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Afin de connaître les stéréotypes qui caractérisent le métier de contrôleur de gestion, nous nous permettons de nous référer à ceux qui circulent plus généralement sur la profession comptable au sens anglo-saxon du terme. Adopter ce point de vue est nécessaire puisque le substantif accounting fait à la fois référence aux métiers français de la comptabilité et du contrôle de gestion comme le rappellent DeCoster et Rhode (1971) et Redslob (2012). De plus, bien que les contrôleurs de gestion se distinguent des comptables lorsque nous les avons interrogés, ils nous ont expliqué être assimilés par les individus qui les côtoient à des comptables et souffrent donc des mêmes stéréotypes. Il est alors nécessaire de les prendre en considération32. Dans cette section, lorsque nous parlerons de profession comptable, il faudra entendre les métiers de la comptabilité au sens strict et du contrôle de gestion.

Afin de cerner les stéréotypes qui circulent sur la profession comptable, les chercheurs ont multiplié les sources d’étude allant de l’interrogation de différentes personnes à l’étude des annonces publicitaires (Hoffjan, 2004) ou des films dans lesquels ils apparaissent (Beard, 1994 ; Dimnik et Felton, 2006), etc. Le tableau 1.6 en page suivante offre un récapitulatif de ces différentes sources d’étude.

Nous allons dans un premier temps évoquer les stéréotypes négatifs et anciens qui caractérisent la profession comptable (5.3.1.). Puis, nous verrons dans une deuxième partie, que des actions ont été menées pour changer l’image traditionnelle du comp-table, cherchant à le rendre plus avenant, plus séducteur (5.3.2.). Néanmoins, une image trop séductrice peut aller à l’encontre de son intégrité, et les derniers scandales financiers ont mené la profession à se recentrer autour d’anciens stéréotypes, mais qui sont cette fois teintés de préjugés positifs (5.3.3.). Enfin, nous verrons que plu-sieurs autres facteurs de contingence influencent également les stéréotypes attribués aux métiers de la comptabilité (5.3.4.).

32. Les contrôleurs de gestion se distinguent toutefois des comptables comme nous le verrons dans la partie empirique de ce travail.

Sujet d’étude Auteurs

Films Cory (1992) ; Beard (1994) ; Holt (1994) ; Smith et Briggs (1999) ; Dimnik et Felton (2006) ; Felton et al. (2008)

Littérature Robert (1957) ; Stacey (1958) ; Cory (1992) ; Smith et Briggs(1999) ; Carnegie et Napier (2010) Presse professionnelle DeCoster et Rhode (1971) ; Cobbs (1976) ; Friedman et Lyne(2001) ; Ewing et al. (2001) ; Lambert et Sponem (2005) Annonces

publicitaires (images et / ou textes)

Ewing et al. (2001) ; Hoffjan (2004) ; Baldvinsdottir et al. (2009)

Autre public

(étudiants, cadres...)

Hakel et al. (1970) ; Imada et al. (1980) ; Daidone (1991) ; Cory (1992) ; Cohen et Hanno (1993) ; Burns et Yazdifar (2001) ; Hunt et al. (2004)

Manageurs et contrôleurs

Taylor et Dixon (1979) ; Russell et al. (1999) ; Pierce et O’Dea (2003) ; Feeney et Pierce (2007)

Tableau 1.6 – Sources de l’étude sur les stéréotypes

5.3.1. Les stéréotypes négatifs du métier

Il n’a pas été observé de réels changements de l’image du métier de contrôleur de gestion à travers le temps et celle-ci reste principalement négative (Smith et Briggs, 1999 ; Ewing et al., 2001 ; Friedman et Lyne, 2001, etc.). En effet, que ce soit dans la littérature, les films ou les annonces publicitaires, le contrôleur de gestion n’est pas épargné et fait l’objet de caractéristiques dévalorisantes.

