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Une tendance générale de l’évolution des rôles

porté sur les financiers

2. Les rôles et activités des contrôleurs de gestion

2.3. Une tendance générale de l’évolution des rôles

Si les contrôleur de gestion ne veulent pas disparaître, ils sont appelés à saisir de nouvelles opportunités, à dépasser l’utilisation des seuls outils du contrôle de ges-tion tradiges-tionnel ; sinon, leur mort est programmée (Cooper, 1996 ; Friedman et Lyne, 1997). En effet, comme l’avait supposé Cooper (1996), la diffusion des nou-veaux systèmes d’information et l’informatisation de certaines tâches ont eu pour conséquence de diminuer le nombre de contrôleurs de gestion présents dans les or-ganisations (Burns et Scapens, 2000). D’autre part, ne satisfaisant pas toujours aux attentes des opérationnels (Hopper, 1980 ; Byrne et Pierce, 2007), ces derniers ont tendance à produire par eux-mêmes les informations qu’ils jugent nécessaires (Fried-man et Lyne, 1997 ; Burns et Scapens, 2000 ; Caglio, 2003). Mais cette production est également faite par d’autres concurrents tels les ingénieurs ou les responsables des systèmes d’information (Burns et Scapens, 2000 ; Caglio, 2003 ; Morales, 2009 ; Bouquin, 2010). Evoluant désormais au sein d’un environnement incertain, concur-rentiel et complexe (Ezzamel et al., 1997 ; Granlund et Malmi, 2002 ; Scapens et Jazayeri, 2003), les contrôleurs de gestion sont donc de plus en plus appelés à former, conseiller et animer la planification plutôt qu’a se consacrer aux activités tradition-nelles du contrôle de gestion (Bollecker, 2003). Des recherches ont montré que les contrôleurs de gestion sont de plus en plus des conseillers (2.3.1.) voire des par-tenaires d’affaires (2.3.2.). Cependant, ces constatations sont à nuancer au vu des résultats d’autres études (2.3.3.).

2.3.1. Les contrôleurs de gestion de plus en plus conseillers

Selon certaines études, les contrôleurs de gestion passeraient de plus en plus de temps sur des activités liées à l’analyse des données et à l’aide à la prise de décision que sur des activités de surveillance et de suivi de la performance (Chiapello, 1990 ; Granlund et Lukka, 1998 ; Russell et al., 1999 ; Burns et Baldvinsdottir, 2005 ; Byrne et Pierce, 2007, etc.). Ils sont ainsi de plus en plus impliqués dans des activités coopératives avec les opérationnels (Jordan, 1998).

Par exemple, Russell et ses collègues (1999), montrent que sur une période de cinq ans, les contrôleurs de gestion ont été amenés à passer plus de temps sur des activités de planification stratégique, d’amélioration des processus ou bien encore d’analyse économique. Parallèlement, ils accordent moins de temps au reporting, à la consoli-dation et au processus budgétaire à court terme. La nature du travail des contrôleurs de gestion a donc évolué de la collecte / compilation des données selon des standards,

à l’interprétation de ces mêmes données ainsi qu’à l’implication dans les processus d’aide à la décision (Granlund et Lukka, 1998 ; Siegel et Sorensen, 1999 ; Sorensen, 2008). Cette tendance trouve une partie de son explication dans l’informatisation de certaines tâches. Celle-ci facilite la production de reportings détaillés et l’ana-lyse des performances passées (Scapens et Jazayeri, 2003 ; Pierce et O’Dea, 2003). Cela permet aux contrôleurs de gestion de gagner du temps sur ce type d’activités traditionnelles, dont l’objectif est de satisfaire les demandes d’informations de la direction générale, et leur permet, par conséquent, de s’investir davantage dans leur rôle de conseiller. D’un autre côté, il est constaté une décentralisation de la fonction contrôle de gestion amenant les contrôleur de gestion à être localisés aux côtés des opérationnels (Burns et Scapens, 2000).

