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Stockage de l’hydrogène

CHAPITRE I : AMINO(ORGANO)BORANES – RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES

I. AMINO(ORGANO)BORANES, NATURE, SYNTHÈSE ET PROPRIÉTÉS

I.4. R EACTIVITE ET APPLICATIONS DES AMINOBORANES ET ANALOGUES B-H

I.4.3. Stockage de l’hydrogène

La question de l’énergie et son stockage est malheureusement toujours d’actualité. L’augmentation exponentielle d’appareils électriques toujours plus performants mais aussi toujours plus gourmands en énergie nécessite une adaptation à laquelle nous n’avions pas réfléchit assez en amont. De ce fait, la production d’énergie via des méthodes plus robustes et moins toxiques évolue mais toujours trop lentement comparé à la vitesse de consommation de celle-ci. Dans un contexte où nous souhaitons réduire notre utilisation de dérivés du pétrole, matière première vouée à disparaître, tout en considérant les aspects climatiques et environnementaux, il est impératif de trouver des énergies alternatives.

Parmi celles-ci, l’hydrogène en tant que vecteur énergétique semble être relativement prometteuse.112

L’hydrogène est le gaz le plus léger qui existe, un litre de ce gaz ne pèse en effet que 90 mg à pression atmosphérique. Il est donc environ 11 fois plus léger que l’air que nous respirons. De par son abondance, sa combustion non polluante (rejet d’eau comme sous-produit) et sa haute capacité

énergétique (120 MJ/kg) on comprend aisément l’attention qu’il attire dans le domaine des nouvelles

énergies. L’une des problématiques majeures pour son exploitation réside néanmoins en son stockage (Figure 13).

Figure 13 : Méthodes de stockage de l’hydrogène.

De par sa faible densité (0.09 g/L à l’état gazeux) il faut un volume d’environ 11 m3 pour stocker seulement 1 kg d’hydrogène dans les conditions standards de pression et de température. A ce titre, il est donc indispensable d’augmenter sa densité et pour ce faire la majorité des stockages actuels sont basés sur la compression à haute pression (> 700bar). La densité de l’hydrogène est alors proche de 42 g/L. Les systèmes haute pression constituent un danger potentiel (explosion) et sont souvent sujets

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à la perte d’énergie (fuites, malfaçons). Une autre méthode consiste à stocker l’hydrogène sous forme liquide en le refroissant jusqu’à sa température de liquéfaction soit environ -253°C. Cette conservation à très basse température est coûteuse et ne trouve donc à ce jour d’application que pour la propulsion spatiale.

Enfin, le stockage sous forme solide est rendu possible grâce à des mécanismes d’absorption ou d’adsorption de l’hydrogène par des matériaux. Les hydrures métalliques en sont les principaux représentants mais l’utilisation de métaux lourds diminue l’efficacité de la méthode (diminution de la capacité gravimétrique). Les matériaux nanoporeux comme les zéolites représentent une solution

intéressante car le phénomène d’absorption / désorption est réversible.113 Cet avantage est néanmoins

aussi un inconvénient dans ce cas précis puisque les interactions support-hydrogène sont faibles (type Van der Waals) et il est donc nécessaire de refroidir le support à basses températures pour conserver

l’hydrogène sur celui-ci (retour aux problèmes de stockage à froid).114 Une avancée conséquente dans

ce domaine a été réalisée par la société McPhy qui propose un support de MgH2 nanoporeux capable

de stocker efficacement et de façon sûre l’hydrogène.115

I.4.3.2. Stockage chimique de l’hydrogène

Une alternative à ces premières propositions de stockage de l’hydrogène est le stockage chimique. Il permettrait en effet de répondre aux problématiques techniques énoncées ci-dessus (conditions de température et pression) tout en apportant une réversibilité du procédé et donc la pérennité de celui-ci. L’une des premières voies explorées fut celle de la production d’hydrogène par déshydrogénation des complexes amine-boranes. En effet, le complexe ammoniac-borane présente une capacité massique

d’hydrogène plus que prometteuse avec une valeur de 19.6%.116 Cependant, sa déshydrogénation

complète produit alors du nitrure de bore dont la stabilité accrue (∆H° = -59.97 kcal/mol) ne permet pas d’envisager la régénération de l’ammoniac-borane selon des conditions raisonnables. Le procédé est donc limité aux deux premières déshydrogénation (Figure 14) réduisant ainsi sa capacité massique de stockage à environ 13%.

Figure 14 : Etapes de déshydrogénation de l’ammoniac-borane.

Depuis 2010 plus de 100 rapports ont été publiés concernant une nouvelle approche de déshydrogénation de l’ammoniac-borane. Basée sur une déshydrogénation hydraulique, on peut

113 A. W. C. van den Berg, C. O. Areán, Chem. Commun. 2008, 668–681; H. Kajiura, S. Tsutsui, K. Kadono, M. Kakuta, M. Ata, Y. Murakami, Appl. Phys. Lett. 2003, 82, 1105–1107; J. Dong, X. Wang, H. Xu, Q. Zhao, J. Li, Int. J. Hydrogen Energy 2007, 32, 4998–5004; Z. Yang, Y. Xia, R. Mokaya, J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 1673–1679.

114 Y. Li, R. T. Yang, J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 726–727.

115 J. Yang, A. Sudik, D. J. Siegel, D. Halliday, A. Drews, R. O. 3rd Carter, C. Wolverton, G. J. Lewis, J. W. A. Sachtler, J. J. Low, Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 2008, 47, 882–887.

