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POST-TRANSCRIPTIONNELLES ET POST-TRADUCTIONNELLES

B.2 L’épissage alternatif des gènes codant des canaux Na v

d’arthropodes : de la conservation à la divergence des exons optionnels

B.2.1 L’épissage alternatif de la sous-unité α des canaux Nav d’insectes : un processus fortement conservé

(a) Les exons alternatifs du gène DmNav

L’épissage alternatif concernant les canaux Nav d’insecte a été caractérisé pour la première fois lors du clonage des produits de PCR codant les boucles intracellulaires L1 et L2 et le domaine II de la sous-unité DmNav (Loughney et coll., 1989). Quatre exons optionnels (a, b, e, f) et deux exons mutuellement exclusifs (c/d) caractérisent cette région de la sous-unité DmNav. Après cette étude, sept autres exons optionnels (i, j, h, exon7, exon 8, exon 22 et exon 23) et deux autres exons mutuellement exclusifs (k/l) ont été identifiés au niveau du gène DmNav (Thackeray et coll., 1994, Olson et coll., 2008, Lin et coll., 2009). Les exons a, b, i, j, e, f, h et l’exon 22 sont localisés au niveau des boucles cytoplasmiques alors

Figure 14 : Exons alternatifs caractérisant les isoformes des sous-unités DmNav. A. Localisation des exons alternatifs au niveau de la sous-unité DmNav.

B. Séquences nucléiques et protéiques déduites des exons alternatifs des transcrits DmNav. Les bases nucléiques et les résidus d’acides aminés qui différent entre les exons mutuellement exclusifs (c/d, k/l) sont indiqués en caractère gras gris et noirs respectivement. Les exons optionnels 8, 22 et 23 ont été caractérisés uniquement chez les embryons. Les séquences de ces trois exons n’ont pas été déposées (Lin et coll., 2009). Les exons homologues aux transcrits de BgNav (K, G1 et G2) sont indiqués.

Chez D. melanogaster, les exons mutuellement exclusifs partagent une forte identité de séquence protéique (96,3 % entre c et d, 61 % entre l et k) (Figure 14). De plus, 65 % des variants analysés expriment l’exon d et 97% expriment l’exon l chez des drosophiles adultes, indiquant que l’expression d’un des deux exons mutuellement exclusifs est favorisée vis-à vis de son homologue (Olson et coll., 2008). Ainsi l’ensemble de ces résultats mettent en évidence que l’expression des exons mutuellement exclusifs contribue peu à la diversité moléculaire des sous-unités DmNav.

A l’opposé, la diversité moléculaire des sous-unités DmNav est beaucoup plus importante au niveau des boucles cytoplasmiques L1 et L2. Ainsi, chez D. melanogaster 20 types de variants se distinguent sur la base de l’épissage alternatif de sept exons optionnels localisés au niveau des boucles L1 et L2 (Olson et coll., 2008).

(b) Les exons alternatifs sont conservés pour les gènes homologues à DmNav

Des exons homologues aux exons alternatifs du gène DmNav ont été identifiés chez la majorité des espèces d’arthropodes étudiées. L’identité de séquence protéique est sans surprise importante entre les exons alternatifs du gène DmNav et ces homologues du groupe des diptères (48% à 100%) (analyse bioinformatique personnelle). A l’opposé, la divergence la plus notable est celle qui sépare DmNav des gènes du groupe des arachnides. La divergence est telle que seuls les homologues des exons K et G1 ont été identifié chez

Mesobuthus martensis (Zuo et coll., 2006).

