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3 L’usage réduit aux fonctions dans la conception réglée

COMMENT Paramètres de

conception Matrice de correlation QUOI Besoins du consommateur Benchmark des compétiteurs COMBIEN objectifs de conception criticité Matrice d'interdépendance

Figure 15 |Principe de l’outil House of Quality pour organiser la relation entre les besoins du consommateur et les paramètres de conception de l’objet

fonctionnels du produit. La méthodologie est une procédure structurée qui commence avec les qualités désirées par le destinataire, les traduit en fonctions requises par le produit ou service à concevoir et identifie des paramètres de conception pour les réaliser. Par la suite, elle permet aussi d’évaluer sa propre conception par rapport à des propositions de concurrents. Ce benchmark de produits concurrents permet de placer son propre produit dans l’espace des préférences clients. La méthode QFD est une des méthodes qui permet de lier un espace de valeur pour le destinataire avec l’espace des paramètres de conception de l’objet de la conception.

Finalement, dans la théorie axiomatique de Suh (1990), tout comme dans les autres théories de la conception réglée, on ne parle que très peu de la question de l’usage. Celle-ci est exprimée au travers d’un espace de besoins et de spécificités du destinataire. Les hypothèses implicites de cette posture est de supposer que la constitution des attributs qui font valeur pour l’usager n’est pas problématique, et que les critères de qualité du produit conçu vis-à-

vis de l’usage sont réduites à la notion de “quantité d’information nécessaire minimale”pour l’opérer.

De fait, la conception réglée s’intéresse à proposer d’évaluer des solutions techniques nouvelles par rapport à un modèle de l’usage que l’on suppose préexistant. S’installe alors une logique d’itération qui combine analyse d’usage et amélioration des biens pour contribuer à une augmentation continuelle des performances de l’objet, à modèle d’usage donné.

3.4 Conclusion : conception réglée et confinement de l’usage en fonctions

Dans les régimes de conception réglée, les théories en place délaissent la notion-même d’usage au profit de notions de besoin et de fonction. Les théories de la conception systématique cherchent à organiser les couplages entre un espace de fonctions exprimées et un espace de paramètres de conception du bien. L’usager est peu présent dans ces théories, on ne parle notamment pas de créativité de la part de l’usager. Il est au mieux vu comme une ressource permettant d’aider les concepteurs à définir des fonctions du bien, le plus souvent comme un acteur qui exprime une satisfaction vis-à-vis des propriétés du bien. On cherche plutôt à mesurer les déviances par rapport à un modèle d’usage de référence.

La question de la prise en compte des usages se pose d’une façon particulière dans les régimes de conception réglée, puisqu’on considère qu’il préexiste un modèle de l’objet à concevoir. C’est ce modèle qui cristallise l’ensemble des connaissances de la firme sur les usages et s’expriment sous la forme de spécifications que l’on impose à l’objet de la conception.

Ce confinement est d’une grande utilité puisqu’il permet de ne pas avoir à rediscuter des usages à chaque étape de conception du produit. Il permet la division du travail entre d’un côté des concepteurs du bien et de l’autre des spécialistes de l’usage. Le modèle d’usage sert d’interface entre le marketing (ou autre acteur qui organise la relation entre l’analyse des usagers et la production de nouveaux modèles) d’une part et les concepteurs de l’autre.

– Première possibilité : le modèle de l’usage est considéré comme étant stable. Dans ce cas rien ne pousse les concepteurs à le remettre en question, donc à s’intéresser à la manière dont l’usager se sert des biens. Le processus de conception de l’objet peut débuter, et les éventuels débats s’en tiennent à des questions de conformité de l’usage réel avec le modèle d’usage. Eventuellement, des déviances repérées peuvent amener à la modification de quelques items sur ce modèle d’usage ; – Deuxième possibilité : les concepteurs cherchent à faire évoluer un

modèle d’usage existant, voire cherchent à concevoir un nouveau modèle d’usage pour un nouvel objet inconnu. C’était le cas, par exemple, des premiers concepteurs de fours à micro-ondes domestiques, ou encore pour les concepteurs d’une voiture pour les personnes âgées. Alors entrent en jeu des dispositifs d’analyse d’usage et d’implication des usagersdans les processus de conception.

Revenons sur les hypothèses qui fondent ainsi la notion de l’usage dans les processus de conception réglée :

– Les formalisations du processus de conception reposent sur une sépa- ration entre deux temps : d’abord le temps de la conception du bien puis le temps de l’usage de celui-ci ;

– Le temps de l’usage est perçu comme une “perte de contrôle” sur le bien du point de vue des concepteurs.

Ces deux hypothèses amènent alors la proposition habituelle suivante : l’usage devient une connaissance que l’on cherche à intégrer dans la concep- tion d’un bien. De fait, la littérature sur la gestion des processus de concep- tion s’attache donc par la suite à produire des dispositifs qui permettent de limiter les risques liés à l’usage, en développant des outils, des métiers, des process qui permettent d’un côté d’analyser l’usage des biens à priori, et d’intégrer la connaissance produite dans les processus de conception, afin de mieux concevoir les biens. La figure 16 schématise le positionnement de ces courants de recherche dans notre matrice d’investigation de la littérature.

Les efforts de rationalisation que cette littérature a proposé se sont fondées sur un mythe rationnel (Hatchuel et Molet, 1986 ; Hatchuel et Weil, 1992) de “l’usager naïf”, c’est-à-dire un acteur aux compétences de conception supposées limitées. Les processus de conception de nouveaux produits

pour les usagers pour les usagers

usages connus usages inconnus usages connus usages inconnus

les deux acteurs ont la connaissance des usages du bien

comment transférer les usages pensés par les concepteurs aux usagers ?

comment transférer la connaissance sur les usages des usagers aux concepteurs ?

les usages du bien sont inconnus des deux types d’acteurs : concepteurs et usagers

pour les concepteurs

étant donné un bien :

Conception réglée

Ergonomie Analyse

d'usage

Figure 16 | Positionnement de la conception réglée et l’ergonomie dans notre axiomatique

doivent à tout prix assurer la compréhension des usages de ces produits ainsi que des besoins auxquels ils répondent. Nous développerons ce point dans le chapitre 6, en fin de cette première partie de la thèse.

Ainsi en conception réglée, on considère que les usages d’un bien sont majoritairement connus. La rationalisation porte sur le processus de conception du bien, l’usage n’apparaît qu’à travers un modèle d’usage, connaissance des concepteurs. Le bien, une fois conçu, est mis sur le marché. Des métiers tels que le marketing se sont structurés pour tenter de mesurer la satisfaction client, et ainsi amender le modèle de référence de l’usage par une série de connaissances nouvelles issues du marché.

4 L’innovation par l’usager : les limites de

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