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Constituants naturels de l’écorce terrestre, certains métaux sont indispensables aux organismes vivants (Co, Cu, Fe, Mn, Ni, Zn), au même titre que les sels nutritifs (nitrates, phosphates ou silicates). Les métaux à caractère essentiel jouent un rôle important dans les processus métaboliques. Par exemple, le Cu associé à l’hémocyanine joue un rôle dans le transport d’oxygène de nombreux mollusques et crustacés; le Co est un des constitutif de la vitamine B12, le Zn est un cofacteur des ADN et ARN polymérases, de l’anhydrase carbonique, de certaines déshydrogénases et phosphatases alcalines ; le Ni est un cofacteur des hydrogénases (Bowen 1966).

Ainsi, si les exigences cellulaires en éléments essentiels sont satisfaites, alors les organismes grandissent et se développent de façon optimale. Par contre, si ces éléments sont présents en quantités insuffisantes ou en excès par rapport aux besoins de l’organisme, alors des problèmes de carences ou de toxicité apparaissent. Entre ces deux cas extrêmes, il existe pour les éléments essentiels une « fenêtre d’essentialité » (Hopkin 1989) ou une « gamme de concentration optimale pour les éléments essentiels » (Van Assche et al. 1997) (Fig. 2).

Figure 2. Relation entre la performance (P) (croissance, fécondité, survie) et les concentrations en éléments essentiels Ce ou non essentiels Cne pour les organismes

(Source : Hopkin 1989).

Au-delà d’une concentration seuil, des effets toxiques peuvent apparaître pour la faune et la flore (Rainbow 2002). Cette notion de dose est fondamentale, car la plupart des éléments ne sont toxiques qu’à partir d’une certaine dose. La toxicité est défini comme « relative property of a chemical that concerns its potential harmful effect on a living organism » (Rand & Petrocelli 1985), qui se traduit par « la propriété relative d’un composé chimique qui se rapporte à son potentiel effet nocif sur un organisme vivant ». La toxicité dépend donc de la concentration du métal, de la durée de l’exposition, de la forme physico-chimique du métal dans l’eau (spéciation), de la présence d’autres métaux et de la sensibilité des espèces aux métaux (Meyer 2002). La toxicité des métaux est aussi directement liée à leur accumulation par les organismes, à la réactivité de ces métaux vis-à-vis de molécules d’importance biologique, et à l’aptitude des organismes à métaboliser ou à détoxiquer les métaux « réactifs ».

Certains métaux sont considérés comme non essentiels (Hg, Cd, Pb), car ils n’ont aucune fonction biologique reconnue. Des effets néfastes interviennent quand les concentrations environnementales dépassent un certain seuil à partir duquel les processus de régulation homéostatiques sont saturés. Suite à l’exposition métallique des organismes, des effets létaux ou sub-létaux peuvent apparaître, plus ou moins dangereux, et entraîner des changements morphologiques, des effets inhibiteurs ou des changements de comportements. La détermination de la DL50 et de la CL50 (dose létale et concentration létale, provoquant 50% de

Déficience Fenêtre d’essentialité Toxicité P P Ce Cne Toxicité Pas d’effet

mortalité au bout d’un temps donné d’exposition sur une espèce donnée) permet d’évaluer la toxicité des métaux vis-à-vis des organismes.

Si la toxicité d’un contaminant prend son origine à l’échelle subcellulaire, les effets d’une contamination peuvent se ressentir à tous les niveaux d’organisation biologique, depuis le niveau subcellulaire jusqu’au niveau écosystémique (Peakall 1992). Les métaux sont d’autant plus dangereux qu’ils peuvent être accumulés dans les organismes (bioaccumulation) et ainsi transférés dans les réseaux trophiques avec une augmentation des concentrations entre ces niveaux (biomagnification).

