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C.2.1 Les sous-unités auxiliaires β d’insecte : une famille multigénique spécifique

A l’instar des canaux Nav de vertébrés, les sous-unités principales α des canaux Nav d’insecte sont associées à des sous-unités auxiliaires β dont la structure est cependant très différente de celle des sous-unités β de vertébrés. Chez D. melanogaster, des fonctions similaires aux sous-unités β de vertébrés semblent être assurées par une protéine de petite taille nommée TipE, en référence à la mutation localisée sur le locus E du chromosome 3 (Kulkarni et coll., 1982, Feng et coll., 1995a).

Des interrogations dans les banques de données avec l’outil BLAST, à partir de la séquence protéique de TipE, identifient non seulement des sous-unités orthologues à TipE mais aussi quatre autres familles de sous-unités auxiliaires paralogues, et ce uniquement dans les génomes des insectes (Tseng et coll., 2007). Les transcrits de ces quatre familles ont été clonés chez D. melanogaster, et nommés TEH1, TEH2, TEH3 et TEH4 pour « TipE homolog » (Derst et coll., 2006). A ce jour un seul autre transcrit orthologue à TipE, à savoir

Vssc1, a été cloné chez Musca domestica (Lee et coll., 2000b). Par ailleurs, les résultats de

l’interrogation dans des banques de données avec l’outil BLAST indiquent que les sous-unités TEH présentent une faible homologie de séquence protéique avec les sous-sous-unités auxiliaires des canaux potassiques activés par le calcium intracellulaire chez les vertébrés (BKβ ou Sloβ). Ces informations de séquences associées à une étude phylogénétique montrent que les sous-unités auxiliaires des canaux Nav d’insectes et les sous-unités BKβ de vertébrés partagent un ancêtre commun (Derst et coll., 2006). Les sous-unités auxiliaires du canal Nav d’insectes ont donc évoluées après la divergence entre les vertébrés et les insectes, et constituent de ce fait des protéines spécifiques des insectes (Derst et coll., 2006, Tseng et coll., 2007). Ces protéines sont donc tout à fait intéressantes pour rechercher des propriétés fonctionnelles et pharmacologiques spécifiques des canaux Nav d’insecte.

C.2.2 Structure des sous-unités auxiliaires des canaux Nav d’insecte

Des études biochimique ont permis de montrer que la sous-unité TipE est une glycoprotéine membranaire constituée de deux domaines transmembranaires reliés par une large boucle extracellulaire ainsi que des extrémités N et C terminales intracellulaires (Feng et coll., 1995a). Cette structure générale est conservée entre toutes les sous-unités auxiliaires β d’insecte (Figure 5). Cependant, quelques motifs structuraux situés au niveau de la boucle extracellulaire différencient les sous-unités. Tour d’abord, cette boucle est de taille plus importante pour les sous-unités TipE, TEH3 et TEH4. De plus, les sous-unités TEH3 et TEH4 possèdent des domaines protéiques similaires aux facteurs de croissance épidermique (EGF) (Derst et coll., 2006). Par ailleurs, la thréonine en position 9 de l’extrémité N terminale de la sous-unité TipE appartient à un site putatif de phosphorylation à la PKC (Feng et coll., 1995a). Mais la fonctionnalité de ce site potentiel n’a pas encore été démontrée. De plus, la topologie transmembranaire des sous-unités auxiliaires β des canaux Nav d’insecte présente des similarités avec la sous-unité β des canaux potassiques dépendant du calcium (BKCa), confirmant une histoire évolutive commune (Figure 5).

C.2.3 Quel est le rôle de la sous-unité TipE ?

Chez D. melanogaster, les mutants TipE sont caractérisés par une paralysie réversible en fonction de la température (Feng et coll., 1995a, Feng et coll., 1995b). La densité des courants Na+ des neurones embryonnaires des mutants TipE est fortement réduite par rapport à la densité des courants Na+ des neurones sauvages (O'Dowd et coll., 1988). Ces résultats indiquent que TipE module l’expression de la sous-unité DmNav1. En accord avec ces études, il a été montré que la coexpression de la sous-unité DmNav1 avec la sous-unité TipE, dans des ovocytes de xénope, augmente considérablement l’amplitude des courants Na+ comparativement à l’injection seule de la sous-unité DmNav1 (Feng et coll., 1995a, Warmke et coll., 1997). De plus, la co-injection de la unité TipE avec la sous-unité DmNav1 accélère l’inactivation des courants Na+ (augmentation d’un facteur 2 de la constante d’inactivation) (Warmke et coll., 1997). La coexpression de la sous-unité MdNav1 avec la sous-unité Vssc1 engendre une modulation similaire des courants Na+ (Lee et coll., 2000b). Ceci indique que la fonction des sous-unités homologues à TipE est bien conservée entre les insectes. Au contraire, la co-injection de la sous-unité TipE avec la sous-unité VmNav1 dans des ovocytes de xénope diminue l’amplitude des courants Na+, indiquant que la sous-unité TipE module différemment l’expression des sous-unités α des canaux Nav des arachnides (Du et coll., 2009a).

