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Le terme « bioindicateur » regroupe de nombreuses définitions. En effet, les effets biologiques d’une contamination métallique peuvent apparaître à différents niveaux d’organisation : au niveau infra-individuel, individuel, de la population, des communautés et de l’écosystème. En fonction du niveau d’organisation, différents bioindicateurs seront distingués : les bioindicateurs écologiques, les biomarqueurs ou bioindicateurs qualitatifs, et les bioindicateurs quantitatifs.

IV.2.1. Bioindicateur écologique

Un bioindicateur écologique peut se définir comme « un taxon ou un ensemble de plusieurs taxons qui, par ses caractéristiques qualitatives et/ou quantitatives, témoigne de l’état d’un système écologique et qui, par des variations de ses caractéristiques, permet de détecter d’éventuelles modifications de l’état de ce système » (Blandin 1986). Les bioindicateurs écologiques peuvent donc être utilisés pour mettre en évidence d’éventuelles perturbations rencontrées aux niveaux supérieurs d’organisation biologique tels que les populations, les peuplements et les communautés (présence/absence, abondance d’un ou plusieurs taxons). Cependant, ce type d’indicateur n’est pas spécifique d’un type de perturbation ou de contamination et traduit généralement une altération globale d’une biocénose sans que l’origine ou l’impact respectif des différentes sources de stress soient connu.

IV.2.2. Bioindicateur qualitatif ou biomarqueur

Un biomarqueur ou bioindicateur qualitatif peut se définir comme étant « un changement observable et/ou mesurable au niveau moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique ou comportemental, qui révèle l’exposition présente ou passée d’un individu à au moins une substance chimique à caractère polluant » (Lagadic et al. 1997). Les biomarqueurs constituent des outils permettant de détecter de manière relativement précoce une contamination chimique et évaluer les effets de différents contaminants aux niveaux infra-individuels et individuels (Depledge et al. 1993; Addison 1996). Les biomarqueurs (e.g., l’induction des métallothionéines, l’induction du système du cytochrome P450, Cajaraville et al. 2000; Perez et al. 2004) sont des outils sensibles utilisés dans les réseaux de surveillances, et permettent de détecter les effets biologiques de la contamination (McCarthy & Shugart 1990). Cependant, l’interprétation des résultats est généralement rendue difficile par l’influence

exercée par les fluctuations naturelles de nombreux facteurs biotiques et abiotiques sur les réponses observées (Cormier & Daniel 1994).

IV.2.3. Bioindicateur quantitatif

Un bioindicateur quantitatif est une espèce animale ou végétale dont l’analyse permet d’obtenir des informations intégrées dans le temps sur l’état de la contamination du milieu et sur la biodisponibilité des contaminants présents (Rainbow 1995). L’intérêt des bioindicateurs quantitatifs a été largement discuté par différents auteurs (Rainbow & Phillips 1993; Rainbow 1995) et la principale qualité d’un bioindicateur quantitatif est sa capacité de bioaccumuler un ou plusieurs contaminants. Le dosage des contaminants dans les tissus des espèces indicatrices vise dès lors à détecter et/ou à quantifier l’état de contamination du milieu. Si les espèces ciblées sont des espèces comestibles, elles peuvent être utilisées comme indicateur pour l’environnement et pour la santé humaine. Les bioindicateurs quantitatifs permettent de quantifier la fraction de la contamination biodisponible pour les organismes.

Un bioindicateur est défini comme « un organisme qui peut-être utilisé pour quantifier les niveaux relatifs de pollution par les mesures des concentrations en contaminants dans ses tissus » (Phillips 1990). Les méthodes basées sur l’utilisation de bioindicateurs pour estimer la qualité chimique du milieu côtier ne peuvent pas se faire avec l’ensemble des organismes marins. Il est donc nécessaire d’identifier et de sélectionner les espèces ou groupes d’espèces les plus aptes à pouvoir refléter la qualité de leur milieu.

IV.2.4. Critère de sélection d’un bioindicateur quantitatif

Les critères de sélection d’un organisme susceptible d’être utilisé comme bioindicateur de contamination ont été décrits par de nombreux auteurs (Phillips 1977b, 1990; Rainbow & Phillips 1993; Rainbow 1995). Notons, l’originalité de la définition d’Hopkin (1993) qui considère qu’un organisme bioindicateur pourra être utilisé avec succès s’il satisfait les ‘5R’: « Relevant, Reliable, Robuste, Responsive, Reproducible », ou encore celle de de Kock & Kramer (1994), qui décrivent les critères de sélection des bioindicateurs selon les termes suivants « Versatility, Practicability, Integrative ability, Consistency ». Ces multiples définitions peuvent être résumées selon les critères énoncés ci-dessous, un bioindicateur doit : -être identifiable facilement et sans ambiguïté au rang de l’espèce et être une espèce dont la biologie et l’écologie sont bien connues;