Jusqu’à ce jour aucune nomenclature n’a harmonisé le nom des exons alternatifs des génomes d’insecte. Lors de leur caractérisation initiale chez D. melanogaster et D. virilis, ils ont été nommés par une lettre minuscule (Loughney et coll., 1989, Thackeray et coll., 1994, Thackeray et coll., 1995). Puis, au cours de la caractérisation de la sous-unité BgNav

de B. germanica les lettres désignant les exons alternatifs homologues au gène DmNav ont été conservées (Song et coll., 2004). Toutefois, pour se distinguer des exons alternatifs de

A. gambiae = exon 12 chez C. pipiens...). Au cours de ce manuscrit, nous conserverons

donc le système de lettre minuscule pour désigner les exons alternatifs de D. melanogaster comme indiqué sur la Figure 14. Pour toutes les autres espèces nous conserverons les lettres majuscules. Pour les exons optionnels nouvellement décrits chez les embryons de D.

melanogaster, nous conserverons toutefois leur numérotation excepté l’exon 7 qui sera

nommé K (Lin et coll., 2009) (Figure 14).

(c) Quelques sites d’épissage alternatifs ont été confirmés pour les gènes homologues à DmNav

La caractérisation des exons alternatifs des gènes homologues à DmNav n’est pas toujours associée à une observation de la délétion des exons optionnels ou de la substitution des exons mutuellement exclusifs (Tableau 6). En effet, pour observer l’épissage alternatif il est nécessaire de comparer la séquence d’au moins une douzaine de variants (Shao et coll., 2009b). Ce constat souligne les contraintes techniques liées à la caractérisation de l’épissage alternatif des canaux Nav. De plus, il est préférable de compléter leur identification par la description des sites d’épissage au niveau de l’ADN génomique. Ainsi, la caractérisation de plusieurs variants AgNav, AeNav (Davies et coll., 2007a), BgNav (Song et coll., 2004), BmNav (Shao et coll., 2009b), ClNav (Yoon et coll., 2008), HvNav (Park et coll., 1999), MdNav (Lee et coll., 2002) et PxNav (Sonoda et coll., 2008b) a permis de prouver l’épissage alternatif de la plupart des exons. Chez les autres espèces d’insectes, les sites d’épissage ont été déduits par homologie de séquence protéique avec les canaux DmNav (Tableau 6). Pour d’autres espèces, les sites d’épissage ont été prédits lors de l’annotation du génome, mais les transcrits n’ont pas encore été caractérisés (Ex. : T. castaneum, N. vitripennis). Mais alors les sites d’épissage alternatif sont-ils conservés entre toutes les espèces d’insecte ?

Tableau 6 : Conservation des exons alternatifs homologues à DmNav chez diverses espèces d’arthropodes.

N terminal

C D C/D G1 G2 G1/G2

% d'espèces pour lesquelles les exons alternatifs ont été identifiés par

homologie avec DmNav

81 71 89 89 61 68 - 25 50 64 100 48

-% d'espèces pour lesquelles les

variants distincts ont été analysés 36 15 32 28 - - 58 57 43 60 - 4 40

J I A B F

IIIS3-4 Exons alternatifs et localisation

H

L1 IIS4-5 LII

C/D G1/G2

E

 Analyse bioinformatique personnelle

La première ligne indique le pourcentage d’espèces pour lesquelles des exons alternatifs ont été identifiés par homologie de séquence protéique avec DmNav. La seconde ligne indique la proportion en pourcentage d’espèce pour lesquelles l’épissage alternatif a été observé après analyse de différents variants. Les espèces d’insecte considérées sont : A. aegypti, A. gambiae, A. mellifera, B. germanica, B. mori, B. mandarina, C. pipiens, D.

melanogaster, D. vorilis, D. ananassae, D. erecta, D. grimshawi, D. mojavensis, D. pseudoobscura, D. willistoni, D. yakuba,, C. lectularius, H. virescens, L. decemlineata, M. domestica, N. vitripennis, P. humanus humanus, P. humanus capitis, T. castaneum., O. huwena, B. martensis et V. destructor.