En tant que membres d’une fonction transverse, représentant d’un langage intégra-teur, les comptables devraient savoir communiquer avec tous :

[Pourtant] trop de comptables sont comme les vieux teneurs de comptes, deve-nus légendaires grâce aux blagues, teneurs de comptes qui représentent tout ce qu’un comptable devrait être. Tous les jours, le teneur des comptes s’assoit dans son bureau aux parois en verre. Son bureau possède sur sa gauche une fenêtre et sur sa droite, un mur longeant un couloir. De jeunes clercs très actifs sont alignés les uns à la suite des autres et remplissent des registres qu’ils tendent régulièrement au comptable. Le comptable ne laissera alors passer aucune er-reur ; ses comptes sont toujours impeccables, il représente l’autorité suprême. Cela est la source même de sa fierté. Il a juste une curieuse habitude : tous les matins lorsqu’il arrive au travail, il déverrouille le tiroir de son bureau, en sort une petite feuille de papier et debout, les yeux clos, remuant les lèvres, il semble réciter une sorte de prière. Les clercs pensent que sur ce papier est inscrit un message, source d’une grande inspiration et à valeur hautement morale : une sorte de précepte sur lequel l’on pourrait fonder toute une vie d’honnêteté et de responsabilités. Enfin, un jour, le comptable quitte son bureau pour aller déjeuner en oubliant de fermer son tiroir à clé. Les jeunes clercs ne perdent pas un instant, et se précipitent pour récupérer ce morceau de papier et lire ce qui y est inscrit. Ils y lisent : débit - côté fenêtre ; crédit - côté couloir. Ceci est, et j’en suis bien navré, la façon dont la majorité des comptables

ex-plique ce qu’ils font et les principes qui régissent la comptabilité. Et croyez-moi, ceci renvoie une très mauvaise image. Cela crée un climat de suspicion pro-bablement injustifié ainsi que de l’incompréhension [...] Les réponses que vous donnez aux questions que l’on vous pose pour comprendre ce que vous faites sont trop « professionnelles ». Elles montrent que les comptables ne peuvent être compris que par les autres comptables et que la communication avec les non comptables ne peut se faire qu’à travers une récitation de termes tradi-tionnels et codifiés. [...] La majorité des comptables ne peut donc expliquer ce qu’elle fait en des termes qui seraient compréhensibles par tous. (Cobbs, 1976, p. 95-96).

Comme nous le montre cet extrait, les contrôleurs de gestion sont perçus comme des personnes incapables de communiquer, enfermés dans leur tour d’ivoire et em-ployant un vocabulaire compréhensible par leurs seuls collègues de la fonction finance (Cobbs, 1976 ; Holt, 1994). Dans les organisations, les relations qu’ils entretiennent avec les managers sont d’ailleurs jugées trop peu nombreuses (Pierce et O’Dea, 2003) et lorsqu’ils entrent en communication, ils sont perçus comme des êtres aso-ciaux (Cory, 1992), timides (Imada et al., 1980), insensibles (Aranya et al., 1978) et inflexibles (Holt, 1994 ; Hoffjan, 2004).

De leur côté, les comptables et contrôleurs de gestion ont du mal à gérer les si-tuations émotionnelles (Segal, 1991) et préfèrent suivre les règles et procédures et donc être prudents (Robert, 1957 ; Cory, 1992) pour régler ces situations. Cela les rend ennuyeux, sombres et monotones aux yeux de la société (Robert, 1957 ; Cory, 1992 ; Beard, 1994 ; Dimnik et Felton, 2006, etc.) à tel point qu’ils en deviennent des personnages inintéressants pour les écrivains (Stacey, 1958) à moins qu’ils ne deviennent les « méchants » de l’histoire (Robert, 1957).

