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Usage : une ambiguité liée à une double définition étymologique

1 En guise de préambule : usage et usager, polysémie des termes

1.1 Usage : une ambiguité liée à une double définition étymologique

Bien qu’il ne soit pas l’objet ici de faire une analyse approfondie de la formation de la notion d’usage, un retour sur la définition du terme nous permet de formaliser les deux grandes lignes directrices de la notion telle qu’on la retrouve aujourd’hui utilisée.

Une première définition donnée1 du terme d’usage est celle d’une “pratique, manière d’agir ancienne et fréquente”, d’un “ensemble de règles et de

1. Nous nous référons à la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) : http://www.cnrtl.fr/definition/usage.

pratiques [. . . ] qui sont les plus couramment observées”ou encore “d’habitudes, [de] comportements qu’il convient de respecter, qui ne doivent pas être transgressés”. La définition renvoie à la notion d’une activité qui n’est pas originale, une habitude, une action qui a déjà été réalisée par le passé et que l’on répète — de façon impérative — de la même manière.

La seconde définition2 du terme d’usage est celle de “l’utilisation, emploi de quelque chose ; possibilité de se servir de quelque chose”. La mise en usage est définie comme étant de “se servir de quelque chose, mettre en action un procédé, quelque chose afin d’obtenir un résultat déterminé”. Cette seconde perspective introduit la notion de dispositif, d’objet que l’on met en usage, que l’on utilise, ce quelque chose pouvant même être une autre personne (avoir l’usage de quelqu’un, c’est bénéficier de ses services).

Ces deux visions, l’une qui renvoie à la notion de tradition, d’histoire de l’action et de conformité avec des règles, l’autre comme une démarche qui opère un dispositif au vu d’une finalité espérée, se retrouvent aussi dans l’étymologie latine du terme d’usage. Usage est un dérivé d’usus3, participe passé d’utor (Se servir de, jouir de, profiter de, recourir à).

On retiendra de ce détour étymologique la polysémie qui se retrouvera souvent au travers de l’emploi du terme dans les différentes littératures qui l’utilisent : l’usage comme habitude préexistante et répétée, ou alors l’usage comme action d’un opérateur sur un “quelque chose” dans la volonté de réaliser une finalité.

Il ne s’agit pas de débattre de la bonne définition, ni même de les opposer. Car s’il y a assurément une ambiguité qui sous-tend cette double définition (Proulx, 2005), il nous semble que c’est bien ce couplage entre connaissance traditionnelle de manières de faire et description de l’action qui fait l’intérêt de la notion. On parle d’usage d’un bien à partir du moment où il a déjà eu lieu, le terme apparaît comme une manière de définir l’ensemble des utilisations d’un bien en tant qu’ils sont des phénomènes déjà installés, existants et observables.

2. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales — CNRTL

3. On retrouve la forme participe passé usus dans usure, le résultat de l’usage. Le bien usé devient usagé.

Usage et utilisation

Le terme d’usage renvoie à la notion d’utilisation, c’est-à-dire à l’action attendue d’un utilisateur de l’objet. Elle est souvent retranscrite dans un manuel d’utilisationou un mode d’emploi détaillant les procédures pour mani- puler un bien. La distinction habituellement faite entre usage et utilisation est celle d’un degré de généralisation des utilisations. Le répertoire d’utilisations stabilisées d’un bien en constitue l’usage. On retrouve ici le couplage entre l’usage comme utilisation présente d’un objet ainsi que comme connaissance des utilisations passées.

L’usage, une pratique sociale

On ne peut négliger aujourd’hui l’influence des études sociologiques sur la manière d’appréhender le terme d’usage. La sociologie des usages a depuis une trentaine d’années produit une vaste quantité de propositions sur la question des usages d’objets techniques. Elle est en grande partie responsable d’avoir instauré un consensus aujourd’hui sur la notion d’usage en tant qu’il est un mécanisme d’appropriation sociale. Les biens et leurs usages sont vus au travers d’une dialectique technique et sociale : le développement des usages comme forme d’émancipation de l’usager médiée par un objet technique, mais également l’influence du cadre social sur l’émergences de pratiques nouvelles.

L’emploi contemporain du terme d’usage

Le vocable usage est devenu un terme générique utilisé pour décrire un vaste ensemble de notions, du savoir-faire traditionnel, aux formes d’émancipation des acteurs s’appropriant de nouveaux objets techniques, en passant par des manuels d’utilisation dictant les procédures à suivre pour l’emploi d’un appareil donné. Nous proposons de reprendre la définition proposée par Jullien (1978) : L’usage s’inscrit dans une relation entre des acteurs (usagers), un ensemble d’objets ainsi qu’un milieu, c’est-à-dire une situation dans laquelle s’inscrit l’usage (voir figure 6, page 51).

Nous pouvons déjà préciser un ensemble de caractéristiques sur cette notion :

– L’usage d’un objet n’est pas une fin en soi. Il est suscité par des modifications dans les trois domaines des objets, des acteurs et des situations.

– L’usage est un évènement, un phénomène qui se déroule dans le temps. Il est une “portion du réel”, pour reprendre les termes de l’auteur. – L’usage est un fait socio-culturel. Les trois domaines objets/usagers/milieu

s’inscrivent dans un contexte collectif plus large, à l’échelle d’une communauté ou d’une société.

Figure 6 | Le domaine d’étude des usages s’inscrit dans un triptyque objets/usagers/milieu. (Jullien, 1978)

L’usage n’est pas un simple mode d’emploi, au sens d’une séquence d’actions, ni un répertoire de fonctionnalités associées au bien, mais plutôt une pratique établie qui rend compte à la fois d’une dimension technique de manipulation du bien et d’une dimension sociale. Les logiques de l’usage d’un objet s’inscrivent dans un système de relations entre objets, milieu et des acteurs usagers.

1.2 Les divers destinataires de l’objet : l’usager, le client, le

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