(d) L’organisation génomique des exons mutuellement exclusifs G1 et G2 a une origine très ancienne chez les canaux ioniques dépendant du potentiel

Chez D. melanogaster, les exons k et l mutuellement exclusifs évitent l’expression de segments transmembranaires identiques. De ce fait, ils partagent une identité de séquence protéique importante (61%). De plus, ils sont aussi très conservés chez les autres arthropodes (équivalent exons G1 et G2) (Figure 14). L’ensemble de ces caractéristiques indiquent que les exons k et l résultent d’une duplication ancienne d’un gène ancestral (Letunic et coll., 2002). Par ailleurs, l’homologue de l’exon G1 est de manière générale beaucoup plus exprimé que l’homologue de l’exon G2 (Tableau 6). En effet, l’épissage alternatif des exons mutuellement exclusif résulte d’une compétition entre les sites de fixation des spliceosomes favorisant ainsi l’expression d’un des deux exons dupliqués (Letunic et coll., 2002). Toutefois, il est intéressant de noter que quelques variants DmNav1

et VmNav1 sont dépourvus de ces deux exons (Wang et coll., 2003b, Lin et coll., 2009).

L’ arrangement des exons mutuellement exclusifs k et l est non seulement très conservé chez les insectes mais présente aussi des homologies avec les exons 18A et 18N codant la région IIIS3-S4 des sous-unités α Nav1.6 murine, humaine et de poisson (Plummer et coll., 1997). De plus, l’exon 18N contient un codon stop qui conduit à l’expression d’une protéine incomplète de la même manière que l’exon G3 de BgNav. Ces informations indiquent que l’événement de duplication à l’origine de ces exons mutuellement exclusifs est antérieur à la divergence des insectes et des vertébrés. Cependant, les exons 18A et 18 N de rNav1.6 ne partagent que 30% d’identité de séquence protéique contrairement aux exons

k et l de DmNav (61%). Des divergences similaires entre exons dupliqués ont été discutées pour d’autres canaux ioniques (Nav Cav, Slo) et récepteurs membranaires (GluCl, RDL, nAchR) (Copley, 2004). L’hypothèse suggérée par cet auteur est qu’après l’événement de la duplication du gène ancestral, les exons mutuellement exclusifs ont divergé de manière indépendante entre les espèces. En conclusion, les sites d’épissage impliquant les exons mutuellement exclusifs G1, G2 et G3 chez les arthropodes et les exons mutuellement exclusifs 18A et 18N chez les vertébrés partagent une origine commune très ancienne.

Le gène rNav1.2 est caractérisé par des exons mutuellement exclusifs 5A/5N codant la région IS3-S4 (Sarao et coll., 1991). L’exclusion de l’homologue de 5A, à savoir l’exon 8, a été observée pour quelques transcrits exprimés chez des embryons de D.

melanogaster (Lin et coll., 2009). De plus, il a été montré que les exons 18A/18N résultent

de la duplication des exons 5A/5N codés par le gène ancestral à l’origine des canaux ioniques dépendent du potentiel (Plummer et coll., 1997). Ainsi les exons mutuellement exclusifs caractérisant les canaux Nav des animaux résultent de phénomène de duplication ancien et de divergence maintenue par la sélection (Figure 15).

(e) Diversité de l’organisation génomique des exons optionnels codant des régions des boucles intracellulaires L1 et L2

Comme mentionné précédemment, les exons optionnels localisés au niveau des régions codant les boucles L1 et L2 présentent le maximum de divergence de séquence protéique entre les sous-unités α de canaux Nav arthropodes.

Au niveau des transcrits HvNav d’Heliothis virescens les séquences homologues aux exons A et I sont localisées dans un intron non épissé (Park et coll., 1999) (Figure 16). Par ailleurs, au regard des transcrits BmNav analysés il semble que les exons A et I ne soient pas soumis à l’épissage alternatif (Shao et coll., 2009b). En revanche, un exon optionnel peut s’insérer entre les exons A et I (Shao et coll., 2009b) (Figure 16). Cet exon optionnel supplémentaire n’a été observé qu’au niveau du gène BmNav. De plus, il est intéressant d’observer qu’il existe au niveau du gène d’AgNav un exon optionnel, différent de

BmNav, qui s’insère aussi entre les exons A et I (Davies et coll., 2007a) (Figure 16). Enfin, un autre cas de figure a été mentionné chez la blatte allemande (Song et coll., 2004). L’exon A est tout à fait atypique puisque son exclusion lors de l’épissage conduit à un décalage du cadre de lecture et à la traduction d’un codon stop prématuré. Par conséquent les variants

BgNav n’exprimant pas l’exon A sont rares (1,5% des clones analysés) (Song et coll., 2004).

