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CHAPITRE I : AMINO(ORGANO)BORANES – RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES

I. AMINO(ORGANO)BORANES, NATURE, SYNTHÈSE ET PROPRIÉTÉS

I.4. R EACTIVITE ET APPLICATIONS DES AMINOBORANES ET ANALOGUES B-H

I.4.1. Hydroboration

I.4.1.1. Introduction

L’addition d’un organoborane sur une insaturation est l’une des réactions les plus étudiées, encore aujourd’hui, en chimie du bore. En effet, la réaction d’hydroboration telle que décrite par H. C. Brown en 1959 est souvent l’étape clé nécessaire à l’introduction d’une grande variété de groupements

fonctionnels utiles à la construction de molécules complexes.92

I.4.1.2. Réactivité

a) Rappels bibliographiques sur l’utilisation des amine-boranes (AB)

Une série de complexes amine-boranes ont été synthétisés par H. C. Brown en 1998 et ont démontré rapidement leur capacité à réaliser l’hydroboration des oléfines à température ambiante.93 Sont notamment trouvés dans la littérature, des amine-boranes basés sur des anilines secondaires. Ceux-ci hydroborent le 1-octène en solution dans le THF en seulement 120 minutes à température ambiante avec de bons rendements. Leur réactivité semble s’accroître à mesure que l’encombrement stérique augmente. Il a ainsi été possible de réaliser l’hydroboration complète du 1-octène 16 après seulement 15 minutes dans le THF à température ambiante à l’aide du N-diisobutyle aniline-borane AB-1 ou encore

du N-isopropyl,N-ethyl aniline-borane AB-2 (Schéma 23). 94 Cependant, la synthèse de la plupart des

anilines de départ encombrées est fastidieuse et leurs purifications parfois difficiles.

91 R. M. Washburn, Inorg. Chem. 1963, 2, 884.

92 H. C. Brown, G. Zweifel, J. Am. Chem. Soc. 1959, 81, 247.

93 H. C. Brown, M. Zaidlewicz, P. V Dalvi, Organometallics 1998, 17, 4202–4205. 94 H. C. Brown, J. V. B. Kanth, M. Zaidlewicz, J. Org. Chem. 1998, 63, 5154–5163.

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Schéma 23 : Structures du N-diisobutyle aniline-borane AB-1 et du N-éthyle-isopropyle aniline-borane AB-2.

Pour remédier à ces problèmes de synthèse, de nouvelles familles de composés ont été développées

dès 1999. Parmi celles-ci, les amine trialkylboranes encombrées sont alors les plus efficaces.95

b) Via les aminoboranes (AoB)

En parallèle des amine-boranes, B. Schwarze et B. Wrackmeyer publient en 1997 l’utilisation de

pyrrolylboranes complexés au THF comme agent d’hydroboration (Schéma 24).96

Schéma 24 : Pyrrolylboranes utilisés en hydroboration.

Lorsque testés pour réaliser l’hydroboration de l’isoprène 18, des résultats plutôt décevants voire surprenants pour certains ont été obtenus. Le pyrrolylborane AoB-1 a conduit au meilleur rendement s’élevant à 70% (Tableau 4, entrée 1) tandis que les pyrrolylboranes AoB-3 et AoB-4 ont conduit à des rendements de 50 et 57% (Tableau 4, entrées 3 et 4). De manière surprenante, le pyrrolylborane

AoB-2 a conduit à un rendement très faible de 11% (Tableau 4, entrées AoB-2). Il est à noter que le mélange

réactionnel final contenait une quantité non-négligeable de produit hydrogéné (5% et 30% respectivement) résultant de l’hydrogénation compétitive des noyaux pyrrole et indole.

Tableau 4 : Hydroboration de l’isoprène à partir d’un pyrrolylborane

Entrée Pyrrolylborane Rendement

1 AoB-1 70%

2 AoB-2 11%

3 AoB-3 50%

4 AoB-4 57%

95 H. C. Brown, J. V. B. Kanth, M. Zaidlewicz, Organometallics 1999, 18, 1310–1317; H. C. Brown, J. V. B. Kanth, P. V Dalvi, M. Zaidlewicz, J. Org. Chem. 1999, 64, 6263–6274.