Les contrôleurs de gestion semblent donc de moins en moins comptables & sur-veillants et de plus en plus conseillers & business partners. Cette tendance devrait se poursuivre puisque tant les contrôleurs de gestion (Chiapello, 1990 ; Russell et al., 1999) que les managers (Hopper, 1980) le souhaitent. De plus, il nous faut rappeler ici que la financiarisation place la création de la valeur actionnariale au cœur des processus opérationnels. Il devient alors nécessaire, pour les managers locaux, de prendre en considération cet objectif lorsqu’ils prennent leurs décisions au quoti-dien. Les managers ont ainsi besoin d’y être sensibilisés mais aussi de recevoir de l’information ainsi que des conseils utiles et pertinents pour les y aider. Or la seule vérification a posteriori des performances, le seul rôle de teneur de compte ne semble pas pertinent soit pour insinuer, soit pour diffuser la logique de financiarisation dans les esprits. Les contrôleurs de gestion, pour cela, doivent se rapprocher des opéra-tionnels, entrer en interaction régulièrement avec eux, être décentralisés. Avec la financiarisation, les contrôleurs de gestion devraient ainsi voir leur rôle de conseiller prendre encore un peu plus de poids. Mais, au-delà de son rôle de conseiller, il semble qu’une nouvelle tendance se dessine pour eux puisqu’ils sont appelés, tant dans la littérature académique que professionnelle, à devenir des business partners.

2.3.2. Vers un contrôleur de gestion business partner

Désormais, les contrôleurs de gestion sont appelés à ne plus être de « simples » conseillers, ils doivent être orientés « activités » et devenir des business partners16

(Siegel et al., 1997, 2003 ; Burns et Baldvinsdottir, 2005 ; Sorensen, 2008). Qui est le contrôleur de gestion business partner ? Qu’est-ce qui le différencie des contrôleurs de gestion conseillers, si tant est qu’une réelle différence existe ?

Il peut être difficile de définir exactement qui est le contrôleur de gestion business partner tant son travail nécessite de nombreuses compétences, embrasse de nom-breuses disciplines et affecte l’organisation de différentes manières (Siegel et al., 2003). Les business partners maîtrisent toutes les techniques liées à leur métier mais ont su les dépasser :

Ainsi, là où le contrôleur de gestion classique ne regarde que dans l’entre-prise, le contrôleur de gestion business partner regarde aussi le marché et les concurrents. (Lambert et al., 2010, p. 167)

Ils aident à la prise de décision mais vont au-delà. Ils sont des analystes du business mais font plus que de simples analyses. Ils sont une valeur ajoutée de par leur jugeote en affaires et leur éclairage financier (Siegel et al., 2003, p. 40)

Les contrôleurs de gestion business partners sont ainsi capables d’établir des compa-ratifs pertinents y compris sur les concurrents, de faire des prévisions glissantes, etc. ; mais surtout, ils participent à la prise de décision. Il est en définitive, un contrôleur de gestion conseiller, impliqué dans la planification stratégique (Ahrens, 1997a), dans l’amélioration des processus (Siegel et al., 1997) qui doit orienter son travail vers les besoins des clients internes et le futur (Friedman et Lyne, 2001 ; Lambert, 2005). Le business partner doit donc se rapprocher des opérationnels, former un tandem avec son manager opérationnel ; mais attention, il n’est pas le manager opérationnel et ne peut se substituer à lui (Bouquin, 2010 ; Lambert et al., 2010).

Lorsque la littérature est regardée attentivement, les rôles de conseiller et de business partner sont finalement très proches voire identiques (Ahrens, 1997a ; Siegel et Sorensen, 1999 ; Burns et Baldvinsdottir, 2005 ; Byrne et Pierce, 2007) ; ce dernier n’est qu’une nouvelle expression qui renforce les appels faits aux contrôleurs de gestion depuis 40 ans désormais, comme nous le rappellent Lambert et ses collègues :

Le contrôleur ne peut plus rester dans sa tour d’ivoire et jeter, selon son bon plaisir, des bribes d’informations à ses collègues de la fabrication, de la vente et de l’ingénierie. Il doit s’insérer comme un membre d’une équipe et reconnaître à chaque instant que son métier ne se justifie que par le service rendu. (Gerrard, 1969 in Lambert et al., 2010, p. 160)

Cette expression de business partner semble alors plutôt exprimer une volonté renou-velée de changer d’identité professionnelle (Siegel et al., 2003) plus orientée business et moins techniques traditionnelles comptables. Toutefois, Caroline Lambert (2005) attribue une caractéristique supplémentaire pour que le conseiller soit un partenaire : l’autorité. En effet, pour elle, le contrôleur de gestion business part-ner est un conseiller des opérationnels qui est écouté et suivi ; en ce sens, il bénéficie

d’une autorité forte qui se manifeste par son implication lors des prises de déci-sion. Sans cette autorité, le contrôleur de gestion ne peut plus être considéré comme un business partner et devient un contrôleur de gestion discret puisque peu impli-qué (Lambert, 2005 ; Lambert et Sponem, 2009, 2012). Mais pour être impliimpli-qué, le contrôleur de gestion doit produire des informations utiles à la prise de décision, sortir de son bureau pour se rapprocher des opérationnels (Pierce et O’Dea, 2003) ; c’est à ces conditions que ces derniers l’impliqueront alors dans les processus de décisions stratégiques et opérationnelles (Siegel, 2000 ; Siegel et Sorensen, 1999). Pourtant, même si les contrôleurs de gestion sont appelés, dans la majorité des études, à devenir des partenaires et qu’ils passent plus de temps sur des activités de conseil, la situation apparaît plus nuancée.

