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Utilisation pour la borylation d’halogénure de vinyle ou d’aryle

CHAPITRE I : AMINO(ORGANO)BORANES – RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES

I. AMINO(ORGANO)BORANES, NATURE, SYNTHÈSE ET PROPRIÉTÉS

I.4. R EACTIVITE ET APPLICATIONS DES AMINOBORANES ET ANALOGUES B-H

I.4.4. Agent de Borylation

I.4.4.1. Utilisation pour la borylation d’halogénure de vinyle ou d’aryle

Jusqu’au début des années 2000 les aminoboranes sont rarement utilisés en tant qu’outils de synthèse

organique. Ils sont en effet largement connus pour être d’excellents précurseurs de céramiques B-N128

mais sont inefficaces en hydroboration.

En 2003, G. Alcaraz et M. Vaultier reportent l’utilisation des aminoboranes monomériques dans le cadre de la borylation des halogénures d’aryle catalysée au palladium et montrent ainsi leur capacité à transférer un atome de bore.129

Des aminoboranes tels que le diisopropylaminoborane ont ainsi pu être évalués dans un procédé de couplage catalysé au palladium en présence de 4-iodoanisole dans le dioxane à 80°C pendant 15 heures. La base utilisée est ici la triethylamine et la charge catalytique du catalyseur au palladium est de 5 mol% (Schéma 33). Les résultats sont encourageants, avec des rendements excellents (99%) à modestes (51%) en fonction de l’aminoborane utilisé. Il est à noter qu’un minimum d’encombrement sur l’amine de l’aminoborane est nécessaire pour qu’il soit sous forme monomérique. Cependant un encombrement trop important réduit considérablement les rendements (Schéma 33, éq.3).

Schéma 33 : Borylation du 4-iodoanisole par des aminoboranes encombrés.

Le diisopropylaminoborane 2 présentant un bon équilibre entre encombrement et réactivité a donc été utilisé pour l’exemplification sur divers halogénures d’aryle. Les résultats diffèrent d’un halogénure d’aryle à l’autre avec, de façon générale, de meilleurs rendements pour les composés iodés (Schéma 34).

128 F. Thévenot, C. Doche, H. Mongeot, F. Guilhon, P. Miele, D. Cornu, B. Bonnetot, J. Solid State Chem. 1997, 133, 164–168. 129 L. Euzenat, D. Horhant, Y. Ribourdouille, C. Duriez, G. Alcaraz, M. Vaultier, Chem. Commun. 2003, 2280–2281.

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Schéma 34 : Borylation d’halogénures d’aryle avec du diisopropylaminoborane.

Dans le but de mieux comprendre le mécanisme de cette réaction, et pour faire suite aux travaux de Y. Masuda sur le mécanisme de borylation des halogénures d’aryle par des dialkoxyboranes catalysée au

palladium,130 des essais complémentaires ont été réalisés. En effet, Y. Masuda a proposé la formation

d’un intermédiaire réactionnel type aryle-PdII-X provenant de l’addition oxydante de l’halogénure d’aryle de départ. Pour vérifier si cela se produit aussi avec les aminoboranes, la réaction du iodobenzène avec

le diisopropylaminoborane en présence de [PhPd(I)(PPh3)2] a été étudiée. Celle-ci a permis l’obtention

du composé PhBHNi-Pr2 avec 85% de rendement, corroborant ainsi les résultats de Y. Masuda.

Un autre résultat permettant de confirmer le passage par une espèce type aryle-PdII-X a été obtenu lors

de la réaction du 4-fluorobromobenzène dans les conditions réactionnelles. Le produit obtenu est alors contaminé par 10% de PhBHNi-Pr2. Une explication à la formation de ce sous-produit implique un transfert de groupement phényle du ligand phosphine de l’intermédiaire [4-F-C6H4-Pd(Br)(PPh3)2], vers le métal après potentielle addition oxydante donnant ainsi l’espèce [(PhPd(Br)PPh3)(PPh2(4-F-C6H4))] qui élimine alors le sous-produit constaté.