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Suite à ces résultats, ces mêmes pyrrolylboranes ont été mis en réaction avec le 1,4-cyclooctadiène 20. Les rendements sont alors encore plus faibles pour AoB-1, AoB-2 et AoB-3 et les régiosélectivités d’hydroboration relativement modestes (Tableau 5, entrées 1 à 3). En revanche, lorsque AoB-4 est utilisé le rendement isolé est de 90% avec une sélectivité parfaite envers la forme 21b (Tableau 5, entrée 4).

Tableau 5 : Hydroboration du 1,4-cyclooctadiène à partir d’un pyrrolylborane

Entrée Pyrrolylborane Rendement Ratio 21a / 21b

1 AoB-1 22% 40 / 60

2 AoB-2 27% 50 / 50

3 AoB-3 19% 40 / 60

4 AoB-4 90% 0 /100

Une telle sélectivité peut être expliquée par la nature très encombrée d’AoB-4 qui est un dérivé du carbazole. Cette méthodologie permet d’accéder facilement à des aminodialkylboranes cycliques. Ces composés peuvent ensuite être convertis en d’autres organoboranes d’intérêt comme le 9-BBN,

lui-même très bon agent d’hydroboration.97

Déjà prometteur lorsqu’utilisé en complexation avec du THF (AoB-1) le pyrrolylborane se comporte comme un monoalkylborane et réagit avec deux équivalents d’alcène ou d’alcyne pour donner les produits d’hydroboration correspondants. Lors de l’étude menée par B. Singaram, il a été démontré que la réaction peut être contrôlée et ainsi arrêtée à la monohydroboration en jouant simplement sur la stœchiométrie. Il a ainsi été rapporté qu’il est possible d’hydroborer le styrène 22 (à hauteur de 50%) et le phénylacétylène 24 (40%) grâce à cet agent (Schéma 25).

Schéma 25 : Hydroboration du styrène et du phénylacétylène avec le pyrrolylborane.

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Une explication quant à cette capacité d’hydroboration du pyrrolylborane pourrait être la nature aromatique de ce dérivé. Cela dit, lors d’une tentative d’hydroboration de ces mêmes substrats (alcène, alcyne) afin d’affirmer cette hypothèse, l’imidazolyborane et le pyrazolylborane n’ont pas donné de résultats encourageants.97 Leur nature dimérique / oligomérique pourrait cependant affecter leur réactivité et ainsi altérer leur réactivité. La nature instable du pyrrolylborane amène également à penser

que le BH3 issu de la réorganisation des ligands autour du bore puisse être en partie responsable de

l’hydroboration elle-même. Aucune hydroboration impliquant seulement un aminoborane sans aide / catalyse supplémentaire n’a su prouver leur efficacité depuis.

c) Via les oxazaborolidines (O-B(H)-N)

Il a néanmoins été mis en évidence qu’il est possible de réaliser des réactions d’hydroboration avec des oxazaborolidines et diazaborolidines mais ces réactions nécessitent l’aide d’un catalyseur. J. M. Brown a montré en 1990 qu’il est possible de réaliser l’hydroboration sélective d’oléfines à partir d’un catalyseur chiral au rhodium.98 La réactivité de deux oxazaborolidines dérivées de l’éphédrine 26 et de la pseudoéphédrine 27 a été évaluée dans ces travaux (Figure 11).

Figure 11 : Structure des deux oxazaborolidines obtenues à partir de l’éphédrine et de la pseudoéphédrine.

Les essais d’hydroboration ont tout d’abord été effectués sur le 4-méthoxystyrène 28 sans catalyseur. La réaction de 27 avec le substrat est relativement lente à 100°C mais elle donne néanmoins plus de 90% de l’alcool primaire 2-aryléthanol 29a après oxydation.