2.3.3. Une évolution à nuancer

Plusieurs nuances sur le développement du rôle de conseiller peuvent être évoquées. Un premier élément récent peut-être mis en évidence : la crise financière de 2008. Celle-ci a eu pour conséquence une augmentation de la production de données chif-frées par les contrôleurs de gestion, les éloignant de leur mission de conseil (Nguyen et de Laigue, 2010).

Ensuite, même si le contrôleur devient de plus en plus un conseiller, il passe encore la majorité de son temps sur des activités techniques et de surveillance (Russell et al., 1999 ; Fornerino et al., 2010). En effet, alors même que l’informatisation de certaines tâches devait permettre aux contrôleurs de gestion de se libérer du temps pour devenir conseiller, une étude de Meyssonnier et Pourtier (2006) montre que les logiciels de gestion intégrés amènent plutôt les contrôleurs de gestion à être « embourbés dans la collecte et la vérification de la qualité des données » (Ibid, p. 63), les reléguant à un rôle de gardien des comptes. Ces techniques permettent par ailleurs aux managers d’accéder à des données concurrentes, considérées comme plus réalistes et fiables que celles offertes par la comptabilité (Morales, 2009) et minimisent le rôle de conseiller des contrôleurs de gestion. Ces outils ne joueraient donc pas en faveur du développement du rôle de conseiller dans les organisations. Ensuite, malgré une tendance ces dernières années à la décentralisation de la fonc-tion, les contrôleurs de gestion sont encore trop peu en contact avec les opérationnels (Russell et al., 1999 ; Byrne et Pierce, 2007 ; Yazdifar et al., 2008) et sont ainsi inca-pables de percevoir les attentes des managers et d’y répondre (Hopper, 1980 ; Pierce

et O’Dea, 2003). Ils fournissent des informations peu utiles à la prise de décision tant sur le fond que sur la forme (Pierce et O’Dea, 2003 ; Lambert, 2005), satisfaisant les exigences de la direction générale au détriment de celles des opérationnels (Hopper, 1980), alors même que ces derniers sont demandeurs de ce soutien17

(Chenhall et Langfield-Smith, 1998 ; Byrne et Pierce, 2007 ; Yazdifar et al., 2008). D’une part, tout ceci déçoit les managers puisque les contrôleurs de gestion ont du mal à propo-ser des solutions alternatives à certains problèmes (Hopper, 1980) ce qui limite leur intervention possible en tant que conseillers. D’autre part, la juridiction des contrô-leurs de gestion est menacée puisque les informations nécessaires peuvent alors être produites par des concurrents tels les ingénieurs ou les responsables des systèmes d’information (Burns et Scapens, 2000 ; Caglio, 2003 ; Lambert, 2005 ; Morales, 2009 ; Bouquin, 2010). Une étude de Bescos et Mendoza (1999) montre par exemple que les opérationnels peuvent les produire eux-mêmes ou font appel à leur colla-borateur pour remodeler les tableaux de bord afin qu’ils conviennent mieux à leur besoin.

Enfin, contrairement à certaines études qui concluent sur la supériorité d’un type de contrôle de gestion sur un autre (et le gain du contrôleur de gestion puissant au sens de Sathe ou business partner), Lambert (2005) considère que toute organisation ne peut pas, et ne doit peut-être pas, aspirer à se doter d’une fonction contrôle de gestion partenaire. Elle explicite par exemple les caractéristiques des organisations dans lesquelles la fonction contrôle de gestion partenaire s’instaure :

