc

Cellules productrices

PBMC HEK293

Cellules cibles MT-2 U87.CD4.CCR5

U87.CD4.CXCR4 Détection Formation de syncitia,

p24, activité RT

Activité luciférase

Sensibilité Non-déterminée 0.3% Temps 2-5 semaines 16 jours

6.4.2. Les tests génotypiques : les algorithmes de prédiction

L’identification d’une corrélation entre des changements d’acides aminés et l’usage des différents corécepteurs a mené au développement d’algorithmes de prédiction de l’utilisation des corécepteurs. Commençant par la règle 11/25 (Fouchier et al. 1992), les efforts se sont d’abord concentrés sur l’identification de motifs dans V3 associés à la prédiction du tropisme.

c) Méthode

Afin de corréler une séquence en acides aminés à un tropisme, ces algorithmes utilisent des méthodes de calculs statistiques très variées telle que les machines à vecteur de support ou SVM (support vector machine), les réseaux de neurones artificiels (Neural Network), les matrices de score position-spécifique ou PSSM (position-specific scoring matrix), ou encore les forets d’arbres décisionnels (random forest).

La plupart de ces prédicteurs génotypiques incorporent des informations de la région V3 (Boisvert et al. 2008; Jensen et al. 2003; Resch et al. 2001; Xu et al. 2007). Cependant dans certains cas, ces algorithmes intègrent aussi des corrélats génotypiques des autres régions de l’enveloppe (Hoffman et al. 2002; Thielen et al. 2010). Certaines méthodes utilisent également des données cliniques (Sing et al. 2007), ainsi que des informations structurales (Sander et al. 2007), afin d’améliorer les prédictions et de mieux discriminer les séquences X4 des R5X4 (Lamers et al. 2008).

d) Les algorithmes phares

Pour l’instant, les algorithmes les plus largement utilisés sont WebPSSM (Jensen et al. 2003) et Geno2pheno[coreceptor] (Lengauer et al. 2007) qui sont tous deux basés sur la séquence de V3. WebPSSM ou PSSM, comme son nom l’indique, utilise la méthode PSSM qui analyse les séquences en acides-aminés de la boucle V3. Il calcule pour chaque position d’acide aminés, la probabilité que la séquence soit dérivée d’un virus X4. PSSM fournit donc un score pour une séquence donnée; un score élevé dénote une forte probabilité d’appartenir à un virus X4. Deux algorithmes PSSM ont été développés, le premier PSSMX4R5 (Jensen et al. 2003), entrainé sur des séquences de sous-type B prédit un tropisme X4 ou R5, et PSSMSINSI spécifique des séquences de sous-type C (Jensen et al. 2006), prédit la probabilité qu’une séquence soit SI ou NSI.

Geno2pheno[coreceptor] basé sur la méthode de calcule SVM, fournit un résultat sous forme de taux de faux positif ou FPR (false positive rate) indiquant la probabilité qu’une séquence R5 soit faussement classifiée en X4. Différents seuils de FPR peuvent être utilisés pour la prédiction modifiant la sensibilité et spécificité de la prédiction. La flexibilité de SVM permet d’incorporer des données supplémentaires telles que le nadir CD4, la charge virale et le compte CD8 (Lengauer et al. 2007).

e) Performance

La spécificité et sensibilité des algorithmes dépendent des méthodes de production des séquences et aussi des sous-types du virus. Sur les virus clonés du sous-type B, la spécificité et

sensibilité de la plupart des algorithmes excèdent 90% et 80% respectivement. Toutefois, la sensibilité tombe à 50% pour des virus non-B et en utilisant un séquençage « bulk », c’est à dire un séquençage directement sur les produits de PCR (Garrido et al. 2008).

f) Utilisation en clinique

Geno2pheno[coreceptor] et PSSM ont tous deux montré une bonne valeur prédictive quant à la réponse au traitement avec le maraviroc chez les patients. Toutefois de nombreuses évidences supportent la préférence de geno2pheno[coreceptor] pour la clinique (Harrigan and Geretti 2011) Le test phénotypique Trofile approuvé pour la clinique est extrêmement couteux. Les tests génotypiques seraient ainsi une alternative envisageable pour les praticiens, bien que des efforts restent à faire afin d’en améliorer les performances.