Par ailleurs, la fréquence de décharge des potentiels d’action des neurones embryonnaires des mutants TipE- est fortement réduite par rapport au phénotype sauvage. En effet, la réduction de l’excitabilité membranaire des mutants TipE- est associée au ralentissement de la réactivation des canaux Nav (Hodges et coll., 2002). Par conséquent, TipE s’avère être non seulement une protéine permettant l’adressage de la protéine-canal dans la membrane mais aussi une protéine accessoire modulant les propriétés d’inactivation et de réactivation de la sous-unité DmNav1. Dans ce sens, la fonction de TipE est analogue aux sous-unités β de mammifères. Mais alors qu’en est-il des autres sous-unités homologues à TipE ?

La coexpression de la sous-unité DmNav1 avec les sous-unités TEH1, TEH2 et TEH3 dans des ovocytes de xénope augmente aussi l’amplitude des courants Na+ (Derst et coll., 2006). La sous-unité TEH1 augmente deux fois plus l’amplitude des courants Na+ par rapport à la sous-unité TipE. Au contraire, l’effet des sous-unités TEH2 et TEH3 est moins

important comparativement à sous-unité TipE. En revanche, la sous-unité TEH4 n’a pas d’influence sur l’amplitude du courant Na+ lorsqu’elle est co-exprimée avec DmNav1, mais conduit à une réduction importante du courant lors d’une co-injection de DmNav1 et TEH1 (Derst et coll., 2006). Par conséquent, TEH4 a un effet inhibiteur sur l’expression du canal. Non seulement, la unité TEH1 influence fortement le niveau d’expression de la sous-unité DmNav1 mais aussi module la dépendance au potentiel de l’inactivation. En présence de la sous-unité TEH1 l’inactivation à l’état stable du courant Na+ est décalée de 6 mV vers des potentiels hyperpolarisants par rapport à la coexpression de DmNav1 avec la sous-unité TipE. De plus, la sous-unité TEH1 ralentit de 26 % la constante de réactivation.

Les transcrits TEH1 sont uniquement exprimés dans la SNC alors que les transcrits des autres sous-unités sont aussi exprimés dans les tubes de Malpighi, le tissu adipeux, les glandes salivaires et les muscles (Derst et coll., 2006). Par conséquent, l’interaction entre la sous-unité TEH1 et la sous-unité DmNav1 doit jouer un rôle fonctionnel prépondérant au sein du SNC. Malgré ces suppositions, aucune donnée n’a montré à ce jour une interaction physique entre les sous-unités principales et les sous-unités auxiliaires de canaux Nav d’insecte.

D Relation structure-fonction des canaux Nav

Hodgkin et Huxley ont été les premiers à concevoir un modèle de base décrivant les mécanismes ioniques des potentiels d’actions à partir d’études électrophysiologiques des courants Na+ de l’axone géant de calmar (Hodgkin et coll., 1952). Ainsi, ils ont modélisé par un système d’équation l’activation (paramètre m) et l’inactivation (paramètre h) des canaux Nav en fonction du temps [m(t) et h(t)] et du potentiel (m∞ et h∞). Basées sur ces fondements théoriques, des études de relation structure-fonction ont permis de corréler les propriétés électrophysiologiques des canaux Nav de vertébrés à des motifs moléculaires. Par extension, les motifs moléculaires associés à l’état d’activation et d’inactivation des canaux Nav sont communément appelés portes m et h, respectivement (Figure 6). En effet,

difficulté à exprimer des canaux Nav d’insecte dans un système hétérologue, l’investigation expérimentale des relations de structure-fonction caractérisant les canaux Nav d’insecte reste un domaine peu développé. Les données sont alors extrapolées des informations acquises pour les canaux Nav de vertébrés.

Figure 6 : Les courants Na+ résultent de différents états de conformation des canaux Nav. A. Décours du courant Na+ à la suite d’une dépolarisation (-90 à 0 mV). Les chiffres se réfèrent aux différents états conformationnels des canaux Nav.

B. Au repos les canaux Nav sont fermés : la porte h est ouverte et la porte m est fermée (1 : état de repos). Lors de la dépolarisation, la porte m s’ouvre laissant passer les ions Na+ (2 : activation). Puis rapidement la porte h bloque les ions Na+ par occlusion du pore (3 : inactivation). A la fin de la dépolarisation, la porte m se referme avant que la porte h ne s’ouvre (4 : réactivation).