Néanmoins, même si l’addition oxydante est connue pour être limitante dans des réactions comme le

couplage de Suzuki-Miyaura, cela ne semble pas être le cas ici.131 En effet, les résultats obtenus ne

suggèrent pas d’effet de la richesse électronique. En revanche, l’étape de transmétallation semble être relativement lente et donc limitante puisqu’elle permet le transfert compétitif d’un aryle de la phosphine plus ou moins important en fonction de la nature électronique des substrats.

En 2005, G. Alcaraz et M. Vaultier ont exploré la réactivité du diisopropylaminoborane vis-à-vis

d’halogénures d’alcène.132 Les mêmes conditions que précédemment ont été appliquées à des

halogénures de vinyles. Les vinylaminoboranes ont été isolés et caractérisés par RMN 11B (Tableau 8).

130 M. Murata, S. Watanabe, Y. Masuda, J. Org. Chem. 1997, 62, 6458–6459. 131 P. Sampson, J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 11836–11837.

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Tableau 8 : Borylation d’halogénures de vinyle

Entrée X R1 R2 Rendement isolé (%)

1 I Ph H 33 2 Br Ph H 94 3 Br H Ph 72 4 Br 4-OMe-C6H4 H 34 5 Br H 4-OMe-C6H4 84 6 Br (CH2)5 81

On constate ici que les bromures vinyliques sont de meilleurs substrats que leurs équivalents iodés, conduisant au produit souhaité avec de meilleurs rendements (Tableau 8, entrées 1 et 2).

Un point intéressant de cette méthodologie est aussi la stéréochimie du produit final. En effet, l’utilisation des halogénures de vinyle cis ou trans conduit nécessairement à l’isomère borylé trans. Ceci peut s’expliquer par la nature de l’intermédiaire. Les cis-vinylpalladium (II) sont connus pour s’isomériser en trans-vinylpalladium (II) qui sont tout simplement plus stables thermodynamiquement.133 Ainsi, malgré des rendements parfois faibles (Tableau 8, entrées 1 et 4) cette méthode permet tout de même d’accéder aux aminovinylboranes avec un parfait contrôle de la stéréochimie du produit final pouvant ensuite être transformés facilement en boronates ou en acides boroniques.

En 2011, B. Singaram décrit à son tour l’utilisation du diisopropylaminoborane pour la synthèse

d’aminoarylboranes.134 Les conditions utilisées sont sensiblement les mêmes que celles proposées par

G. Alcaraz et M. Vaultier à l’exception de la méthode de préparation du réactif aminoborane. En effet, nous avons vu plus tôt que B. Singaram a développé l’utilisation des aminoborohydrures de lithium en tant qu’intermédiaires pour la synthèse des aminoboranes (en page 29) qu’il applique ensuite directement en couplage (Schéma 35).

133 C. Amatore, M. Azzabi, A. Jutand, J. Am. Chem. Soc. 1991, 113, 1670–1677.

134 D. Haddenham, C. L. Bailey, C. Vu, G. Nepomuceno, S. Eagon, L. Pasumansky, B. Singaram, Tetrahedron 2011, 67, 576– 583.

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Schéma 35 : Réactivité des ABL face aux halogénures d’aryle.

B. Singaram a travaillé avec une plus grande variété de substrats (utilisation de triflates en plus des iodés et bromés) et a modifié les conditions de traitement du mélange réactionnel final pour permettre l’accès aux dérivés d’acides boroniques.

En 2014 cette réaction a été étendue aux chlorures d’aryle.135 La réaction fait cette fois intervenir 2 mol% d’un catalyseur à base de palladium acétate et d’un ligand phosphine, le XPHOS. La base utilisée reste la triéthylamine tandis que le solvant de choix est l’acétate d’éthyle. Deux types de conditions réactionnelles ont été établies en fonction de la richesse électronique des substrats étudiés (Schéma 36). Ceux étant plutôt électroattracteurs nécessitent l’ajout d’une quantité d’iodure de potassium assez conséquente (50 mol%) pour obtenir de bons rendements alors que ce même ajout défavorise au contraire la réaction des substrats électrodonneurs (2 mol%).

Schéma 36 : Application du diisopropylaminoborane à la synthèse de dérivés pinacoliques.