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V. B IOMONITORING : PROGRAMME DE SURVEILLANCE DES CONTAMINANTS

V.2. S URVEILLANCE EN MILIEU TROPICAL

Si de grands efforts ont été réalisés dans les milieux tempérés, avec le Mussel Watch aux Etats-Unis et son extension dans d’autres pays tempérés, très de peu de choses ont été mises en place dans les milieux tropicaux. Par ailleurs, dans le domaine de l’écotoxicologie des métaux, la plupart des informations publiées concernent les écosystèmes marins tempérés et assez peu de données s’intéressent aux régions tropicales (Lacher & Goldstein 1997). Malgré tout depuis quelques années, un intérêt certain est porté aux récifs coralliens. Les récifs coralliens supportent une grande diversité de vie, et jouent un rôle essentiel pour les populations locales (e.g. pêche, tourisme) sont en effet très sensibles aux perturbations anthropiques.

V.2.1. Surveillance de l’état de santé des récifs coralliens

L’état de dégradation des récifs coralliens est préoccupant, et de nombreux programmes (International Coral Reef Initiative I.C.R.I.; Coral Reef Initiative for South Pacific C.R.I.S.P., Global Coral Reef Monitoring Network G.C.R.M.N., United Nations Environment Programme U.N.E.P) sont nés dans le but d’évaluer l’état de santé des récifs coralliens à travers le monde afin d’améliorer leur gestion et leur protection. Cependant, cette surveillance biologique des zones coralliennes est basée soit sur des approches écologiques (mesure de la biodiversité, de couverture algales et coralliennes); soit sur l’étude des peuplements de poissons et/ou invertébrés; soit sur la structure des communautés. A titre d’exemple, la présence des poissons papillons Chaetodon spp. est utilisé comme indicateur de l’état santé d’un récif corallien (Öhman et al. 1998). Il est aussi possible d’utiliser en parallèle plusieurs approches écologiques. L’étude de Dahl (1981) prévoyait des comptages de poissons, la description du substrat et des formes coralliennes, la mesure de la couverture algale et corallienne, afin de mettre au point un système de surveillance des récifs coralliens situés autour de la ville de Nouméa et sujets aux rejets urbains. Cependant, de telles approches fournissent des informations uniquement sur l’état de santé globale du récif, et ne donnent pas d’information sur la présence et/ou les effets d’éventuelles contaminations chimiques.

V.2.2. Surveillance des contaminants, un programme rare

Pour ce qui est de la contamination chimique, les programmes de surveillance sont rares avec une notable exception pour l’étude de l’eutrophisation dans les systèmes récifo-coralliens (Bell 1991, 1992; Larkum & Steven 1994; Koop et al. 2001). Une synthèse de Phillips (1991) sur les métaux en domaine tropical met l’accent sur le faible nombre d’études concernant les impacts des métaux sur les écosystèmes tropicaux, par rapport aux travaux réalisés en milieu tempéré, alors que ces écosystèmes présentent une forte vulnérabilité. Parmi les travaux publiés sur l’écotoxicologie des métaux dans le milieu marin tropical, la plupart se sont intéressés à l’aspect descriptif des concentrations en métaux dans l’eau, les sédiments et les organismes vivants (e.g., Denton & Burdon-Jones 1986b; Gibbs & Guerra 1997). Pour ces derniers, l’intérêt semble avoir été principalement porté aux mollusques bivalves -huîtres et moules- (e.g., Phillips & Muttarasin 1985; Peerzada & Dickinson 1988) et aux coraux bâtisseurs de récifs (e.g., Gusmán & Jimenez 1992; Haynes & Johnson 2000). Quelques études ponctuelles portent également sur des poissons, des crustacés, des algues, des phanérogames marines et des échinodermes (e.g., Nienhuis 1986; Jones et al. 2000).

Cependant, à l’exception de quelques travaux (e.g., Klumpp & Burdon-Jones 1982; Blackmore & Wang 2003), les organismes étudiés ont été sélectionnés sur des critères pratiques (e.g., présence) plutôt que sur des critères garantissant leur validité comme bioindicateurs.

Actuellement, rares sont les pays sous ces latitudes où de véritables réseaux de surveillance du milieu marin ont été développés. En effet, comme nous l’avons vu précédemment le choix des espèces demeure crucial. Dans les milieux tempérés, la moule Mytilus edulis est utilisée comme bioindicateur pour le « Mussel Watch ». Or, en milieu tropical, il n’existe pas de moules qui puisse se substituer à la moule Mytilus edulis utilisée comme bioindicateur en domaine tempéré et des études visant à identifier d’autres organismes tropicaux susceptibles d’être utilisés comme bioindicateur se sont développées. Récemment, le Mussel Watch a été étendu dans la région Asie/Pacifique sous le nom de « Asia-Pacific Mussel Watch » (APMW) (UNU 1994). Les espèces susceptibles d’être utilisées comme bioindicateur étaient du genre Saccostrea, Crassostrea et Perna. D’août 1995 en juillet 1998, le projet APMW a été développé pour mesurer les concentrations des métaux et des composés organiques dans les sédiments, les tissus d’huîtres et autres coquillages prélevés dans 17 sites côtiers et estuariens aux alentours de Taiwan (Jeng et al. 2000). Dans le Sud-Est asiatique, la moule verte Perna viridis a été identifiée comme bioindicateur potentiel des métaux (Phillips 1985). L’extension du R.N.O. français au littoral de certains départements d’Outre-mer (e.g. Guadeloupe, Martinique, La Réunion) est également en cours, et cette démarche est bien évidemment renforcée dans le contexte de l’application de la directive cadre sur l’eau de la Commission Européenne. Aux Antilles, la surveillance des contaminants dans les organismes utilise une espèce très commune, l’huître Isognomon alatus (RNO 2005). En Polynésie française, la réponse physiologique de la moule tropicale Modiolus auriculatus aux contaminants organochlorés est présenté comme un outil permettant l’évaluation de leur toxicité et leur suivi dans l’environnement marin (Bourdelin 1996). Néanmoins, ces essais ne sont pas encore finalisés et un programme de biosurveillance, utilisé en routine dans toute la zone tropicale comme le Mussel Watch dans les zones tempérées, reste encore difficilement envisageable aujourd’hui, notamment de part les problèmes d’instabilité des gisements naturels des espèces utilisées (e.g. Isognomon alatus, RNO 2005).