Garants des comptes pour les actionnaires (Corning, 2000), ils sont à la recherche de la moindre erreur (Cobbs, 1976 ; Cory, 1992 ; Hoffjan, 2004 ; Dimnik et Felton, 2006) et « incarnent l’épargne » dans l’organisation selon l’expression de Hoffjan (2004). Les contrôleurs de gestion sont alors ceux qui grincent des dents lorsque le budget est dépassé (Cobbs, 1976). Cela montre la tendance à les percevoir comme étant principalement orientés sur la chasse aux coûts (Dimnik et Felton, 2006) et la recherche d’efficience. Ils sont vus comme des surveillants au service de la direction générale par les opérationnels (Sathe, 1978 ; Boisvert, 1994 ; Jablonsky et Keating, 1995, etc.) et ce, quel que soit leur rôle (Fornerino et Godener, 2006). Ces activités de recherche d’efficience les éloignent d’un rôle ayant une dimension plus stratégique et orienté client ce qui les amène à être régulièrement affublé de l’image de comp-teurs de haricots. Cette image est d’ailleurs le qualificatif le plus présent lorsque l’on

évoque le métier de contrôleur de gestion que ce soit auprès des membres de l’orga-nisation qu’auprès du grand public (Beard, 1994 ; Smith et Briggs, 1999 ; Friedman et Lyne, 2001 ; Feeney et Pierce, 2007). Ils fournissent ainsi des informations fi-nancières apportant peu de valeur pour la gestion du business et dont la production devient une fin en soi. Ne comprenant pas les opérations, ils répriment toutes formes d’initiative et de changement, entravant la créativité des membres de l’organisation (Cory, 1992 ; Hoffjan, 2004 ; Holt, 1994).

Enfin, le comptable n’est pas épargné dans les caractéristiques physiques qui lui sont attribués : petit, vieux et dégarni ayant une apparence stricte (Cory, 1992 ; Bougen, 1994), il ne donne pas envie de travailler avec lui (Cory, 1992 ; Holt, 1994). Son caractère rigide et ses traits physiques en font alors un personnage burlesque dans les films (Beard, 1994 ; Bougen, 1994). Nous offrons dans le tableau 1.7 un récapitulatif des images négatives que nous avons pu recenser dans la littérature, et que nous classons selon 4 catégories : son relationnel, ses principaux traits de caractère, le point de vue général sur son métier et enfin, son aspect physique.

Catégories Caratérisques

Relationnel

• Faible relationnel avec les autres membres de l’organisation (Cobbs, 1976 ; Beard, 1994 ; Holt, 1994 ; Pierce et O’Dea, 2003)

• Inflexible et autoritaire (Taylor et Dixon, 1979 ; Beard, 1994 ; Hoffjan, 2004 ; Hunt et al., 2004)

• Insensible (Aranya et al., 1978 ; Dimnik et Felton, 2006)

• Associal et timide (DeCoster et Rhode, 1971 ; Taylor et Dixon, 1979 ; Imada et al., 1980 ; Cory, 1992 ; Smith et Briggs, 1999)

Traits de caractères

• Ennuyeux et monotone (Stacey, 1958 ; Cory, 1992 ; Beard, 1994 ; Ewing et al., 2001 ; Dimnik et Felton, 2006)

• Pédant (Cobbs, 1976)

• Pointilleux (Cobbs, 1976 ; Taylor et Dixon, 1979 ; Cory, 1992 ; Hunt et al., 2004)

• Manipulateur (Beard, 1994 ; Holt, 1994 ; Dimnik et Felton, 2006 ; Jeacle, 2008)

Son travail, ses activités et tâches

• Inintéressant et non stimulant (Cory, 1992 ; Hunt et al., 2004) • Chasseur de coûts (Cobbs, 1976 ; Cory, 1992 ; Dimnik et Felton, 2006) • Surveillant, policier (Sathe, 1978 ; Segal, 1991 ; Cory, 1992 ; Boisvert, 1994 ; Holt, 1994 ; Jablonsky et Keating, 1995 ; Smith et Briggs, 1999 ; Fornerino et Godener, 2006)

• Compteur de haricots (Bougen, 1994 ; Friedman et Lyne, 2001 ; Feeney et Pierce, 2007)

• Entrave la créativité (Cory, 1992 ; Hoffjan, 2004 ; Holt, 1994) Aspect

physique

• Absence de beauté (Robert, 1957 ; DeCoster et Rhode, 1971) • Petit, vieux et dégarni (Cory, 1992)

• Sans expression (Cory, 1992) • Strict (Beard, 1994 ; Bougen, 1994)

Tableau 1.7 – Récapitulatif des stéréotypes négatifs du métier

Les métiers de la comptabilité ne font donc pas rêver (Jeacle, 2008), d’autant plus qu’ils sont considérés comme des métiers appartenant au bas de l’échelle sociale (DeCoster et Rhode, 1971 ; Cory, 1992). Ceci peut se révéler problématique tant pour le recrutement que d’un point de vue identitaire.