III. LA BIOACCUMULATION DES METAUX

III.1. D

EFINITIONS

III.1.1. Biodisponibilité

La biodisponibilité représente la quantité de contaminants disponible pour l’assimilation par les organismes (Newman & Jagoe 1994). Certains considèrent même que la fraction biodisponible des métaux est la seule qui doit être susceptible d’induire un effet sur l’organisme (Campbell 1995). La biodisponibilité dépend de l’espèce, du métal, et de sa spéciation dans l’environnement ambiant. La spéciation des métaux est considérée comme un des premiers facteurs limitant la biodisponibilité des métaux, et agit donc sur l’assimilation par les organismes (Nelson & Donkin 1985). A titre d’exemple, la biodisponibilité du mercure élémentaire (Hg0

) est accrue dans les sédiments riches en matières organiques et réducteurs, car ce dernier sera converti par des bactéries anaérobies en méthyl-mercure (Jensen & Jernelov 1969), plus facilement assimilable pour les organismes (Wolfe et al. 1998).

Campbell (1995) considère que la toxicité d’un métal est mieux prédite par la concentration en ions métalliques libres et par certains complexes, que par la concentration totale en métaux. Ainsi, dans le cas du Cd, la toxicité s’avère plus liée à sa forme ionique plutôt qu’au métal total (Sunda et al. 1978; Sanders & Cibik 1985). Ces résultats montrent alors tout l’intérêt en toxicologie aquatique, de prendre en compte la fraction biodisponible des métaux et non pas la concentration métallique totale.

III.1.2. Bioaccumulation,

Bioconcentration

et

Bioamplification

La bioaccumulation désigne la capacité des organismes de concentrer dans leurs tissus un contaminant par voie directe et/ou alimentaire, même si ce dernier n’a aucun rôle métabolique et même s’il est toxique pour l’organisme. L’ECETOC (1996) (European Chemical Industry Ecology and Toxicology Center) définit la bioaccumulation comme « le résultat net de l’accumulation, la distribution et l’élimination d’une substance dans un organisme due à son exposition dans l’eau, la nourriture, les sédiments et l’air ». D'un point de vue écotoxicologique, la bioaccumulation résulte du bilan entre les entrées et les différentes voies d'élimination des métaux dans les organismes. L’entrée des métaux dans les organismes résulte de processus d'adsorption et d'absorption au travers des barrières biologiques.

La bioconcentration est un cas particulier de la bioaccumulation. Elle désigne l’accroissement direct de la concentration d’un contaminant lorsqu’il passe de l’eau à un organisme aquatique. L'accroissement de la concentration d'un contaminant entre un organisme aquatique et son environnement peut-être représenté par le facteur de concentration (FC), rapport de la concentration d'un contaminant dans un organisme à sa concentration dans l’eau de mer.

La bioamplification désigne l’augmentation progressive de la concentration d’un contaminant le long du réseau trophique, à l’intérieur des biocénoses contaminées. Plus précisément, la bioamplification se définit comme le transfert d’un contaminant de la nourriture à un organisme, avec au final une concentration plus forte dans l’organisme que dans la nourriture (Connell 1990; Rand et al. 1995; Connell et al. 1998). La bioamplification n’est pas un processus fortement répandu et seuls certains métaux sont bioamplifiés le long des chaînes trophiques (e.g., le Hg sous sa forme méthylée, Riisgaard & Hansen 1990; Francesconi & Lenanton 1992; le Se, Barwick & Maher 2003).

Ainsi, le devenir d’un contaminant dans un biotope contaminé peut se résumer selon trois cas : soit une diminution de la concentration du contaminant le long du réseau trophique; soit un simple transfert du contaminant; soit une amplification biologique dans les échelons supérieurs des chaînes trophiques. Ces différentes possibilités ont été clairement illustrées par Ramade (1992) repris ici par la figure 3, qui montre les principaux types de pyramides des

concentrations qu’il est possible d’observer en fonction de la valeur du facteur de transfert dans les réseaux trophiques.

Figure 3. Principaux types de pyramides des concentrations selon la valeur du facteur de transfert dans les réseaux trophiques (Source : Ramade 1992).

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