De plus, les informations disponibles sur le milieu marin tropical concernent préférentiellement certaines régions du monde. En effet, la majorité des travaux publiés concernent la Baie de Hong-Kong en mer de Chine (e.g., Chong & Wang 2000a; Blackmore

& Wang 2003), le sud-est asiatique (Blackmore 1998), l’Amérique latine (Paez-Osuna & Tron-Mayen 1996; Alho & Vieira 1997; Gibbs & Guerra 1997) et la Grande Barrière de corail au nord-est de l’Australie (e.g., Denton & Burdon-Jones 1986a; Jones et al. 2000; Olivier et al. 2002). Au contraire, quasiment aucune information n’est disponible pour les côtes africaines et seules quelques études ponctuelles se sont intéressées à la région indopacifique (Nienhuis 1986; Lim et al. 1995) et plus particulièrement au site d’Hawaii (Hunter et al. 1995). Ce manque d’information se fait sérieusement ressentir dans plusieurs régions, en particulier celles où des problèmes environnementaux évidents existent. C’est notamment le cas de la Nouvelle-Calédonie où les apports en métaux générés par les activités minières en plein développement imposent de prendre des dispositions pour surveiller et gérer la qualité de l’environnement (Labrosse et al. 2000).

VI. CONTEXTE LIE A LA NOUVELLE-CALEDONIE

VI.1. G

ENERALITES

VI.1.1. Géographie

Le « Caillou » comme la dénomme les habitants de la Nouvelle Calédonie a été découvert à la fin du XVIIIème

siècle par le capitaine Cook (1774). La Nouvelle-Calédonie se situe dans le Pacifique Sud (entre 19° et 23° de latitude sud et entre 158°et 172° de longitude est) (Fig. 4).

L’île principale, « la Grande Terre », est la région la plus riche d’un point de vue démographique de la Nouvelle-Calédonie. Elle est divisée dans la longueur par un massif montagneux appelé « Chaîne Centrale » qui sépare l’île en 2 régions très différentes :

- la Côte Est, humide, exposée aux alizés, avec une végétation typique des zones tropicales humides;

- la Côte Ouest, plus sèche et tempérée, avec une plaine côtière couverte d’une végétation de type savane.

La flore et la faune de la Nouvelle Calédonie sont uniques avec un fort taux d’endémisme (75% des 3 500 espèces de plantes) ; on y a pour l’instant recensé 4 300 espèces d'animaux terrestres, 1 000 espèces de poissons et 6 500 espèces d'invertébrés marins. Entourée par une barrière de corail de 1 600 km de long, la Nouvelle-Calédonie compte également l’un des plus vastes lagons au monde.

VI.1.2. Climatologie

Situé au niveau de la ceinture intertropicale, la Nouvelle Calédonie est soumise à un climat tropical océanique. Deux saisons majeures se distinguent, la saison chaude de décembre à mars et la saison fraîche de juin à août, entrecoupées par deux saisons de transition. La saison chaude correspond à la période de développement des dépressions tropicales ou des cyclones. Le climat est caractérisé par une pluviométrie forte et discontinue pendant la saison fraîche. Les alizés soufflent toute l'année de façon modérée à forte, entre 15 et 20 nœuds, dans un secteur compris entre l'est à sud-est. La température moyenne est de 22-24°C.

VI.1.3. Géologie

Au niveau géologique, l'abondance exceptionnelle des roches ultrabasiques donne son originalité à la chaîne de la Grande Terre. Lors de la collision entre plaques, génératrice du dernier plissement, un vaste feuillet de ce manteau est remonté et a été poussé par-dessus les autres terrains. L'érosion l'a disséqué en plusieurs massifs. Ces roches ultrabasiques, provenant du manteau, présentent dès leurs origines une richesse en métaux de transition, notamment en Ni. Ces roches appelés péridotites contiennent de forte teneur en métaux (0,3% Ni) et occupent plus d’un tiers de la superficie du Territoire. La formation des péridotites correspond à l’étape primaire d’enrichissement en métaux du sous-sol. Cet enrichissement a pu se poursuivre par une seconde étape de formation des serpentines. Sous l’action de facteurs tectoniques, les péridotites subissent un charriage et une hydratation partielle des

silicates. Sous l’action climatique, elles sont lessivées en profondeur entraînant un départ des alcalins et alcalino-terreux, et d’une partie de la silice et enfin une migration des métaux de transition. D’où une concentration importante de ces métaux dans une partie du profil d’altération, nommés saprolites ou garniérites, où les teneurs en Ni peuvent atteindre 2 à 3%. De part cette évolution géochimique, est née l’existence de zones géographiques très riches en Co, Cr, Fe et Ni. L’originalité des sols de Nouvelle Calédonie a suscité l’intérêt des chercheurs et des industriels par leur richesse exceptionnelle en hydroxyde de Fe et en métaux de transition.

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