5.3.1.1. Image négative et problème de recrutement

Lorsque les chercheurs évo-quent l’image négative des métiers comptables, ils en viennent, le plus souvent, à évoquer les problèmes de recrutement qui y sont liés (Smith et Briggs, 1999 ; Hoffjan, 2004 ; Anderson-Gough et al., 2001 ; Friedman et Lyne, 2001 ; Jeacle, 2008) :

Il est vital de déterminer si les stéréotypes présents dans les esprits des gens se font au détriment ou au bénéfice d’une profession donnée. Quand il apparaît évident que les stéréotypes acceptés inhibent la capacité de la profession à re-présenter précisément ses membres et à attirer de nouvelles recrues, il devient alors nécessaire de contrer ces stéréotypes. (Ewing et al., 2001, p. 26-27)

Or les images traditionnelles qui circulent font de la comptabilité et du contrôle de gestion des métiers ennuyants aux yeux des étudiants. Il est alors difficile d’y attirer et d’y garder les meilleurs (Smith et Briggs, 1999 ; Anderson-Gough et al., 2001 ; Ewing et al., 2001). Il faut donc que les comptables se battent pour construire une image plus « colorée » (Dimnik et Felton, 2006 ; Jeacle, 2008) de leurs activités afin de modifier les perceptions que s’en font les individus non-comptables (Ewing et al., 2001).

5.3.1.2. Image négative et problèmes identitaires des contrôleurs de ges-tion

Si les contrôleurs de gestion ne sont vus que comme des policiers au service de la di-rection générale, alors ils ont du mal à devenir des business partners (Morales, 2009). Au quotidien, ils cherchent à se débarrasser des tâches de production des données pour se focaliser sur l’interprétations de ces mêmes données et sur les missions de conseil (Morales, 2009). En quelque sorte, ils refusent certaines tâches techniques de leur métier (reporting par exemple), qui représentent le côté policier de leur métier puisqu’il les amènent à produire des informations pour le compte de la direction générale. Les contrôleurs de gestion nient alors une partie de qui ils sont sensés être et donc une partie de leur identité professionnelle. Ceci est problématique pour le suivi de la performance et peut remettre en question leur neutralité vis-à-vis des décisions opérationnelles.

À l’opposé, à force d’être exposés de manière répétée à certaines images, les indi-vidus finissent souvent par les assimiler et les reproduire, ils se conforment donc aux stéréotypes du métier (Fischer, 2010). Les contrôleurs de gestion dans ce cas, s’éloigneraient de ce qu’ils souhaitent être, des business partners, pour ne devenir que des contrôleurs de gestion policiers, n’apportant que peu de valeur ajoutée aux managers. Ceci mènerait les managers à se détourner d’eux pour la recherche d’in-formations et de conseils (Hoffjan, 2004). En effet, si les managers estiment que les contrôleurs de gestion sont bornés et qu’ils ne tiennent pas compte de leurs be-soins opérationnels, alors ils n’accorderont que peu d’importance aux informations offertes. Dès lors, l’identité et l’utilité des contrôleurs de gestion s’en trouveront affectées. Si ces stéréotypes perdurent, les organisations chercheront à déléguer les activités importantes des contrôleurs de gestion à d’autres professions plus ave-nantes, compétentes et créatives (Friedman et Lyne, 1997). Cooper (1996) ou bien Friedman et Lyne (1997) y voient un danger majeur. En ôtant leurs activités nobles

aux contrôleurs de gestion et en les transférant à d’autres professions, cela risque de mener les contrôleurs de gestion et les comptables à mettre en place des pratiques brutales et peut être peu louables pour maintenir leurs revenus et leurs positions dans les organisations. Une perte graduelle du statut de la profession semble alors se dessiner si ces stéréotypes perdurent (Friedman et Lyne, 2001), pouvant mener à la mort du contrôleur de gestion Cooper (1996)