Les fonctions contrôle de gestion partenaires apparaissent lorsque la prise en compte de la question financière par les managers opérationnels revêt une di-mension stratégique, mais que ces derniers, accaparés par les problématiques opérationnelles, doivent déléguer aux contrôleurs de gestion les analyses qu’ils jugent nécessaires à la prise de décision. La logique dominante est marketing et financière. D’autres conditions doivent être également remplies. L’activité opérationnelle doit pouvoir être appréhendée et donc modélisée par les outils du contrôle et les opérationnels doivent accepter de partager avec les contrôleurs de gestion leurs connaissances de l’activité et les informer de leurs projets et de leurs activités en cours. [...] Les structures dans lesquelles ils évoluent sont divisionnalisées, voire matricielles. [...] L’organisation fait face à la fois à une pression sur les coûts et doit se montrer audacieuse et réactive dans sa stratégie de différenciation. (Lambert, 2005, p. 418)

En France, le contrôleur de gestion partenaire au sens de Lambert, n’est pas la norme. Ce sont les fonctions contrôle de gestion « discrètes » qui sont majoritaires (Lambert, 2005 ; Lambert et Sponem, 2009). Les contrôleurs de gestion de ces

der-17. Il semble toutefois que l’information offerte par les contrôleurs de gestion décentralisés soit plus utile et pertinente que celle offerte par les contrôleurs de gestion centralisés (Hopper, 1980).

nières ont certes pour principal client les opérationnels et sont donc des conseillers, mais « [ils] ne sont pas amenés à remplir leur fonction prescrite et annoncée de bu-siness partner » (Lambert, 2005, p. 427). Dans d’autres organisations, il a même été montré que le rôle de conseiller du management opérationnel ne se développe pas, reléguant le contrôleur de gestion aux activités traditionnelles de suivi des coûts et de construction des budgets (Ahrens, 1997b ; Clarke et al., 1999 ; Lambert et Sponem, 2009). Il est alors intéressant de se demander si les contrôleurs de gestion sont des acteurs puissants et influents dans les organisations.

2.3.4. La question de la puissance des contrôleurs de gestion dans les organisations

Les contrôleurs de gestion, en tant qu’intermédiaires entre la direction générale et les opérationnels, sont en charge de la diffusion de la logique financière, ce qui devrait leur garantir légitimité et autorité. Pourtant, la question de la puissance des contrôleurs de gestion, de son étendue, de ses causes et de ses manifestations, n’a pas été clairement tranchée par la littérature puisqu’il existe des facteurs de contingence influençant leurs rôles et missions. Alors que certains les présentent comme une « force organisationnelle vitale » (Sathe, 1983, p. 35), d’autres paraissent plus réservés (Lambert et Morales, 2009), et ce d’autant plus que leur influence n’est pas toujours bien perçue par les opérationnels (2.3.4.1.). Puis, nous verrons que l’influence et la puissance des contrôleurs de gestion trouvent leur source au sein de facteurs organisationnels (2.3.4.2.), macro (2.3.4.3.) et plus personnels (2.3.4.4.).

2.3.4.1. Une intervention à légitimer et à saisir

Les contrôleurs de gestion sont en charge de la diffusion des logiques financières dans les organisations. Or, en tant que membres du staff18

, fonction support, ils doivent justifier leur existence et faire en sorte que leurs contributions et influence dans les processus productifs soient perçues comme légitimes (Dalton, 1950 ; Lambert, 2005). Au sein des organisations, des luttes entre contrôleurs de gestion et ingénieurs, (Armstrong, 1985 ; Dent, 1991 ; Briers et Chua, 2001 ; Lambert et Pezet, 2007 ; Morales et Pezet, 2010, etc.), entre contrôleurs et commerciaux (Whittington et Whipp, 1992 ; Bessire, 1995 ; Ezzamel et Burns, 2005 ; Farjaudon et Morales, 2011,

18. Dalton (1950) distingue les membres du staff de ceux de la line. Les premiers sont des spécialistes, possédant certains savoirs particuliers qu’ils doivent utiliser pour aider les unités de production à gagner en efficacité et en efficience. Il y inclut les comptables mais aussi des in-génieurs spécialisés en électricité ou en chimie, des statisticiens, etc. Ces spécialistes n’ont pas d’autorité sur les processus productifs contrairement à ceux laline, qui sont le personnel productif de l’organisation.

etc.) ont par exemple été étudiées. L’influence des contrôleur de gestion et du langage financier dans les prises de décision, et par là-même leur juridiction actuelle sont ainsi régulièrement contestées par les autres groupes professionnels qui se sentent surveillés (Besson et Bouquin, 1991 ; Caglio, 2003 ; Kurunmäki, 2004 ; Oriot, 2004 ; Ezzamel et Burns, 2005).