Dans un deuxième temps, 1 mol% de [ClRh(PPh3)3] ou de [HRh(PPh3)4] a été ajouté au mélange réactionnel. La réaction se fait alors à température ambiante. Après oxydation de l’organoborane, un mélange de trois produits a été obtenu : le 1-aryle éthanol 29b, le 2-aryléthanol 29a et l’éthylbenzène

29c (Tableau 6). L’alcool primaire 29a étant le produit majoritaire.

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Tableau 6 : Résultats de l’étude d’hydroboration sélective du 4-méthoxystyrène

Entrée Borane [Rh(nbd)L](OTf) 29a 29b e.e. 29c

1 26 L = dppb 5 95 5(S) 0 2 26 L = BINAP(R) 37 32 86(S) 31 3 26 L = BINAP(S) 38 25 8(S) 38 4 27 L = dppb 2 96 6(S) 2 5 27 L = BINAP (R) < 1 < 1 - > 98 6 27 L = BINAP (S) 28 42 83(R) 30

Pour déterminer les facteurs ayant joué un rôle important au moment de l’étape stéréosélective du cycle catalytique, les réactivités de 26 et 27 ont été comparées et l’utilisation de divers chélates phosphorés étudiée. L’utilisation du ligand dppb a conduit à l’ajout des deux boranes sur l’oléfine avec une haute régiosélectivité (alcool secondaire 29b majoritaire). Cependant, ce processus exhibe alors une très faible énantiosélectivité (Tableau 6, entrées 1 et 4). Il a alors été supposé qu’une double induction asymétrique provenant à la fois de l’organoborane et du ligand puisse avoir lieu. Le BINAP (R) ou (S) a été utilisé afin de prouver une telle supposition. Dans le cas de l’éphédrine 26, utilisée en présence du (R)-BINAP elle a conduit à une réaction hautement énantiosélective mais avec une régiosélectivité modeste (Tableau 6, entrée 2). De plus, cette réaction est alors plus lente et permet à la réaction compétitive d’hydrogénation d’avoir lieu. L’utilisation du (S)-BINAP a conduit à des résultats encore plus modestes (Tableau 6, entrée 3). La même démarche appliquée à l’organoborane 27 a conduit à des valeurs d’excès énantiomériques comparables à celles obtenues pour l’éphédrine 26, bien qu’inverses en termes de stéréochimie finale (Tableau 6, entrée 6). De nouveau, l’hydrogénation compétitive a été observée (Tableau 6, entrée 5).

J. M. Brown a ainsi démontré que des complexes de [Rh] catalysent la réaction d’hydroboration stéréosélective des oléfines terminales à l’aide d’oxazaborolidines. Comme relevé par B. Singaram lors de l’utilisation des aminoboranes, une limitation de cette méthode est que l’hydrogénation du substrat de départ génère une quantité de sous-produit non-négligeable.

d) Via les diazaborolidines (N-B(H)-N)

Un autre exemple d’hydroboration faisant intervenir un aminoborane a été reporté par M. Suginome en 2009.99 Celui-ci utilise alors une diazaborolidine, le HBdan, assistée d’une catalyse à l’iridium pour réaliser l’hydroboration des alcynes.

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Le HBdan 30 est un réactif intéressant dont la synthèse à partir du 1,8-diaminonaphtalène fut démontrée par R. I. Wagner100 en 1961 puis améliorée par M. Suginome en 2009.101 Ce diaminoborane a su montrer au fil des années sont aptitude à être efficace dans une large variété d’applications dont l’hydroboration d’alcynes (Schéma 26).

Schéma 26 : Hydroboration d’alcyne catalysée par l’iridium.

La réaction générale fonctionne aussi bien avec les alcynes riches en électrons (R1 = Me, OMe, NMe2)

que pauvre en électrons (R1 = CO2Et, Br) et conduit aux produits d’addition syn avec des rendements

modestes à satisfaisants (62 à 84%). D’excellentes régio- et stéréosélectivité ont également été obtenues en série aryle. L’hydroboration d’alcynes aliphatiques a quant à elle conduit à de très bonnes

sélectivités supérieures à 10 : 1 en faveur de l’isomère trans. Un autre paramètre intéressant réside

dans le fait que la réaction fonctionne également sur les acétylènes internes avec des rendements supérieurs à 80%.