Dans un monde où la financiarisation des organisations ne cesse d’avancer (Fligstein, 1990), où l’existence de fonctions contrôle de gestion partenaire ou omnipotente est avérée (Lambert, 2005), où les contrôleurs de gestion offrent des informations diversifiées pour ne plus être de simples compteurs de haricots (Friedman et Lyne, 1997 ; Pierce et O’Dea, 2003), des actions ont été mises en place pour revaloriser les métiers de la comptabilité.

5.3.2. Des actions pour revaloriser l’image des métiers de la comptabilité Récemment une partie de la communauté comptable a montré une volonté de pro-mouvoir une image plus positive de la comptabilité et des comptables (Ewing et al., 2001 ; Baldvinsdottir et al., 2009). Les représentations des professionnels comptables évoluent dans le temps et ils sont de plus en plus présentés comme des personnes décontractées et sportives, ce qui est à l’opposé de leur image de personnes for-melles, engoncées dans des costumes et enfermées dans leur bureau (Ewing et al., 2001). Les brochures de recrutement traduisent cette tendance en brossant un por-trait dynamique et excitant des carrières dans le milieu financier (Anderson et al., 1994). Des sites internet humoristiques et des campagnes publicitaires sponsorisés par le CIMA (Baldvinsdottir et al., 2009) ont aussi été menés afin de casser cette image traditionnelle du comptable. Par exemple, une publicité, pour parodier l’atti-tude stricte des contrôleurs de gestion, fait apparaître une femme en tenue de latex rouge. L’image des comptables dans les publicités pour les logiciels de gestion inté-gré a aussi évolué (Dimnik et Felton, 2006). Dans les 1970-1980, les comptables sont considérés comme des hommes certes intelligents et responsables mais dépassés par les quantités d’informations qu’ils doivent fournir aux management pour prendre des décisions rationnelles, ils ont alors besoin d’un outil informatique pour les aider dans leur mission d’aide à la décision. Dans les années 1990, où la technologie est prise pour acquise, les comptables sont présentés au contraire comme des aventuriers en quête de sensations, on passe ainsi de l’homme rationnel à l’homme émotionnel. Le comptable est désormais une personne qui part à l’exploration du business, mais toujours pour diminuer les coûts. Enfin, dans les années 2000, les publicités mettent

en avant un discours plus hédoniste, où c’est le logiciel qui fait le « sale boulot » pen-dant que le comptable lui s’amuse dans son travail. L’utilisation des outils devient alors un pur plaisir. Toutes ces évolutions s’inscrivent dans les changements sociaux plus généraux connus dans notre société (Dimnik et Felton, 2006) et montrent que l’on souhaite offrir une autre image des métiers de la comptabilité, plus séduisante, plus dynamique.

Les films offrent aussi des stéréotypes différents : bien qu’ils présentent encore pour certains une image négative du métier (Hunt et al., 2004), leur rôle dans la reproduc-tion des stéréotypes négatifs est cependant à nuancer puisqu’ils véhiculent désormais des images positives (Cory, 1992 ; Beard, 1994 ; Dimnik et Felton, 2006). Les contrô-leurs de gestion n’y sont pas toujours présentés comme étant serviles, maussades ou bien encore inaptes aux interactions sociales. Au contraire, les comptables et contrôleurs de gestion y sont considérés comme des experts dans un do-maine souvent méconnu dans les années 1970 (Cobbs, 1976) : celui de la finance. Dans ce monde qui se financiarise, ces experts, de par leurs connaissances financières, offrent désormais des informations pertinentes permettant de résoudre des intrigues (Beard, 1994). Ils sont du côté de la justice, garants de l’exactitude et de l’honnêteté des transactions et ce, même si les chiffres qu’ils fournissent sont parfois un peu flous (Cobbs, 1976). C’est donc leur loyauté envers l’organisation et leur rectitude dans le suivi des performances et des règles financières qui pourraient expliquer, tout du moins en partie, pourquoi ils sont considérés comme des personnes serviles (Hoffjan, 2004). Dimnik et Felton (2006) ont mis en évidence 5 stéréotypes véhiculés dans les films : allant du comptable rêveur au comptable méchant. Ces stéréotypes, résumés dans le tableau 1.8, montrent toute la complexité des images qui entourent ces professionnels.