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trouver des travaux faisant usage de molécules d’H2O en présence de catalyseur117 ou bien en association avec des nanoparticules de métaux de transition,118 de molécules H2O stabilisées par

immobilisation dans les pores de matériaux organométalliques119, supportées sur des anions,120 sur du

graphène et équivalents carbonés,121 ou alternativement intégrées au sein de catalyseurs

homogènes.122

Selon la même logique, I. Manners propose en 2015 d’utiliser un excès d’H2O pour réhydrogéner les

aminoboranes en amine-boranes et ainsi rendre le chemin de réversibilité de la déshydrogénation des

amine-boranes plus simple et plus accessible (Schéma 31).123

Schéma 31 : Hydrogénation du diisopropylaminoborane en diisopropylamine-borane grâce à H2O.

Ainsi, 30% du diisopropylaminoborane 2 est réhydrogéné en diisopropylamine-borane 1 en utilisant simplement un excès d’eau. Bien que particulièrement prometteur, ce procédé n’est pas encore optimisé (faible conversion) et la réactivité éventuelle des sous-produits générés difficile à prévoir et contrôler. De nouveaux composés toujours basés sur la présence d’une liaison B-N mais permettant une réversibilité du procédé sont au stade exploratoire. Parmi eux peuvent être cités les aminoborohydrures métalliques et les aminoboranes cycliques.

a) Les aminoborohydrures de lithium et aminoborohydrures de sodium

La présence d’un métal au sein de structures B-N permettrait de diminuer l’enthalpie liée à la perte d’hydrogène, d’augmenter la pureté de l’hydrogène produit et de contrôler la vitesse du dégagement de

dihydrogène.124 Leur préparation est relativement simple et largement décrite. Des procédés impliquant

leur préparation via des techniques plus douces telle que le « ball-milling » sont d’ailleurs désormais proposés.

Un suivi de la déshydrogénation thermique de ces composés a été réalisé. Il montre que les températures de déshydrogénation sont inférieures à celles des amine-boranes (89°C et 92°C contre 108°C). De plus, la formation de borazine polluant l’hydrogène produit à 154°C habituellement observée avec les amine-boranes n’est pas constatée, permettant donc de produire un hydrogène plus propre.

117 H.-L. Jiang, Q. Xu, Catal. Today 2011, 170, 56–63.

118 C. W. Yoon, P. J. Carroll, L. G. Sneddon, J. Am. Chem. Soc. 2009, 131, 855–864; H.-L. Jiang, T. Akita, Q. Xu, Chem. Commun. 2011, 47, 10999–11001; Q. Yao, Z.-H. Lu, Y. Hu, X. Chen, RSC Adv. 2016, 6, 89450–89456; F. P. Kinik, T. N. Nguyen, E. Oveisi, B. Valizadeh, F. M. Ebrahim, A. Gładysiak, M. Mensi, K. C. Stylianou, J. Mater. Chem. A 2019, DOI 10.1039/C9TA02123J. 119 Y. Zhao, Y.-H. Kim, A. C. Dillon, M. J. Heben, S. B. Zhang, Phys. Rev. Lett. 2005, 94, 155504.

120 R. Nirmala, H. Y. Kim, C. Yi, N. A. M. Barakat, R. Navamathavan, M. El-Newehy, Int. J. Hydrogen Energy 2012, 37, 10036– 10045; B. Zhou, M. Wen, Q. Wu, Nanoscale 2013, 5, 8602–8608.

121 N. Cao, J. Su, W. Luo, G. Cheng, Int. J. Hydrogen Energy 2014, 39, 426–435; Ö. Metin, V. Mazumder, S. Özkar, S. Sun, J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, 1468–1469;

122 B. Durham, S. R. Wilson, D. J. Hodgson, T. J. Meyer, J. Am. Chem. Soc. 1980, 102, 600–607. 123 E. M. Leitao, I. Manners, Eur. J. Inorg. Chem. 2015, 2015, 2199–2205.

124 Z. Xiong, C. K. Yong, G. Wu, P. Chen, W. Shaw, A. Karkamkar, T. Autrey, M. O. Jones, S. R. Johnson, P. P. Edwards, Nat. Mater. 2008, 7, 138–141.

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Ces résultats restent néanmoins exploratoires pour le moment, et la pertinence de l’utilisation de ces composés purement hypothétique. Il a d’ailleurs été démontré que l’un des sous-produits issus de la déshydrogénation de ces borohydrures, le B2H6 serait une limitation majeure quant à l’utilisation de ces composés.

b) Les composés B-N-C analogues d’aminoboranes

L’utilisation de nouveaux composés à motif B-N-C a été proposée comme alternative.125 En effet, puisque la déshydrogénation des liaisons C-C est significativement endothermique (contrairement à celle des amine-boranes qui elle est exothermique) de nouveaux composés contenant à la fois des

liaisons C-C et des liaisons B-N pourraient être « un intermédiaire » possédant un ∆G de

déshydrogénation proche de zéro.

Des calculs théoriques réalisés par D.A. Dixon ont montré que le remplacement de deux groupements -CH2- du cyclohexane par le motif aminoborane H2NBH2 permettrait d’obtenir un matériau pouvant

délivrer jusqu’à 3 équivalents d’hydrogène soit une contenance de 7.1% massique (Schéma 32).126

Schéma 32 : 1,2-azaborine en tant que nouvel outil de stockage chimique d’hydrogène.

La synthèse de composés similaires à ceux que suggèrent les calculs de D. A. Dixon a récemment été reportée et, la déshydrogénation catalytique réversible à l’étude montre des premiers résultats très encourageants.127

Ces composés apparaissent dans les publications des résultats annuels comme étant de nouveaux candidats prometteurs pour le stockage réversible de l’hydrogène.