Figure 16 : Organisation génomique des exons homologues aux exons optionnels a et i du gène DmNav chez une espèce de diptère (Anopheles gambiae) et deux espèces de lépidoptères

En ce qui concerne l’arrangement génomique des exons optionnels E et F codant la boucle cytoplasmique L2 quelques singularités sont aussi notables chez les lépidoptères et dans une moindre mesure chez la punaise de lit Cimex lectularius. Au niveau de BmNav,

PxNav et HvNav un nouvel exon en position homologue des exons e et f de DmNav a été

caractérisé (Park et coll., 1999, Sonoda et coll., 2008b, Shao et coll., 2009b). Chez BmNav une région interne à ce nouvel exon s’avère même être un exon optionnel. Pour le gène

ClNav il existe aussi un exon optionnel peu conservé en position homologue aux exons e et f de DmNav.

Ainsi la variabilité au niveau de l’arrangement génomique des homologues des exons optionnels A, I, E et F montrent que les sites d’épissages localisés au niveau des boucles L1 et L2 ont été remaniés au cours de l’évolution. En effet, ces sites d’épissage alternatif sont moins contraints à la pression de sélection par rapport aux sites d’épissage des exons mutuellement exclusifs codant des régions transmembranaires. Ainsi, des organisations génomiques particulières d’un ordre taxonomique ont vraisemblablement été sélectionnées.

(f) Existe-t-il des exons alternatifs spécifiques d’une espèce ?

En plus du remaniement de certains sites d’épissages alternatifs, il existe des exons optionnels pour lesquels aucun homologue n’a été identifié chez une autre espèce. C’est au niveau des boucles intracellulaires que ces exons optionnels sont principalement localisés. En effet, des exons alternatifs spécifiques ont été décrits au niveau :

- de la boucle L1 chez Pediculus humanus capitis (Lee et coll., 2003), Anopheles

gambiae (Davies et coll., 2007a), Bombyx mori (Shao et coll., 2009b), Cimex lectularius (Yoon et coll., 2008), Aedes aegypti (Chang et coll., 2009) ;

- de la boucle L2 chez Plutella xylostella (Sonoda et coll., 2008b) et Aedes aegypti (Chang et coll., 2009) ;

- de l’extrémité carboxyle terminale chez Varroa destructor (Wang et coll., 2003b). Quelques exons optionnels codant des segments transmembranaires ont aussi été caractérisés au niveau des gènes AgNav (IS6) et VmNav (IIS2-S4). L’exclusion de ces exons optionnels codant des segments transmembranaires conduit à l’expression de

sous-En conclusion, la forte identité de séquence protéique partagée entre les exons alternatifs et la conservation des sites d’épissage soulignent le rôle fonctionnel important de ces exons chez la majorité des insectes. Les exons mutuellement exclusifs codant des segments transmembranaires sont très conservés au sein du phylum des insectes, voir pour certains au sein même des Billateria. A l’opposé, la diversité entre les exons alternatifs codant des régions des boucles intracellulaires L1 et L2 est plus importante. Les identités de séquence protéique sont plus faibles et des arrangements génomiques de certains sites d’épissage alternatifs sont même notables entre les différents ordres. Quelques exons alternatifs s’avèrent aussi être spécifiques à une seule espèce d’insecte. Cette diversité spécifique des espèces d’insecte s’avère tout à fait intéressante dans la mesure où elle est à mettre en relation avec des propriétés pharmacologiques et de régulation des canaux Nav propres à chaque insecte. Mais l’expression des différents exons alternatifs au cours du développement des insectes et la distribution tissulaire des variants conditionne cette éventuelle diversité spécifique des espèces d’insecte.