Stéréotypes Caractéristiques

Le rêveur Naïf, vit en-dehors de la réalité, timide et ayant une faibleautorité Le bosseur Sobre et travailleur, pessimiste et anxieux, faible autorité L’excentrique Homme ringard, névrosé et instable

Le héro Sensible, sincère, honnête et généreux, drôle et cherchant lesopportunités de devenir un héro Le méchant Puissant, inflexible, froid et sûr de lui, insensible, cupide etimpatient

Tableau 1.8 – Les stéréotypes de la profession comptable dans les films (Dimnik et Felton, 2006)

Bien que de nombreuses actions aient été menées pour « redorer » l’image des tables, les récents scandales financiers ont provoqué la réappropriation par les comp-tables de certains stéréotypes anciens, mais qui sont cette fois perçus comme étant positifs.

5.3.3. Les scandales financiers et le regain d’intérêt pour une image conservatrice

Suite à l’affaire Enron, Carnegie et Napier (2010) montrent que les images tradi-tionnelles du comptable ne correspondent plus à ce qu’il fait réellement. Pour le « comptable traditionnel », le client n’a pas toujours raison. Il adopte alors un com-portement prudent face à lui et aux opérations qu’il a effectuées. En revanche le « comptable professionnel du business » voit dans la comptabilité un objet commer-cial sur lequel il peut valoriser son savoir. La comptabilité devient un moyen d’offrir une certaine valeur ajoutée au client et le comptable se transforme en conseiller. Les métiers de la comptabilité peuvent dès lors être associés à la manipulation et à la corruption, ce qui a pour conséquence un questionnement de l’intégrité de la profession (Bougen, 1994 ; Carnegie et Napier, 2010). Des scandales tels ceux d’En-ron et de Parmalat sont à la base des stéréotypes modernes des comptables qui seraient malhonnêtes, non respectables et calculateurs (Dimnik et Felton, 2006 ; Jeacle, 2008).

Or les professionnels comptables sont les responsables des fonds monétaires, des comptes financiers et de la performance financière de la firme (Hopper, 1980 ; Cor-ning, 2000 ; Hoffjan, 2004). Ils doivent donc s’assurer que les ressources sont utilisées de façon efficace et efficiente (Anthony, 1988). Il est alors attendu des comptables qu’ils soient conservateurs, terre-à-terre et prudents par nature (Bougen, 1994 ; Corning, 2000). Ils ne peuvent pas non plus se permettre d’être trop généreux en autorisant des dépenses inutiles (Hoffjan, 2004) et leur créativité peut être assimilée à de la duperie (Friedman et Lyne, 2001). Au contraire, au compteur de haricots est associé l’honnêteté, la respectabilité et la méthode ce qui renforce la crédibilité de la profession (Dimnik et Felton, 2006 ; Jeacle, 2008).

La crédibilité même de la profession est donc liée à l’image d’un gardien, personne de confiance pour gérer les actifs. Il est ainsi utile et nécessaire de conserver cette image de personne prudente et conservatrice (Corning, 2000), afin de rassurer les clients et les actionnaires mais aussi d’attirer les personnes les plus talentueuses (Carnegie et Napier, 2010, citant Buffini et Cornell, 2005). Ces caractéristiques sont d’autant plus

importantes dans des périodes de troubles économiques : elles en deviennent mêmes