-être abondant et largement distribué, pour autoriser des prélèvements réguliers et en quantité suffisante pour être statistiquement exploitable tout en ne causant pas de préjudice aux populations en place;

-être facile à récolter et à manipuler;

-avoir une durée de vie suffisamment longue et pouvoir être prélevé toute l’année afin de pouvoir assurer un suivi dans le temps et prendre en compte la variabilité saisonnière;

-être de taille suffisante pour fournir la quantité de tissus nécessaire pour les analyses individuelles;

-être résistant au stress généré par les manipulations au cours de la récolte ou en laboratoire; -être tolérant aux variations des conditions naturelles de l’environnement;

-être sessile ou sédentaire afin d’être représentatif d’une certaine localisation et d’intégrer les caractéristiques environnementales du site de prélèvement;

-être de bon bioaccumulateur des métaux étudiés.

Ces pré-requis ne sont pas entièrement suffisants pour valider le choix d’un bioindicateur. En effet pour comparer des échantillons provenant de différents sites, il faut s’assurer que les variables biotiques et abiotiques n’affectent pas les concentrations métalliques dans les organismes (Phillips 1980; Bryan et al. 1985). Ce dernier critère demeure le principal, et il a été clairement énoncé par Phillips (1990), « all organisms in a survey exhibit the same correlation between their metal contents and those in the surrounding water, at all locations studied, under all conditions » qui se traduit par « tous les organismes dans une situation présentent la même corrélation entre leur contenu métallique et celui dans l’eau ambiante, à toutes les localisations étudiées et sous toutes les conditions ».

IV.2.5. Organismes généralement utilisés

Selon les différents critères définis ci-dessus, le choix des organismes reste crucial. En pratique, il n’existe aucune espèce répondant à la totalité des critères cités précédemment. En effet, le choix des bioindicateurs se heurte aux problèmes de terrain. Les organismes sont donc sélectionnés selon l’ordre d’importance accordée à chaque critère, en tenant compte de la zone d’étude et des besoins. La sélection d’un seul bioindicateur ne permet pas de renseigner sur l’état global de contamination de l’écosystème. En effet, il a été montré qu’en l’absence de bivalves filibranches, la contamination en Cd n’aurait pas été mise en évidence

dans un site soumis aux apports par la Gironde (Miramand et al. 1999). Des espèces différentes ont généralement des distributions géographiques différentes, allant des rivages rocheux aux estuaires vaseux. Elles sont donc susceptibles d’accumuler les métaux à partir de différentes sources, et de représenter différentes fractions biodisponibles. Par exemple, dans l’estuaire de la Looe, l’Ag particulaire est plus facilement accumulé par les bivalves déposivores Scrobicularia plana et Macoma balthica, que par la moule Mytilus edulis et a fortiori par l’algue Fucus vesiculosus (Bryan et al. 1980). Ainsi, il n’existe pas un bioindicateur universel. C’est pour cette raison qu’il est fortement recommandé de travailler sur plusieurs espèces en parallèle : une algue, un bivalve filtreur et un déposivore afin d’estimer au mieux la biodisponibilité des métaux pour l’écosystème considéré. Les espèces les plus communément utilisées dans les programmes de biosurveillance sont les algues et les bivalves. En général, les macroalgues brunes sont les plus aptes à être utilisées comme bioindicateurs de part leur aptitude à fortement concentrer les métaux (Rainbow & Phillips 1993). De part leur physiologie, les algues accumulent les métaux principalement par voie dissoute (Bryan 1969, 1971; Phillips 1979), et elles seront le plus à même de représenter la contamination présente dans la fraction dissoute.

Les bivalves, dénommés « capteurs de contaminants », sont utilisés en complément des algues. En effet, de part leurs particularités écologiques et leur mode d’alimentation basé sur la filtration de larges quantités de matières particulaires, les bivalves ‘filtreurs’ sont capables de refléter la contamination des métaux présents sous forme dissoute et particulaire (sédiments, phytoplancton, matières en suspension). Les bivalves ‘fouisseurs’, quant à eux ingèrent du sédiment en se nourrissant, et seront le plus à même de refléter les métaux associés à la fraction sédimentaire. De plus, le caractère sédentaire des bivalves, dû à leurs particularités biologiques, est fort utile pour détecter la localisation précise de sources de contaminants. Leur cycle de vie de quelques mois à plusieurs années permet de suivre les changements temporels des contaminants sur une échelle de temps relativement longue, et d’intégrer les effets épisodiques des variations des contaminants. Les espèces de la famille des Mytilidae, de part leur abondance et leur large distribution dans plusieurs régions du monde, leur forte tolérance aux stress naturels opérant dans la zone tidale (Davenport 1979; de Kock & Kuiper 1981) sont souvent proposées comme bioindicateurs. Cette aptitude exceptionnelle des bivalves et des algues à la bioaccumulation a donc été mise à profit dans les années 1960- 70 par la mise en place dans des programmes de surveillance des contaminants, appelé « biomonitoring ».

V. BIOMONITORING: PROGRAMME DE

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