De plus, rappelons que les contrôleurs de gestion ont des concurrents pour la pro-duction d’informations pertinentes à la prise de décision. Par exemple, avec la mise en place et l’utilisation des ERP, l’information est désormais accessible à tous et les managers de la line peuvent désormais y accéder directement (Hopwood, 1992 ; Caglio, 2003 ; Pierce et O’Dea, 2003). Ezzamel et Burns (2005) ont étudié quant à eux les tensions qui se sont cristallisées autour de l’introduction de l’EVA entre les contrôleurs de gestion d’une part et les commerciaux d’autre part. La société Re-tailCo ayant connu de mauvaises performances financières, le management financier a décidé d’introduire l’EVA afin d’orienter les comportements et, in fine, d’accroître la performance financière de l’entreprise. Or, les commerciaux se sont appropriés et ont internalisé les savoirs nécessaires au calcul de cet indicateur. Ce faisait, tout en embauchant de nouveaux employés pour exécuter ces tâches autrefois remplies par les financiers, les commerciaux ont réduit le domaine d’intervention des contrôleurs de gestion. Ainsi, le développement d’outils plus sophistiqués et mathématiques qui auraient pu servir à hausser le prestige de la fonction finance peuvent parfois se révéler inaccessibles et se retourner contre elle (Ezzamel et Burns, 2005). Une autre étude, celle de Kurunmäki (2004) met en avant l’acquisition, par les professionnels de santé, de compétences comptables. Les médecins finlandais doivent désormais préparer leur propre reporting financier et les comparer aux précédents. Face à cela, les contrôleurs de gestion n’ont pas saisi l’opportunité d’étendre en contre-partie leur juridiction en endossant leur rôle de pédagogue quant à l’utilisation par les médecins des outils du contrôle de gestion. Il peut donc arriver que les contrô-leurs de gestion laissent échapper les opportunités d’augmentation de leur juridiction qui sont pourtant conséquence de la financiarisation de leur organisation.

Malgré les résistances des autres logiques ou groupes et quelques « ratés », se sont bien les financiers qui sont actuellement le plus souvent gagnants (Dent, 1991 ; Ezza-mel, 1994 ; Covaleski et al., 1998 ; Morales et Pezet, 2010). Nous allons maintenant mettre en évidence les facteurs internes aux organisations (2.3.4.2.) mais aussi plus macro (2.3.4.3.) et propres aux contrôleurs de gestion (2.3.4.4.) qui peuvent justifier

cette situation19.

2.3.4.2. Des facteurs liés à l’organisation

Ce sont les facteurs internes aux organisations qui ont généralement été avancés pour expliquer l’expansion de la juridiction des contrôleurs de gestion. Plus parti-culièrement, l’introduction de nouveaux outils de gestion et leur utilisation comme l’« Activity Based Costing » faciliteraient l’intervention des contrôleurs de gestion en tant que conseillers (Bessire, 1995 ; Oakes et al., 1998 ; Briers et Chua, 2001 ; Gran-lund et Malmi, 2002 ; Scapens et Jazayeri, 2003 ; Ezzamel et Burns, 2005). Ainsi, Oakes et ses collègues (1998) observent comment l’introduction d’une planification commerciale dans les musées canadiens est l’occasion d’exercer un « pouvoir péda-gogique », influence invisible, masquée derrière la nécessité pour les opérationnels de comprendre le fonctionnement de l’outil.

L’influence des contrôleurs de gestion dépend aussi de la place que leur accorde les organisations (Hopper, 1980 ; Lambert, 2005). Lambert propose par exemple une typologie de la fonction contrôle de gestion qui prend en considération l’autorité ac-cordée à la fonction finance dans les organisations. Selon les organisations, l’autorité accordée à la fonction finance sera plus ou moins forte. Dans les cas où celle-ci est éle-vée, les fonctions contrôle de gestion sont qualifiées d’omnipotentes ou de partenaires selon le client servi et sont toutes les deux bien différentes (Lambert, 2005). Comme nous l’avons évoqué précédemment, la fonction partenaire engage les contrôleurs de gestion dans des tâches liées à la production d’information pour le management local car les questions financières revêtent une dimension stratégique. La logique domi-nante est alors marketing et financière. Au contraire, pour l’omnipotente, ce sont les financiers qui détiennent le pouvoir :

La dimension financière est systématiquement prise en considération. La fonc-tion contrôle de gesfonc-tion omnipotente a pour rôle la mise sous tension perpé-tuelle et la surveillance des opérationnels autour de la réduction des coûts. [...] Elle correspond également à la promotion d’un financier au rang de président